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Liaisons dangereuses : ce que les expériences européennes nous apprennent sur les alliances entre la droite et l'extrême droite
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Marine et cie

Si l'extrême droite gagne du terrain partout en Europe, elle n'a jusqu'ici que très rarement réussi à devenir le moteur de la droite. Mais chez plusieurs de nos voisins, ces formations sont devenus des alliés -difficiles!- pour les partis de gouvernement.

Corinne Deloy

Corinne Deloy

Corinne Deloy, responsable de l’Observatoire des élections en Europe (OEE) à la Fondation Robert Schuman et chargée d’études au CERI (Sciences Po)

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Depuis une décennie, les partis d’extrême droite sont en hausse dans un grand nombre de pays d’Europe. Dans certains pays, cette tendance politique a même réalisé des percées substantielles, notamment en Suisse, en Norvège (où le Parti du progrès (FrP) est aujourd’hui la deuxième force politique du pays), en Autriche ou encore aux Pays-Bas. En dépit de cette montée de l’extrême droite, les alliances entre cette dernière tendance et la droite libérale (ou conservatrice) sont très rares en Europe.

Seuls trois pays européens ont choisi de gouverner avec les extrêmes (je mets ici de côté le cas de la Suisse dont le système politique est spécifique) : les Pays-Bas durant quelques mois (de mai à octobre 2002), l’Italie et l’Autriche durant plusieurs années. Dans d’autres pays, l’extrême droite n’a pas participé au gouvernement formé par les partis de droite mais elle leur a apporté un soutien parlementaire, un appui souvent indispensable pour le pouvoir –minoritaire – en place auquel il a permis d’obtenir une majorité.

Ainsi, entre 2001 et 2011, le Parti du peuple danois (DF) a soutenu le gouvernement libéral dirigé par Anders Fogh Rasmussen puis par Lars Lokke Rasmussen au Danemark. En Bulgarie, le gouvernement minoritaire de Boïko Borissov a été soutenu, entre 2009 et 2011, par la formation d’extrême droite Ataka. Aux Pays-Bas, le Parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders soutenait depuis 2010 la coalition (minoritaire) du Premier ministre Mark Rutte qui vient de chuter après… la décision de Geert Wilders de claquer la porte et de retirer son soutien au gouvernement. De nouvelles élections législatives auront lieu en septembre prochain. Dans ce pays au paysage politique très fragmenté, l’idée du cordon sanitaire n’existe pas. Ainsi, en mai 2002, lorsque la Liste Pim Fortuyn arrive en deuxième position aux élections législatives avec 17% des suffrages, le libéral Jan Peter Balkenende n’hésite pas à former un gouvernement avec cette formation. La Liste Pim Fortuyn obtient trois ministères. Dépourvu de tradition militante, d’enracinement géographique et de cadres expérimentés, secoué par d’incessantes querelles internes, le parti d’extrême droite montre alors son incapacité à sortir de la critique de l'appareil politique et d’endosser la responsabilité d’un véritable parti de gouvernement. Conséquence : la coalition gouvernementale chute après seulement cinq mois aux affaires. Aux élections législatives qui s’en suivent, l’extrême droite s’effondre et la droite remporte largement le scrutin. Une remarque cependant : l’assassinat de Pim Fortuyn, leader charismatique du parti d’extrême droite (et seule véritable personnalité politique du mouvement), à la veille du premier scrutin de mai 2002, avait fortement fragilisé le parti.

Deux autres pays européens ont été gouvernés par des coalitions alliant la droite à l’extrême droite. Le premier est l’Italie de Silvio Berlusconi. Le Cavaliere a gouverné de 2001 à 2006 puis de 2008 à 2011 (ainsi que quelques mois en 1994) avec la Ligue du Nord (LN) d’Umberto Bossi, sans que d’ailleurs l’Union européenne n’y trouve jamais rien à redire. L’autre pays est bien sûr l’Autriche. En 2000, le chancelier Wolfgang Schüssel décide de former un gouvernement avec le Parti libéral (FPÖ) de Jörg Haider. Celui-ci avait judicieusement choisi de ne pas entrer au gouvernement pour pouvoir continuer à pratiquer une politique d'opposition

On se souvient que l'Union européenne avait aussitôt imposé à l'Autriche des sanctions politiques sans précédent pour tenter de faire pression sur le chancelier autrichien. Durant sept mois, le gouvernement et les diplomates autrichiens avaient été mis au ban de l'Europe par les quatorze Etats de l'Union avant que ceux-ci, constatant l'improductivité des sanctions, ne décident de lever celles-ci sept mois plus tard. Le chancelier Wolfgang Schüssel était parvenu à transformer l'ostracisme de l'Union européenne en avantage politique en rassemblant l'ensemble des Autrichiens derrière son gouvernement. Les crises récurrentes entre droite et extrême droite conduisent à de nouvelles élections législatives en 2002 qui donnent une nette majorité à la droite qui choisit de poursuivre son alliance avec l’extrême droite. Celle-ci durera jusqu’en 2006, année de l’arrivée de la gauche au pouvoir.

Quelles conclusions tirer de ces différentes expériences ? La première – et sans doute la principale – est que la droite de gouvernement a toujours beaucoup à perdre d’une alliance avec l’extrême droite et, in fine, bien peu à gagner. Pour obtenir le soutien de l’extrême droite, la droite est toujours contrainte de lui faire des concessions (toujours plus nombreuses et toujours plus importantes). Mais, une fois au pouvoir, l’extrême droite se révèle toujours incapable d’abandonner sa posture de parti protestataire et d’agir en parti de gouvernement responsable et finit souvent par faire chuter les équipes en place.

Même si cela constitue plutôt l’exception, la coalition droite-extrême droite peut cependant perdurer, comme cela a été le cas en Italie ou en Autriche. Dans ce cas, les partis de droite en sortent le plus souvent affaiblis par rapport à ceux d’extrême droite. La situation est difficile à analyser en Italie, aujourd’hui en pleine recomposition politique. En revanche, en Autriche, l’extrême droite est bel et bien aujourd’hui (et à un an des prochaines élections législatives) la première force politique du pays selon les enquêtes d’opinion. Lors du dernier scrutin national de 2008, cette tendance, certes divisée entre le Parti libéral et l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ), avait déjà recueilli 28,9% des voix pour 29,7% au Parti social-démocrate et 25,6% au Parti populaire.

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