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Alerte sur les infrastructures publiques : les dépenses d’investissement européennes sont au plus bas depuis 20 ans et cela nous coûte bien plus que les inconvénients liés à des nids de poule
©Reuters

A l'abandon

Le sous-investissement des pays européens concerne les infrastructures de transport mais aussi le numérique.

Mathieu Plane

Mathieu Plane

Directeur adjoint du Département analyse et prévision à l'OFCE

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Atlantico : Selon la Banque européenne d'investissement, les pays de l'Union européenne seraient actuellement en situation de sous-investissement concernant les infrastructures de transport, mais également pour le numérique, celui affichant un plus bas de 20 ans, à 2.7% du PIB. En quoi de telles infrastructures seraient nécessaires ? Quels sont les "bienfaits" à attendre de tels projets ?

Mathieu Plane  : La crise financière, dont le déclenchement a eu lieu en 2008, puis les politiques d’austérité à partir de 2011 ont causé des dégâts considérables sur le tissu productif et l’investissement ; Tout d’abord la crise financière a conduit à un désinvestissement brutal, plutôt privé, dans tous les pays de la zone euro, puis à partir de 2010, ce sont les politiques d’austérité dans la zone euro qui ont freiné la reprise et conduit à un nouvelle chute de l’investissement, cette fois principalement public. Désormais, l’investissement public dans la zone euro est à un plus bas historique et pour la France, il est à son plus bas niveau, en points de PIB, depuis 1952…c’est d’ailleurs actuellement le point noir de la reprise en France. En 2017, les administrations publiques vont investir environ 18 milliards de moins qu’en 2010. L’investissement public en ouvrages de génie civil compense désormais tout juste la dépréciation du capital. Le capital public en infrastructures par tête diminue.  Or l’investissement public, à travers ses infrastructures est un facteur essentiel de production. L’accroissement de l’investissement public dans l’infrastructure augmente la production à court et à long terme. En effet, c’est une mesure de soutien à l’activité à court terme, notamment dans les territoires à travers les carnets de commande, mais aussi un élément déterminant pour rehausser la croissance potentielle. Les besoins d’investissement sont conséquents, que ce soit dans le numérique, les infrastructures de transport, d’eau, dans la transition énergétique, les déchets… Le renforcement des réseaux de transport, d’énergie, de télécommunication accroissent la compétitivité de l’économie, stimule l’investissement privé et augmente le potentiel de croissance de notre économie, élément essentiel pour sortir de la trappe à lowflation et écarter le risque de stagnation séculaire. De plus, Les taux d’intérêt souverains sont très faibles dans de nombreux pays de la zone euro. Le bas niveau des taux incite à financer ces investissements par de la dette publique et la soutenabilité en est assurée par l’accumulation d’un actif. L’investissement constitue une contrepartie (actif) à la dette créée. Les projets d’investissement avec un taux de rendement supérieur aux taux doivent être entrepris. Avec des titres publics à des taux réels faibles, voire négatifs, la valeur nette patrimoniale (actifs – dettes) de l’Etat s’améliorera au final.

Une telle demande n'est elle pas paradoxale avec le besoin d'assainissement des comptes publics, préconisé par la Commission européenne et le gouvernement ? 

En effet, les règles budgétaires européennes ne sont pas adaptées pour soutenir l’investissement public. Ainsi, sur la période 2010-2015, la réduction de l’investissement public a représenté 30 % de l’ajustement budgétaire total dans la zone euro alors que celui-ci ne représente qu’environ 6 % de la dépense publique. Et en Espagne et en Italie, cela représente respectivement 50 % et en Italie 60 % (25 % en France). Les pays contraints de diminuer très rapidement leurs déficits ont été poussés à réduire très fortement dans leurs dépenses d’investissement car c’est le poste budgétaire dans lequel il est le plus facile de couper. L’investissement public a clairement servi de variable d’ajustement dans la politique de réduction des déficits en Europe avec les conséquences que l’on sait à la fois sur l’activité passée mais aussi sur la croissance potentielle future.  En effet, depuis 2010, tous les pays de la zone euro, se sont engagés dans une course folle à la réduction des déficits publics, pour revenir dans un premier temps, en-dessous des 3 % du PIB et désormais, pour beaucoup de pays, pour atteindre l’équilibre budgétaire structurel. Mais cette notion, bien que plus pertinente que celle uniquement basée sur la mesure nominale du déficit même si elle pose le problème de la bonne mesure du cycle, ne distingue pas les dépenses d’investissement physiques de tout autre type de dépenses. Une règle budgétaire élémentaire pourrait à minima sortir les dépenses d’investissement du solde public structurel. En effet, l’investissement physique constitue une contrepartie patrimoniale à l’endettement, vecteur de rendement économique futur, qui justifie que les Etats puissent emprunter pour investir, et ce d’autant plus dans un contexte de taux d’intérêts sur les obligations publiques très faible. Les règles budgétaires telles qu’elles existent obligent la plupart des pays de la zone euro à pratiquer des politiques de consolidation budgétaire perpétuelles qui pèsent sur la croissance à court et long terme.

Comment jugez des décisions françaises sur ce thème ? Les recommandations faites par l'EIB sont elles en adéquation avec les prises de position du gouvernement ? 

Le gouvernement propose un Grand Plan d’Investissement de 57 milliards d’euros sur le quinquennat, ce qui n’est pas négligeable même si seulement environ la moitié sera en réalité des nouveaux crédits. Ce Plan d’investissement est bien ciblé car il est tourné sur la Formation, la transition énergétique, le numérique, la santé, les transports... Par ailleurs, le gouvernement veut faire en sorte que les collectivités locales fassent des économies de 13 milliards d’ici à 2022 uniquement sur les dépenses de fonctionnement de façon à préserver les dépenses d’investissement, qui avaient été très affectées par la réduction des dotations sous le quinquennat précèdent. Le gouvernement a donc conscience que l’investissement public est un enjeu important mais il s’est également engagé dans le même temps à faire 60 milliards d’économies sur la dépense publique sur le quinquennat. Le risque est que face à cette contrainte budgétaire dure, ce plan d’investissement serve de variable d’ajustement et ne soit pas déployé dans sa totalité…

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