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Conti : quel intérêt de contraindre un syndicaliste à un fichage génétique ?
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Cher Éric Morain...

Une amende de 1 000 à 1 500 euros a été requise ce mercredi contre Xavier Mathieu. Dans un article publié sur Atlantico, l'avocat Éric Morain jugeait cela de bon sens. Le blogueur Koz, également avocat, lui répond et conteste l'intérêt du fichage génétique du syndicaliste CGT de l'ancienne usine Continental de Clairoix.

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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Une amende de 1 000 à 1 500 euros a été requise ce mercredi contre le syndicaliste CGT de l'ancienne usine Continental de Clairoix Xavier Mathieu, pour refus de prélèvement légal d'ADN. Plusieurs personnalités politiques candidates à l'élection présidentielle ont manifesté pour le défendre.  Eric Morain, avocat au barreau de Paris, interrogé sur ce sujet défend l'utilité du fichage génétique. Koz lui répond.

Pour lire l'interview d'Eric Morain sur l'affaire Xavier Mathieu, c'est ici  :
"Conti : mais pourquoi donc les syndicalistes ne devraient-ils pas être des justiciables comme les autres ?"


Faut-il soutenir un leader syndical coupable d'avoir engagé une action violente, et saccagé des biens publics - une représentation de l'Etat, de surcroît ? En tenant inflexible de la morale, de l'ordre et de la sécurité, bref, en fils de la réaction, je n'ai pu que me poser la question.

Bien sûr, à gauche, et en période électorale, la manifestation de ce mercredi avait une part de cinéma médiatique et l'on n'est pas surpris d'avoir retrouvé au premier rang de la manifestation ceux qui ne condamnent pas le recours à l'action illégale voire à la violence (des Philippe Poutou, Nathalie Arthaud, Jean-Luc Mélenchon ou même Eva Joly, fidèle supportrice du saccage de biens d'autrui avec les "faucheurs volontaires"), François Hollande se trouvant fustigé pour son absence.

Ceux-là prêchaient bien pour leur paroisse, et leurs actions futures.

Mais, au risque de me trouver assimilé à la gauche prolétarienne, autant que privé de repas à la table parentale, il me semble que c'est un sujet sur lequel il serait dommage de se laisser enfermer dans une vision bipartisane. Si la droite a un goût pour l'ordre, par préférence à la chienlit, elle, a également un attachement particulier à la liberté qui, arrosée trop largement de sécurité, perd grandement de sa saveur.

Tout recours à la violence dans l'action politique comme syndicale est évidemment condamnable. La condamnation initiale de Xavier Mathieu est donc une bonne chose. C'est même le prix de sa responsabilité, qu'on ne saurait lui enlever. Car, quand on s'en prend violemment aux "forces patronales" et au "gouvernement complice", la moindre des choses est d'être condamné derrière. Question d'honneur.

Mais une fois ce recours à la violence légitimement condamné, faut-il contraindre un responsable syndical ou politique à un fichage génétique ? Le fichage a un intérêt évident dans le cas des atteints aux personnes, des actions dissimulées etc., et je n'en disconviens, cher confrère et ami. Mais la position du tribunal qui l'avait acquitté en première instance, pour son refus de s'y soumettre, se tient : 

"Les faits ont été commis en plein jour, dans le cadre d'une manifestation organisée, et s'inscrivent dans une logique parfaitement lisible de combat syndical et non dans une démarche à vocation purement délinquante et antisociale"

Le Tribunal en déduit qu'il existe "une disproportion entre le but visé par la loi, qui est de permettre l'élucidation d'infractions commises en récidive (...) et les moyens pour y parvenir", en l'occurrence la prélèvement d'ADN.

A l'exception des saboteurs de voies de TGV, dont il peut être légitime de relever les empreintes ADN puisqu'ils cherchent à se dissimuler, les responsables syndicaux et politiques - quoiqu'on pense de leurs méthodes - agissent à visage découvert. Ils développent même une tendance naturelle à convoquer des caméras pour filmer leurs actions. Dès lors, leur fichage ADN est parfaitement inutile. Suffit d'allumer le poste pour élucider l'affaire. 

Avec il est vrai, un sens certain du pathos, Xavier Mathieu déclarait mercredi: "J'ai un patrimoine génétique. Il m'a été donné par amour par mes parents, il a été transmis par amour à mes trois enfants et à mon petit-fils aujourd'hui. Jamais je ne donnerai mon ADN autrement que par amour". C'est pas con : on a le droit d'être sensible aux symboles. Sans compter qu'avec la liberté, on a aussi le sens du patrimoine, à droite. 

Et puis, on perçoit bien la différence de nature entre une action politique ou syndicale et des activités crapuleuses ou perverses (ceux qui prétendraient ne pas la percevoir sont de mauvais joueurs).

Il est assez compréhensible qu'un responsable syndical, politique, voire religieux, puisse trouver infamant que son action soit assimilée à celle d'un violeur d'enfant ou, pour prendre un exemple moins outrancier, d'un détrousseur de vieilles dames.

De plus, les lois sont faites pour survivre à ceux qui les ont faites. Imaginons que, demain, le régime change de nature : François Hollande est élu, et les chars soviétiques envahissent les Champs-Elysées. Ou pire, qu'Hervé Morin l'emporte. Plus sérieusement, il suffit qu'un régime développe une dérive autoritaire (sans même être dictatorial) pour que le fichage ADN devienne un instrument d'oppression.

Dès lors, ce ne serait pas inconvenant, ni trahir les valeurs de la droite, que d'introduire une exception dans la loi au bénéfice des activités publiques politiques et syndicales.

Voire religieuses.

Parce que je ne désespère pas, non plus, que mes convictions me vaillent un jour d'invoquer la loi naturelle et d'affronter le nouvel ordre établi.

Le billet de Koz sur son blog.

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