Alerte Assemblée ingouvernable : petite projection électorale maintenant l’offre réelle de candidatures connue<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Assemblée nationale à Paris, le 19 mai 2020
L'Assemblée nationale à Paris, le 19 mai 2020
©CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA POOL / AFP

Législatives

La campagne des législatives a officiellement débuté et l'offre réelle des candidats est désormais connue.

Xavier Dupuy

Xavier Dupuy

Xavier Dupuy est politologue, spécialiste de l'opinion. Il s'exprime sous pseudonyme.

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Atlantico : Maintenant que la campagne des législatives a officiellement débuté et alors que l'offre réelle des candidats est connue, quelles sont les estimations des projections des blocs pour le Nouveau Front populaire, Les Républicains, les candidats ayant suivi Eric Ciotti, le Rassemblement National, Reconquête ou Renaissance au sein de l’Assemblée nationale ? Quelles sont les estimations du nombre de députés que pourraient remporter les différentes formations politiques ? 

Xavier Dupuy : Le point déterminant de la campagne des élections législatives anticipées sera la participation. Au regard de la règle électorale, pour qu’un candidat puisse se maintenir au deuxième tour, il devra soit arriver dans les deux premiers, soit faire 12,5 % des inscrits. Si le taux de participation est nettement plus élevé cette année qu'aux précédentes législatives, un candidat qui va se retrouver autour de 17 à 19 % sera en mesure de se maintenir au second tour. Cela va entraîner un nombre de triangulaires nettement plus important que lors des scrutins de 2017 et de 2022.

Concernant la répartition, il y aura beaucoup de candidats Lutte Ouvrière puisque le parti a l'habitude de déposer des candidatures. Ces candidats vont rassembler très peu de voix. Il va donc y avoir essentiellement une concentration des suffrages sur quatre candidats. La probabilité qu’il y ait un nombre très important de triangulaires est donc très importante. Le Rassemblement national est donné largement en tête du premier tour pour l'instant, selon les instituts de sondages, devant le rassemblement des forces de gauche au sein du Nouveau Front populaire et devant la majorité présidentielle dans un certain nombre de cas. Pour certaines circonscriptions, le troisième place pourrait être occupée par Les Républicains. 

Les candidatures d’Eric Ciotti, en partenariat avec le RN sont au nombre de 62. Une vingtaine de ces candidats ont des chances de l'emporter.

Le Rassemblement national est pour l'instant toujours donné au-dessus de 30 % d’intentions de vote au premier tour dans les sondages. L’alliance du Nouveau Front populaire est autour de 27 à 28 % en moyenne. Le poids des différentes forces politiques fluctue en fonction des territoires. Cela permet au Rassemblement national ou aux forces de gauche d'engranger des sièges. 

Les candidats Reconquête auront très peu de chance d’être élus. Les chances de victoires seront limitées. Reste à savoir s’ils réussiront à s’imposer ou à nouer des alliances pour le second tour avec le RN. 

La gauche, qui a actuellement 150 députés, peut très bien atteindre entre 180 et 200 députés. 

Le Rassemblement national se trouve dans une fourchette qui le place entre 180 et 230 députés. 

Le bloc LR - divers droite a des candidats avec une implantation assez forte. 50 députés LR devraient être élus. La moitié de ces personnalités politiques n’ont pas de candidats de la majorité présidentielle face à eux. Cela va favoriser leur qualification pour le deuxième tour. Dans certaines circonscriptions, cela va freiner la dynamique du candidat qui serait arrivé premier au profit du candidat LR, en deuxième position, qui va se retrouver pas trop éloigné du premier. Le bloc LR divers droite peut ambitionner de finir avec une cinquantaine de députés. 

L’ex-majorité présidentielle se retrouve aussi dans un certain nombre de cas sans candidat LR à affronter dans le cadre d’un accord entre les deux formations politiques ou parce que certaines fédérations LR ont été désarçonnées par ce qu’il s'est passé et n'ont pas été en capacité de travailler dans la semaine où il fallait déposer les candidatures. Dans certains départements, Les Républicains se retrouvent assez désoeuvrés en nombre de candidatures, notamment dans le Sud-Ouest. 

Selon les projections, la majorité présidentielle devrait obtenir 120 députés.

En quoi le taux de participation peut-il faire évoluer et basculer le vote ? L’ampleur de la mobilisation des citoyens peut-elle rebattre les cartes dans le cadre des triangulaires et des quadrangulaires ?

Deux éléments conditionnent le scrutin législatif. Il y a d’un côté la participation et le fait que cette élection soit tellement précipitée, y compris dans les délais entre le moment où la dissolution est annoncée et le moment où se déroule le premier tour de l'élection. Le délai pour déposer les candidatures était tellement court que, dans de nombreuses circonscriptions, il y aura très peu de candidats. L'éparpillement va être très faible. En moyenne, il devrait y avoir 5,5 candidats par circonscription.

