Abbé Pierre-Hervé Grosjean : « Face au Covid, nous n’avons pas besoin de désigner des coupables mais de soigner autant les âmes que les corps »<!-- --> | Atlantico.fr
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Abbé Pierre-Hervé Grosjean : « Face au Covid, nous n’avons pas besoin de désigner des coupables mais de soigner autant les âmes que les corps »
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BONNES FEUILLES

L’abbé Pierre-Hervé Grosjean est curé de la paroisse de Montigny-Voisins dans le diocèse de Versailles. « Être prêt » est le titre de son 4e livre, publié comme les trois autres chez Artège.

Pierre-Hervé Grosjean

Pierre-Hervé Grosjean

Pierre-Hervé Grosjean est prêtre du diocèse de Versailles, curé de la paroisse de Saint-Cyr-l'École. Il est aussi Secrétaire Général de la Commission Éthique & Politique de son diocèse. Il a fondé́ les universités d'été́ Acteurs d'Avenir. Il est l'auteur d'Aimer en vérité, paru chez Artège. Il est aussi un blogueur influent qu'il vous est possible de suivre ici. Son dernier ouvrage Catholiques engageons-nous ! est publié en avril 2016 (Artège).

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Atlantico : Vous publiez « Être prêt : Repères spirituels » aux éditions Artège. Vous proposez des repères pour éclairer et accompagner le parcours de Chrétiens au quotidien. Ces méditations apportent notamment de l’espoir et de la confiance, bien utiles en cette période si particulière que nous traversons avec la pandémie. Quelle était votre démarche à travers cet ouvrage ? Quels sont les principaux enseignements de ces dix méditations ?

Pierre-Hervé Grosjean : C’est un exercice que chacun peut faire, cela me semble même très utile et précieux d’en prendre le temps : quels sont les trois, cinq ou dix principes sur lesquels j’ai bâti ma vie ? Quelles sont les convictions essentielles qui me font vivre ? Pour un chrétien, on peut ajouter : qu’est ce qui est au cœur de ma foi ? J’ai essayé de répondre à cette question en proposant ces dix repères qui éclairent mon cheminement d’homme, de chrétien et de prêtre, et qui peuvent peut-être aussi accompagner et encourager les lecteurs dans cette rude et belle aventure qu’est leur vie.

Dix méditations qu’on pourra lire dans l’ordre que l’on souhaite, et qui tour à tour consoleront, relèveront, fortifieront ou encourageront les lecteurs. J’en serais en tout cas profondément heureux !

Vous plaidez pour la joie vraie ? Pourriez-vous revenir sur cette méditation et ce concept ? Comment parvenir à cet équilibre ?

Certains ont une vision triste du christianisme, qui ne parlerait que de sacrifices, de privations et de souffrance à accepter. D’autres réduisent la foi chrétienne à une simple morale, vécue parfois comme un carcan. Inversement, certains discours chrétiens offrent une vision naïve de la vie, pleine d’illusions ou de fausses promesses de bonheur permanent et facile, sous prétexte qu’on aurait la foi. Le message de Jésus ne tombe ni d’un côté ni de l’autre. Il nous maintient sur cette ligne de crête de la « grave allégresse » pour reprendre l’expression d’un prêtre que j’estime beaucoup.

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La vie n’est pas facile, chacun de nous le sait et a fait ou fera l’expérience d’épreuves douloureuses. Nous portons tous nos blessures. Tant qu’un seul de nos frères souffre, il y aura une certaine « gravité » dans notre cœur.

Mais la vie, même éprouvée, reste belle pourtant. Elle est un don de Dieu et un chemin vers le Ciel. Un beau pèlerinage à vivre en se donnant pleinement. Sur ce chemin, nous découvrons la joie véritable, celle que nous promet Jésus, qu’Il nous donne et qui vient de Lui. C’est « l’allégresse » qui cohabite avec la gravité évoquée. C’est une joie qui n’est pas factice ni exubérante. Une joie qui peut se mêler aux larmes, une joie vraie qui seule peut combler nos cœurs et demeurer même dans l’épreuve : la joie de nous savoir aimés inconditionnellement. La joie de nous savoir appelés à aimer à notre tour. La joie de savoir que nous comptons pour quelqu’un, pour Dieu lui-même, que nous avons du prix à ses yeux. La joie de la Promesse qu’Il nous fait : ni le mal, ni la mort n’auront le dernier mot ! C’est la joie du matin de Pâques, après la douleur et les larmes du calvaire. C’est la joie qu’on éprouve dès maintenant quand on sert, prie et aime, quand on se découvre aimé ou pardonné… et qui prépare une joie plus grande encore, à laquelle on est tous appelés, à l’issue de ce pèlerinage sur la terre.

La foi chrétienne est au service de cette joie. L’exigence du message chrétien n’est pas écrasante ni décourageante, car elle est au service de cette joie profonde. Ce monde a besoin de redécouvrir cette joie, et je voudrais tant que chacun puisse un peu la goûter.

