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Affaire Merah : les polémiques publiques sur les dysfonctionnements affaiblissent-elles la lutte anti-terroriste ?
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Procès

Alors que des "défaillances" sont pointées dans la façon dont a été menée l'affaire Merah, un procès de l’organisation même de nos services de renseignement se met en place.

Jean-Charles Brisard

Jean-Charles Brisard

Jean-Charles Brisard est spécialiste du terrorisme et ancien enquêteur en chef pour les familles de victimes des attentats du 11 septembre 2001. Il est Président du Centre d'Analyse du Terrorisme (CAT) 

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L’affaire Merah a suscité une vive polémique sur de prétendues défaillances de nos services de renseignement. Les rapports déclassifiés de la DCRI apportaient déjà un démenti cinglant aux observateurs qui avaient mis en cause les processus de détection, puisque Mohamed Merah avait été parfaitement identifié comme personne à risque. Ces documents montraient en revanche que les défaillances provenaient du suivi de cet individu et des limites techniques et juridiques de la surveillance des sujets potentiellement à risque.[1]

Dans le même esprit, le ministre de l’intérieur Manuel Valls a décidé de rendre public le mois dernier le rapport de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) qui, tout en confirmant l’efficacité de la détection, souligne des défaillances dans le suivi de Mohamed Merah, et apporte des éléments de réflexion visant à renforcer les outils de surveillance et améliorer la coordination entre la DCRI et ses services territoriaux.

Au constat technique dressé par les services du ministère de l’intérieur se substitue progressivement depuis quelques jours un procès de l’organisation même de nos services de renseignement, dont on perçoit parfaitement les objectifs politiques. Celui de remettre en cause la réforme de 2008 instituant la DCRI qui, en rapprochant la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) des Renseignements Généraux (RG), a permis de doter notre pays d’un « FBI à la française », un système de renseignement central disposant d’un fort maillage territorial afin de recentrer le renseignement sur ses missions. Nul ne saurait aujourd’hui sérieusement contester cette avancée qui a permis d’adapter le renseignement français aux évolutions de la menace, notamment terroriste, avec le passage d’un terrorisme importé à un terrorisme implanté, nécessitant à la fois une approche globale des réseaux terroristes et une perception locale des dynamiques de radicalisation.

Cette réforme n’allait pas de soi, et le rapprochement des personnels de la DST et des RG s’est heurté à de nombreuses résistances, culturelles et fonctionnelles, et demeure encore contesté, y compris au sein de la DCRI. La révélation de divergences internes au sujet de l’évaluation de Mohamed Merah entre l’antenne de Toulouse et la direction centrale n’est sans doute pas étrangère à cette situation. Porter sur la place publique des délibérations et débats internes au sujet de l’évaluation d’un sujet à risque n’est pourtant ni sain pour nos institutions, ni conforme au secret qui s’impose aux sources comme aux méthodes du recueil et du traitement du renseignement.

Le glissement d’un débat technique vers une controverse politique sur l’organisation de notre renseignement apporte surtout de l’eau au moulin de ceux qui tentent d’affaiblir voire de déstabiliser une institution qui a déjà largement prouvé son bien-fondé et son efficacité,   et porte en germe un risque majeur pour la crédibilité de nos institutions.

En effet, procéder à l’aggiornamento de la doctrine et de l’organisation de notre renseignement que certains appellent de leurs vœux serait le pire des signaux adressé à nos partenaires et nos ennemis, au moment même où nous sommes et serons confrontés dans les mois à venir à des menaces liées à la montée des phénomènes de radicalisation interne, à l’instabilité politique des régimes issus des printemps arabes, ainsi qu’à l’engagement de la France contre les terroristes d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) et de leurs alliés au Sahel.

Il ne s’agit pas d’éluder la nécessaire amélioration juridique, technique et administrative de notre renseignement prônée par les services du ministère de l’intérieur. C’est même une exigence permanente face à l’évolution constante des menaces. Pour autant, il ne faudrait pas tomber dans le piège des agitateurs politiques qui voudraient relancer au pire moment un débat dont les faits, notamment les succès de la DCRI sur le front des menaces intérieures et extérieures, ont déjà amplement démontré la vacuité.



[1] « Le nouveau Mohamed Merah est-il en ce moment même tapi dans l’ombre ? », Jean-Charles Brisard, Atlantico, 13 août 2012

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