Il y avait 61 députés sortants LR. Avec la décision d’Eric Ciotti de ces derniers jours, Les Républicains sont-ils menacés ? Y a-t-il des gains possibles pour LR et quid des candidats ciottistes ? Quel avenir pour LR et ses nouvelles formes dans ces élections ?

Les candidats ciottistes sont affiliés au RN. Ils n’ont plus rien à voir avec LR. 62 candidats ont été annoncés dans le cadre de cette alliance entre Eric Ciotti et Jordan Bardella. Pour un certain nombre de cas, ce ne sont pas forcément les meilleures circonscriptions que le Rassemblement National leur a réservées. 15 à 20 députés ciottistes pourront être élus.

Concernant les candidats LR menacés, ils se situent essentiellement dans les Hauts-de-France et dans le Grand Est.

Par rapport à la gauche et au Nouveau Front populaire, est-ce que la peur de Jean-Luc Mélenchon pourrait faire basculer l'élection? Il y aurait 220 circonscriptions ancrées à gauche avec des risques de triangulaires. En termes de projection, pourrait-il y avoir une crainte de Jean-Luc Mélenchon qui aboutirait à un plus faible score de la gauche ?

La gauche peut perdre certaines circonscriptions à cause de candidats de la France insoumise. La grande majorité des candidats LFI ont été investis dans des circonscriptions assez métropolisées. Il y a très peu de candidats LFI dans des circonscriptions gagnables en milieu rural. Dans le département de la Creuse, la candidate élue de Mélenchon peut se faire du souci.

Quel pourrait être le poids des candidats dissidents dans la campagne, comme le cas de Jérôme Guedj qui va se représenter dans sa circonscription de l’Essonne sous les couleurs socialistes mais sans la bannière du Nouveau Front populaire ? 

Jérôme Guedj ne revendique pas l’étiquette du Nouveau Front populaire. Il va se présenter avec l'étiquette PS tout seul. Au deuxième tour, il devrait rassembler plus facilement puisqu’ il n'aura pas à subir le procès qui sera fait à d'autres de s'être associé avec La France insoumise. Les candidats dissidents auront toutes leurs chances dans certaines circonscriptions en cas de désistement de certains candidats. 

Les candidatures de maires et d'élus locaux, comme Vincent Jeanbrun ou Jean-Didier Berger, sont-elles un véritable atout dans cette campagne des législatives, notamment à droite ?

Ces candidatures d’élus locaux vont au-delà de l'étiquette politique et parviennent à rassembler au niveau local et au-delà de la droite et du centre. Vincent Jeanbrun, candidat dans la septième circonscription du Val-de-Marne, sera confronté à la sortante Rachel Keke. Un certain nombre d’électeurs de centre gauche peuvent ne pas souhaiter que Rachel Keke soit reconduite du fait de son étiquette La France insoumise. Ils pourraient donc voter pour Vincent Jeanbrun. 

En région parisienne, des candidats implantés localement peuvent se faire élire de la même manière que Vincent Jeanbrun à L'Haÿ-les-Roses ou Jean-Didier Berger à Clamart. 

L’alliance de la gauche peut heurter un certain électorat. Les candidats implantés localement rassurent les électeurs. Le président du département de la Haute-Marne se présente dans la deuxième circonscription. II sera probablement confronté, lors du deuxième tour, au candidat du Rassemblement national, qui est un député sortant. Le fait qu’il soit le président du département peut changer la donne dans son duel face au RN.

Dans certaines circonscriptions, des personnalités fortement ancrées vont changer la donne initiale. Il peut y avoir un rééquilibrage qui s'opère dans les circonscriptions de l'Ouest parisien, comme à Versailles, Neuilly, où la baisse de la majorité présidentielle va redonner de l'air aux Républicains. 

Dans certaines circonscriptions, les Républicains peuvent repasser devant la majorité présidentielle, notamment là où la gauche et le RN sont trop faibles pour peser. Il pourrait donc y avoir des pertes pour Les Républicains dans certaines circonscriptions des Hauts-de-France ou du Grand Est mais elles pourraient être compensées par des gains dans d’autres circonscriptions, notamment en Ile-de-France.

Quel pourrait être le rôle de l'abstention dans ce scrutin au regard du calendrier particulier du 30 juin et du 7 juillet ? Plus de 400.000 demandes de procurations ont été effectuées en à peine une semaine. L’abstention risque-t-elle d’avoir une influence sur les perspectives finales et sur de potentielles triangulaires ?

