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Agirc et Arrco, obligées de se réformer ou d’emprunter pour payer les pensions : les régimes de retraite ont perdu 30 milliards d’euros avec le Covid-19
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Atlantico Business

Les régimes de retraite français cherchent à emprunter pour payer les pensions. L’Etat refuse et les banques posent leurs conditions. Il va falloir en urgence déterrer le projet de réforme, à croire que le virus n’a pas fait assez de victimes parmi la population des retraités les plus âgés.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Le paiement des pensions de retraite a été chaud au mois de mai. L’arrêt de l’activité depuis le 15 mars a mis les régimes en panne de ressources. A très court terme, il a fallu emprunter en urgence. Et à moyen terme, ou bien il faudra réformer les conditions de la retraite en réduisant les pensions ou alors il faudra rappeler le virus pour réduire le nombre des personnes les plus âgées.…

La semaine dernière, le COR, le Conseil d’orientation des retraites qui est chargé de veiller à l’équilibre les systèmes, a révélé que l’ensemble des régimes de retraites s’était creusé de 30 milliards d’euros à cause de la crise du coronavirus, alors qu’on était parti sur un trend proche de l’équilibre pour cette année 2020.

Cette dégradation est principalement imputable à la chute des recettes de cotisations, compte tenu des mesures d’exonérations de charges et de report de paiement, ou de chômage partiel massif. Le montant des recettes aurait déjà chuté de 26 milliards d’euros.

Le montant global des pensions a un peu baissé à cause de la surmortalité des personnes âgées, mais pas de quoi rétablir l‘équilibre.

On touche là à la perversion du système par répartition. Si on veut que le système fonctionne correctement, il faut que les salariés travaillent et cotisent ou que les retraités se privent de retraite.

Les caisses les plus sévèrement touchées sont les caisses complémentaires de l‘Argic-Arrco qui ont dû, pour payer les pensions de mai, emprunter de l’argent. Très logiquement, les présidents des deux régimes, Jean-Claude Barboul et Didier Weckner se sont tournés vers l‘Etat pour lui demander 8 milliards d‘euros, la somme dont ils avaient besoin pour assumer l’échéance. Et là, d’après les rares témoins, ils ont vécu un moment surréaliste. Le ministère du travail et des solidarités a renvoyé la demande à Bercy du côté des comptes publics qui, de bureau en bureau après être passé à Matignon, a opposé un refus net et précis. « Impossible, d’ailleurs, Agirc-Arcco sont des organismes bien gérés avec des réserves abondantes qui avoisinent les 70 milliards d’euros. Tout le monde le sait depuis les débats houleux à propos de la réforme des retraites. »

Réponse de Agirc et Arrco : « Les réserves existent parce que nos caisses sont bien gérées mais ces réserves nous servent à amortir des évolutions conjoncturelles, elles doivent surtout servir à préparer l'impact de l’allongement de la vie... Elles ne peuvent pas financer les effets d’une catastrophe économique liée à la décision politique de confiner la France entière. »

Voudrait-on puiser dans les réserves, que ces réserves sont investies en actions et en obligations... Pour en disposer, il eut fallu en liquider une partie au plus mauvais moment.

En fin de compte, Agirc et Arrco ont trouvé à emprunter auprès d’un pool de banques privées qui a évidemment demandé des garanties sur les réserves.

Cette mésaventure va se reproduire tous les mois tant que la France ne se sera pas remise au travail.

Elle ramène surtout tous les acteurs à une réalité qu’ils avaient finalement refusée de voir avant la crise.

La première est que nos systèmes par répartition ne fonctionnent que si la France travaille. Les actifs paient pour les inactifs. L’équilibre des régimes dépend donc du taux d’activité, de la durée de cotisation ou de l’âge de départ à la retraite, de l’espérance de vie et du niveau des pensions. Une crise aussi violente que celle du coronavirus est donc venue dénoncer la fragilité des systèmes par répartition.

Un système avec une dose de capitalisation permettrait d’étaler les risques. Quand General Motors crée un système de retraite investi en actions maison, la crise des subprimes infligeait aux salariés une double peine. De quoi paniquer ! Ils perdaient et leur job et leur retraite. Les pourfendeurs du système par capitalisation avaient mille fois raison de s’angoisser au point d’obtenir l’aide de l’Etat fédéral et Barack Obama n’a pas hésité longtemps avant de faire un chèque et demander une réforme des systèmes de retraite qui ont imposé la diversification des placements.

Un système par capitalisation ne peut fonctionner que si et seulement si l’argent est géré et les risques sont mesurés.

L’Agirc et l'Arrco ont constitué un fonds de réserve très profitable en diversifiant les placements. Sauf qu’en cas de catastrophe, il se révèle bien insuffisant.

Il permet au minimum de fournir des garanties pour emprunter et passer un moment compliqué. Mais à plus long terme, il n’exonère d’aucune réforme.

La deuxième évidence est que la réforme structurelle, qui avait été enterrée après les grèves et avant la crise, revient au premier plan de l’actualité. On n’en sortira pas si on ne sécurise pas les régimes, et le seul levier reste l’âge de départ afin de freiner l’allongement de la durée de vie en retraite. L‘âge de départ qui, rebaptisé âge pivot par le Premier ministre, n’a pas réussi à calmer la colère sociale, obligeant le gouvernement à reporter l’examen de la réforme aux calendes grecques. Sauf que la crise du coronavirus, en tarissant le flux de recettes, va ramener le projet dans l’actualité.

La troisième évidence est que la crise du coronavirus comme toutes les pandémies de l‘histoire, met en lumière l’impact démographique. Parce qu‘en l’absence de réforme structurelle et responsable, il faudra forcément réduire le montant des pensions ou alors pire que tout, espérer en silence que l’épidémie fasse au final beaucoup plus de morts qu’elle en a fait.

Il est évident que certains anti-réformes ne souhaitent en silence qu’une chose, que le virus règle les problèmes de cette façon. Or, en confinant, les responsables ont choisi de tout faire pour sauver les personnes à risques. Ils ont réussi, mais le prix à payer va être très cher.

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