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À tous les orphelins de la politique
©JOEL SAGET / AFP

À deux mois de l'échéance

Une tribune de Corinne Lepage sur les conséquences de l’explosion des représentations politiques traditionnelles impulsée par Emmanuel Macron.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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Aujourd’hui, nombreux sont nos concitoyens qui, malgré la pléthore de candidats, se sentent orphelins d’un candidat à soutenir avec des chances réelles d’accéder à la présidence de la République. Emmanuel Macron a fait exploser les représentations traditionnelles des Français modérés, de droite et de gauche, qui pensaient pouvoir défendre une vision républicaine et démocratique, écologiste et pragmatique, européenne mais consciente des intérêts français. Il a délibérément clivé le pays et systématiquement favorisé des intérêts financiers pas forcément économiques et encore moins conformes ni même compatibles avec l’intérêt général. Il a également stigmatisé des boucs émissaires en promouvant une politique violente et fermé les yeux sur des conduites inacceptables de ses proches ; il a contourné les institutions de la Ve République dans un but d’accaparement personnel du pouvoir, faisant de l’Assemblée nationale une chambre d’enregistrement et du conseil des ministres, (dépossédé partiellement de sa compétence au bénéfice d’un conseil de défense sanitaire chargé d’organiser l’opacité et l’irresponsabilités de ses membres), un organisme émasculé. Cette destruction systématique des contre-pouvoirs, de la base même du contrat social, a évidemment eu pour effet de renforcer les extrêmes, de droite et de gauche, eux-mêmes punching-ball de la macronie, rendant inaudibles des discours plus modérés et recherchant les consensus.

Certaines personnalités ou formations de gauche modérée n’ont même rien trouvé de mieux pour se faire entendre que de verser dans le wokisme et la course à l’échalote avec les éléments les plus à gauche de la vie politique française.

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D’où des orphelins en grand nombre, qui ne savent aujourd’hui pour qui voter à la présidentielle parce qu’aucun candidat n’offre un programme qui ne soit pas dans une forme de déni, qui ne cherche pas à cliver un peu plus et qui porte réellement un projet qui donne envie. Le déni varie selon les candidats : risque climatique, problèmes de sécurité, affaiblissement de la France et de l’Europe au niveau international, dégringolade du service public dont l’hôpital est malheureusement une illustration. La volonté de cliver ne se limite malheureusement pas aux extrêmes. En effet, des candidats considérés comme raisonnables n’hésitent plus, pour faire du buzz, à user de formules à l’emporte-pièce qui font la joie des médias … et consacrent à l’extrême droite et à des propos ignobles des temps d’antenne considérables. La droitisation de la France, loin d’être le cas de ses voisins, trouve pour partie sa source dans les dérives de la course à l’audimat menée par C News, devenue le Fox News français.

Et pourtant. Cette désespérance qui vient de la représentation politique pourrait se transformer si la recherche de débats plus sereins, capables de déboucher sur du consensus, comme l’ont fait nos voisins allemands, était un objectif. La transformation économique s’opère partout en Europe : aussi avons-nous une chance de pouvoir reconstituer des pôles industriels en France, après que nos brillants énarques aient bradé, dans de drôles de mécanos financiers, nos fleurons nationaux. Jamais autant de moyens financiers n’ont été mis à disposition de tous ceux qui veulent s’inscrire dans la transition et jouer le jeu de la taxonomie européenne. Cette transformation est indispensable pour répondre à l’enjeu majeur qui est celui du climat lié à la biodiversité et à la santé. Et c’est aussi un moyen formidable de rebondir ; à tous les niveaux, de la start-up à l’ETI, nos entreprises et leurs salariés sont convaincus de la capacité de changement et de l’envie d’y répondre.

Revenir à des institutions républicaines, c’est revenir à un système dans lesquels la probité est une vertu cardinale, les conflits d’intérêts sont prohibés, la corruption traquée, la justice a les moyens d’agir et la délinquance en col blanc peut-être poursuivie et condamnée. Revenir à des institutions républicaines, c’est défendre une laïcité sans adjectif, refuser que la loi républicaine soit bafouée au bénéfice d’une loi religieuse, que sur certains territoires, la loi des gangs comme celle des grands frères tiennent lieu de police. Revenir à des institutions républicaines, c’est assurer une égalité d’accès au service public de qualité sur tout le territoire, c’est payer convenablement ceux qui permettent tout simplement la vie du pays, enseignant, corps médical, policier, magistrats etc. C’est sortir d’une vision comptable imposée par Bercy pour remplacer les personnels administratifs par des personnels actifs.

Revenir à des institutions démocratiques, c’est lancer un grand train de décentralisation pour permettre que les décisions se prennent au plus près de nos concitoyens, c’est assurer la liberté de l’information et celle des journalistes en particulier d’investigation qui font l’objet de pressions inadmissibles, c’est développer les contre-pouvoirs et mettre en place des mécanismes de démocratie directe.

S’inscrire dans la modernité, c’est effectivement accepter que le monde ait changé autour de nous, ce qui ne signifie pas que les valeurs de la démocratie ne méritent pas d’être défendues pied à pied. Nous pouvons comprendre que d’autres peuples veuillent vivre différemment (même s’il n’est pas certain que les individus ne préfèrent pas le système démocratique). En revanche, peu de nos concitoyens préféreraient le système chinois ou vénézuélien au nôtre.

Beaucoup d’entre nous partagent ces opinions. Si elles ne peuvent pas être exprimées dans le cadre de la présidentielle, alors retrouvons nous pour préparer les élections législatives et essayer alors de peser dans le cadre des lois qu’il conviendra de voter et de l’équipe que le (la) nouveau (elle) président (e) constituera.

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