Certains territoires ont une tradition civique élevée. C’est notamment le cas pour les départements du centre, du Massif Central, de la Dordogne, du Lot, de l’Aveyron, de la Lozère, du Cantal, de la Haute-Loire, de la Corrèze, du Tarn ou du Gers. Les citoyens de ces départements sont très attachés à leur devoir civique. Pour ces départements, en fonction du nombre de candidatures, il pourrait y avoir beaucoup de triangulaires.

Les chances de triangulaires seront moins importantes en Seine-Saint-Denis, dans le Val-de-Marne ou en Seine-et-Marne, dans les départements les moins civiques. 

Il n’est pas impossible que dans certaines circonscriptions d'Ile-de-France avec 52 - 53 % de votants, les candidats devront dépasser 25 - 26 % pour être au deuxième tour. Cela ne va pas permettre d’avoir des triangulaires. Par contre, dans certains départements civiques, les triangulaires sont assez probables sur le papier. Au soir du premier tour, lorsqu'il va y avoir des candidats RN face à La France insoumise, qu'est-ce que va faire le troisième candidat s'il peut se maintenir ? Va-t-il se maintenir pour lutter face aux deux extrêmes ? Quelle pourrait être l'attitude des candidats Renaissance, si jamais ils sont en troisième position qui peuvent se maintenir et en fonction des configurations électorales. 

Au regard de ces élections législatives assez exceptionnelles après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron, y a-t-il des choses particulières qui vous marquent au regard des perspectives électorales ?

Le fait marquant est que, depuis très longtemps, le nombre de candidats dans certaines circonscriptions n’a jamais été aussi faible. Le nombre de candidats est réduit vraiment à la portion congrue. Le président de la République a annoncé la dissolution dimanche. Cela a été suivi par le dépôt des candidatures dans les préfectures. Il est compliqué d’être candidat pour les personnes qui ne sont pas membres d'un parti très organisé et qui n’ont pas des équipes avec eux qui leur permettraient de remplir toutes les modalités jusqu'au bout. Cela réduit forcément le nombre de candidatures déposées. Certains candidats pourraient même ne pas avoir le temps de fournir les professions de foi dans les délais. Certaines enveloppes dans de nombreuses circonscriptions risquent donc de ne pas avoir forcément toutes les professions de foi.

Quelles formations politiques ont été les plus audacieuses et ont fait preuve du plus de malice durant la campagne ? En quoi le fait de mettre des candidats insoumis face à des ténors de la majorité comme Elisabeth Borne n'a pas forcément de sens ?

Il est vrai que dans certains départements, les arbitrages faits au sein de l'alliance de gauche sont assez judicieux. Dans d'autres, cela peut susciter de l’étonnement. Le cas de la circonscription d’Elisabeth Borne dans le Calvados est effectivement emblématique. En 2022, le candidat LFI était déjà parvenu à faire 48 %. Les Insoumis ont maintenu leur candidat pour lui donner une seconde chance. Mais dans cette circonscription, un candidat socialiste bon teint aurait peut-être eu plus de chance de gagner.

Ceux qui ont conseillé le président de la République sur cette dissolution n’avaient pas anticipé que les forces de gauche allaient s’unir. Ils estimaient que le RN pouvait arriver largement en tête mais que Renaissance serait deuxième derrière le RN et que les Français feraient le choix entre le Rassemblement national et la majorité présidentielle. Les résultats des européennes et les décisions d’Emmanuel Macron ont tout chamboulé. 

Le RN est en tête devant la gauche, la majorité présidentielle et LR.  

La majorité présidentielle, du fait que la gauche se soit réunie, se retrouve marginalisée et pourrait être éliminée dès le premier tour, soit en possibilité de se maintenir, mais en étant troisième et donc en ayant peu de chances de gagner au deuxième tour dans un nombre de situations très importantes.

Il sera particulièrement intéressant de suivre les candidatures de personnalités politiques avec un ancrage local comme le retour de Jean Lassalle dans les Pyrénées Atlantiques, dans une circonscription qu'il connaît bien, où il est populaire. Il se présente face à un sortant socialiste.

La candidature de François Hollande en Corrèze va lui permettre de gagner dans une circonscription tenue par un Républicain. Si François Hollande n'était pas candidat, le candidat LR aurait été facilement reconduit. 

Ces personnalités politiques avec un ancrage local peuvent changer la donne dans certaines circonscriptions comme la candidature de Vincent Jeanbrun, de Jean-Didier Berger, celle de Nicolas Lacroix dans la deuxième circonscription de Haute-Marne, celle du maire de Chalon qui se présente en Saône et Loire. Arnaud Poulain sera aussi candidat aux législatives dans la première circonscription des Yvelines. Ce conseiller municipal de Versailles est un collaborateur de François-Xavier Bellamy, qui sera son suppléant. Ces candidatures vont avoir une véritable influence sur la décision finale des électeurs.

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