Vous évoquez les combats qu’il reste à mener ou le sens du sacrifice notamment dans votre ouvrage. Le récent voyage du Pape François en Irak sont-ils porteurs d’espoir vers la voie de l’apaisement et également sur la question du martyre des Chrétiens d’Orient ?

Comme beaucoup, j’ai été très touché par les images de ce voyage du Pape François en Irak. Il se trouve que j’ai eu l’occasion, autour du 8 décembre 2014, de passer 3 jours à Erbil. Je suivais le Cardinal Barbarin qui avait emmené une délégation composée entre autres de journalistes pour alerter le monde sur le sort des chrétiens persécutés. Mossoul puis Qaraqosh venaient de tomber, et Daech avait forcé les chrétiens qui ne voulaient pas renier leur foi à tout abandonner sur place et à s’enfuir à pied. À Erbil, j’ai rencontré des familles qui avaient préféré tout perdre plutôt que de renier leur foi chrétienne. Ce fut pour moi un vrai bouleversement. Pour la première fois, je rencontrais des chrétiens martyrs. À cette époque, Daech semblait triompher partout, et le monde était tétanisé devant les vidéos et les récits des atrocités commises par ces barbares. Voir le Pape venir 6 ans et demi plus tard, et célébrer la messe là même où régnait en maître l’État Islamique est une immense source d’espérance. Même quand tout semble perdu, nous croyons comme je le disais que le mal n’aura pas le dernier mot. Qui aurait imaginé en 2014 que le Pape viendrait prier à Mossoul, Qaraqosh ou Erbil ? Quelle consolation pour les chrétiens de ce pays ! Le Pape a été courageux de maintenir envers et contre tout ce voyage à haut risque. Mais nos frères persécutés méritaient tellement qu’il vienne jusqu’à eux !

Qu’ont pu nous apprendre la pandémie et la crise sanitaire sur la foi et pour les croyants ?

La situation est toujours bien éprouvante pour beaucoup, et nous ne sommes pas encore sortis de cette crise sanitaire. Il faudra prendre le temps, le jour venu, de relire ce que nous avons vécu pour que cette épreuve trouve sa fécondité, pour comprendre ce qu’elle nous enseigne.

Cela ne nous empêche pas de méditer et de réfléchir dès maintenant. Notre monde est fragile. En quelques jours, quelques semaines, il a basculé. Nous avons vécu des choses que nous pensions impensables, comme le confinement ou encore ce couvre-feu qui dure toujours. Étions-nous prêts ? Pas simplement techniquement, médicalement, économiquement ! Mais avions-nous la force d’âme pour vivre une telle épreuve ? Avions-nous assez de foi pour garder un regard surnaturel sur ce qui nous arrivait, sans nier le réel ? Quelles sont les ressources spirituelles mais aussi humaines qui font qu’un peuple tient bon ? Qu’avons-nous à proposer - nous chrétiens - quand la mort se fait plus présente et vient toucher nos proches ? Avons-nous osé proposer cette espérance qui nous anime ou sommes-nous restés à un discours simplement sanitaire ?

La suspension du culte public a été une véritable épreuve. Mais je suis heureux d’avoir pu continuer comme tous mes confrères à célébrer au moins les funérailles. L’Église ne pouvait pas abandonner les familles en deuil. On ne pouvait pas laisser nos morts sans funérailles ni prières. Cela aurait été profondément inhumain et indigne.

Une crise est toujours un moment de révélation. S’est révélé le meilleur comme le moins bon. Il faut se réjouir, admirer et valoriser ce qu’on a vu de beau et de grand dans le comportement de certains, l’engagement et le dévouement de beaucoup. Sans doute avons-nous redécouvert cette belle notion du « bien commun » qui peut nous demander de consentir à certains sacrifices pour le protéger.

On a vu aussi des comportements moins admirables. On a observé aussi une prise en compte parfois trop technicienne ou matérialiste des personnes et des situations. Je pense en particulier à nos personnes âgées qu’on n’a pu visiter. Certaines sont mortes de tristesse. Je pense aussi au drame de ces familles qui n’ont pu accompagner leurs proches dans leurs derniers instants. Des personnes sont mortes seules. Ce sont des deuils très douloureux à vivre, même des mois après. Rien ne justifiait qu’on prive ainsi les plus proches de vivre ces derniers instants si douloureux mais si précieux avec celui ou celle qui partait. Dans certains endroits, même la visite du prêtre n’était pas possible. Heureusement, dans d’autres lieux, le personnel soignant a été admirable pour accompagner les familles comme les malades. Il ne s’agit pas aujourd’hui de désigner des coupables, mais d’apprendre de cette épreuve. On ne peut soigner les corps sans prendre soin aussi des cœurs, des âmes.

Retrouvez deux extraits publiés sur le site d'Atlantico :

L’abbé Pierre-Hervé Grosjean publie « Etre prêt : Repères spirituels », aux éditions Artège.

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