Allemagne : une affaire d'espionnage qui pourrait dégénérer ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'entrée du service fédéral de renseignement extérieur allemand (Bundesnachrichtendienst).
L'entrée du service fédéral de renseignement extérieur allemand (Bundesnachrichtendienst).
©STEPHAN JANSEN / DPA / AFP

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Un universitaire allemand très réputé est accusé par les autorités allemandes d’avoir été recruté par le Guoanbu, les services secrets chinois. Mais il n'a pas vraiment de soucis à se faire avec la justice, l'Allemagne ne souhaitant pas que ses affaires d'espionnage fuitent dans la presse...

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Un universitaire allemand très réputé à l’international qui, en dehors de ses activités professionnelles classiques, exerçait des activité plus discrètes depuis 50 ans pour le compte du service fédéral de renseignement extérieur allemand (Bundesnachrichtendienst, - BND -) est aujourd’hui accusé par les autorités allemandes d’avoir été recruté par le Guoanbu, les services secrets chinois dépendant du Ministère de la sécurité d’État. Ils compteraient quelques 800.000 personnels dans leurs rangs.

Klaus Lange avait travaillé pour la fondation Hanns Seidel (domiciliée à Monaco) liée au CSU, la branche bavaroise de la CDU d’Angela Merkel.

En 2001, il avait fondé un cabinet de conseil géopolitique spécialisé dans les affaires asiatiques : l’« Institut des études transnationales » (en anglais, ITS) » domicilié Munich. Au début des années 2010, il avait étendu ce cabinet à son domicile italien de Gais dans les Dolomites dont est originaire son épouse, Klara Knapp. Elle même diplômé d’un doctorat de philosophie et ancienne professeur d’anglais est devenue directrice adjointe de l’ITS.

Fort de sa réputation de chercheur reconnu internationalement et de ses nombreuses relations universitaires mais aussi dans le monde des anciens des services spéciaux occidentaux, Lange et sa compagne profitaient de cet organisme pour rencontrer de nombreuses personnalités lors de colloques, de conférences et de visites internationales. Ils deux délivraient de nombreuses conférences dont les sujets allaient du terrorisme islamique aux politiques énergétiques… Ils étaient très appréciés en Europe mais aussi en Inde et en Extrême-Orient.

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Lange aurait été contacté par les services chinois lors d’un voyage à l’Université de Tongji à Shangaï en juin 2010. Il aurait fait part de ce premier contact au BND qui lui aurait demandé de « poursuivre pour voir ce qu’ils voulaient ». Bien sûr, il convient de vérifier cet « alibi » présenté par le chercheur. Si la manœuvre est classique (devenir un agent double sauf que l’on ne sait pas qui dirigeait la manœuvre, les Chinois ou les Allemands ?), elle doit être contrôlée en permanence en triant les vraies et les fausses informations distillées à l’adversaire.

En 2019, le domicile du couple Lange - Knapp de Landshut situé au sud-est de la Bavière avait fait l’objet d’une perquisition alors qu’il devait se rendre à Macao. Des ordinateurs et des documents avaient été saisis. Bien logiquement et par mesure de sécurité, les contacts avec les services chinois avaient été interrompus.

Il est difficile pour le moment de savoir quelles étaient les motivations du couple. Selon l’acte d’accusation, une seule trace de paiement aurait été découverte même si leurs voyages vers l’Extrême-Orient leur étaient payés (ce qui est le cas de nombreux intervenants de haut niveau, ils ne sont pas « rétribués » mais « défrayés »). Par contre, ils doivent déclarer au fisc ces avantages en nature.

C’est au tribunal régional de Munich de décider si Lange va être inculpé pour « intelligence avec une puissance étrangère ». Il risque une peine de prison pouvant aller jusqu'à cinq ans et une amende. La justice allemande est très laxiste en matière d’espionnage car elle a « mauvaise conscience » pour la période de la « splendeur » de l’Allemagne de l’Est et des activités de la Stasi qui recrutait des Allemands de l’Ouest par centaines.

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Cette affaire n’est pas nouvelle car les cas d’espionnage sont fréquents en Allemagne où tous les services de renseignement semblent avoir « table ouverte » ; même les grands alliés américains viennent manger à la soupe. La question qui se pose est : est-ce que les Allemands ont encore quelque chose à cacher ?

La suite des évènements va être intéressante à suivre. La probabilité la plus fiable est que tout va être « écrasé », le couple n’ayant vraisemblablement pas de souci à se faire avec la justice qui, au mieux, lui infligera des amendes ou un redressement fiscal. Si la peine est plus élevée, des fuites pourraient avoir lieu dans la presse mettant sur le devant de la scène des personnalités allemandes et européennes. Et personne aux commandes ne le souhaite…

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