Alain Madelin : "François Hollande promet des redistributions d'argent qu'il n'a pas"<!-- --> | Atlantico.fr
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Alain Madelin.
Alain Madelin.
©Reuters

Réveil social

François Hollande s'est engagé à mettre en place un pacte de solidarité sans disposer des fonds nécessaires.

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

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Le président de la République a raison d'ajouter au pacte de responsabilité - volonté d'une politique économique tournée vers l'offre - un volet social. Paradoxalement, depuis longtemps je fais le reproche aux socialistes d'avoir une certaine indifférence sociale, dans le langage et dans les mesures, au regard d'une France qui souffre de plus en plus. Seulement, j'aurais souhaité que ce virage social soit, non pas un virage classique : "je redistribue un peu d'argent sur des grandes couches de population", mais un virage social plus moderne qui consiste à une mobilisation massive pour donner aux gens des capacités d'agir. Notamment une mobilisation sur la formation professionnelle des jeunes, un effort d'insertion massif des emplois d'avenir c'est bien - enfin c'est un palliatif utile – mais ce serait mieux si ces emplois d'avenir pouvaient être dans des vraies entreprises avec de vraies formations. Ce serait encore mieux si le président de la République, sur une piste ouverte par Lionel Jospin, c'était attaché à faire un vrai filet de sécurité garanti pour tous les Français, c'est-à-dire aspiré un peu de l'impôt négatif au travers de la fusion du RSA et de la prime pour l'emploi. Le virage social annoncé par François Hollande, c'est le virage le plus classique qui soit, la seule nouveauté c'est qu'on redistribue un argent qu'on n'a pas !   

On parle de redéployer la prime pour l'emploi en baisse de charges et peut-être d'ajouter 1 milliard ou 2… Tout le monde voit bien qu'en réalité ce sera un surcroît de pouvoir d'achat artificiel et très faible. Je ne pronostique guère de succès au pacte de responsabilité, dans la mesure où on disperse 30 milliards sur l'ensemble des entreprises au lieu de les concentrer sur ce qui pourrait fabriquer de la croissance ; et le pacte de solidarité est, là encore, une dispersion de moyens, sans doute à l'arrivée, très faibles, sur un ensemble de Français, au lieu de le concentrer sur nos compatriotes qui souffrent le plus.

Je ne pense pas que la stratégie de baisse d'impôts pour fabriquer du pouvoir d'achat soit une bonne solution dans la situation actuelle. L'augmentation du pouvoir d'achat des Français se fait par la croissance, la compétitivité, et l'augmentation des salaires, c'est le mécanisme naturel. La croissance elle-même se fabrique par le mélange intelligent du capital et du talent, ce qui pose le problème de la fiscalité du capital et de la fiscalité des talents. Sur celle du capital nous avons une fiscalité record aujourd'hui, nous sommes le seul pays qui aligne, au point où nous en sommes, la fiscalité du capital sur celle du travail. Et s'agissant de la fiscalité des talents (la matière grise) : ce qui permet d'innover et d'investir, notre fiscalité a atteint le record du monde ! Ce qui compte en matière de croissance c'est le delta, l'incitation à travailler plus et mieux, ce qu'on appelle le coin fiscal et social marginal : record du monde à plus de 75%. Puisqu'à la fiscalité sur le revenu il faut ajouter les cotisations sociales déplafonnées. En Allemagne par exemple, elles sont plafonnées entre 45 et 50 000 euros, ce qui créé un avantage décisif pour la matière grise.

Si on avait concentré les 30 milliards du pacte de responsabilité sur l'impôt sur les sociétés, il serait sans doute le plus bas et le plus compétitif d'Europe. Ce n'est pas forcément ce qu'il fallait faire, mais cela montre l'effet extraordinaire d'une concentration de ces moyens qui peuvent avoir un vrai effet économique sur la croissance, à l'inverse leur dispersion donne un effet quasi nul.

Il s'agit là de l'effort fiscal que veut faire le gouvernement, à partir des enveloppes qu'il croit avoir, et qui serait gagé par des économies budgétaires pour l'instant incertaines. L'autre consisterait à faire un pari fiscal. Comme on l'observe, trop d'impôt tue l'impôt, on peut obtenir les mêmes recettes fiscales avec des taux d'imposition plus bas qui stimule l'activité. Un gouvernement audacieux pourrait prendre le risque de baisser la fiscalité, ou du moins, certains impôts ayant un effet de levier sur la croissance, en se disant qu'il retrouvera les mêmes recettes voire d'avantage au travers de cette baisse d'impôt, mais je doute qu'une telle idée soit à l'agenda du président de la République et du gouvernement.

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