80 milliards de hausse d'impôts : une surestimation maladroite malgré la hausse bien réelle due à la gauche<!-- --> | Atlantico.fr
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Jérôme Chartier a estimé que les hausses d'impôts sous François Hollande étaient de 80 milliards d'euros. Comment démêler le vrai du faux ?
Jérôme Chartier a estimé que les hausses d'impôts sous François Hollande étaient de 80 milliards d'euros. Comment démêler le vrai du faux ?
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Lors d'une question d'actualité au gouvernement, le député UMP Jérôme Chartier, a interpellé Michel Sapin après avoir stigmatisé la hausse de 80 milliards des impôts depuis l'élection présidentielle de 2012. Le Secrétaire d'Etat Christian Eckert lui a répondu que l'impôt sur le revenu ne rapportait pas autant et qu'il ne fallait pas oublier les hausses d'impôts décidées lors de la dernière année du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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1. Pourquoi le chiffrage est discutable 

Lors d'une question d'actualité posée mardi 3 mars, le député UMP Jérôme Chartier, proche de François Fillon, a interpellé le ministre Michel Sapin après avoir stigmatisé la hausse de 80 milliards des impôts depuis l'élection présidentielle de 2012. Fort civilement et efficacement, le Secrétaire d'Etat Christian Eckert lui a répondu que l'impôt sur le revenu ne rapportait pas autant que 80 milliards (sic) et a invité son opposant à refaire ses calculs en gardant à l'esprit les hausses d'impôts décidées lors de la dernière année du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

En fait, qu'en est-il ?

Lors du collectif budgétaire de début juillet 2012, le gouvernement a inscrit une hausse fiscale de 7,2 milliards.

En 2013, le gouvernement a accru de 20 milliards la pression fiscale : 10 sur les ménages et 10 sur les entreprises. Comme l'a indiqué Olivier Passet (Xerfi) : "pour faire passer ces hausses, le gouvernement a choisi la tactique de l'émiettement qui va se traduire par une myriade de hausses d'impôts. Une solution qui ne va pas améliorer la lisibilité de notre fiscalité."

En 2014, la présentation du PLF (Projet de Loi de Finances) indique en bas de la première page de la notice (page où figurent les photos respectives des ministres Moscovici et Cazeneuve) la phrase suivante : "Au cours des trois dernières années, la hausse nette des prélèvements obligatoires a été supérieure à 20 milliards d'euros par an."

Le tableau de l'INSEE relatif aux prélèvements obligatoires rend évidemment compte de cette progression : 42,6% en 2011, 43,7% en 2012 et 44,7% en 2013.

Pour 2014, le chiffre présenté par le gouvernement est présenté dans la "nouvelle trajectoire des finances publiques" au sein du PLF pour 2015. Selon ce document, les niveaux anticipés seraient de : 44,7% en 2014 et 44,6% en 2015.

Or, compte-tenu d'évènements divers (tassement de l'inflation et moindres recettes fiscales, hausse de la TVA en janvier 2014) il parait peu probable que la stabilité du taux (entre 2013 et 2014) ait eu lieu. De même, plusieurs mesures prises en début d'année (hausse de la taxe sur le diesel, etc.) écarte l'idée d'un léger tassement des prélèvements en 2015.

Ainsi, 1% de hausse des prélèvements (rapportés au PIB) représente près de 20 milliards ce qui permet aux lecteurs de se faire une idée de la dynamique de cette variable.

Pour notre part, nous relevons plus de 40 milliards de pression fiscale directe depuis 2012 et notons que Madame Valérie Rabault (Rapporteure générale de la Commission des Finances) a pleinement validé ce chiffre lors d'une interview sur BFM Business avec Hedwige Chevrillon.

Or, il ne s'agit là que d'un calcul mécanique loin de la dynamique qui caractérise l'économie. Feu l'éminent Pierre Lalumière, professeur de finances publiques (et époux de la ministre socialiste Catherine Lalumière), savait inclure les flux non directement retracés par la comptabilité nationale.

Prenons trois exemples :

  • La question des exilés fiscaux et de la sortie des capitaux qui ne sont plus astreints à la fiscalité française. Combien de milliards de manque à gagner ?
  • La hausse pro-cyclique des impôts qui a nuit à notre taux de croissance et donc engendré un manque à gagner de recettes fiscales.
  • Le développement avéré de l'économie au noir qui résulte d'une pression fiscale jugée excessive par le corps social. Quels impacts sur le déficit public et celui de la Sécurité sociale ?


En raisonnement inclusif, l'impact fiscal au sens large voisine certainement 60 milliards. Le député Chartier a peut-être eu accès à d'autres sources pour conclure avec un chiffrage à 80 milliards. Il aura certainement l'occasion de le préciser.

2. Pourquoi c’est maladroit politiquement

Aucun gouvernement n'augmente les impôts sur un ton badin car il sait l'impact que cela provoque dans l'opinion publique.

Depuis plusieurs années, la hausse des prélèvements obligatoires est un fait qui n'a pas de véritable couleur politique : les ratios d'évolution des prélèvements le démontrent.

Il est donc assez hasardeux de s'engager sur ce terrain alors même que le PLF 2015 a constitué un travail d'orfèvre qui va contingenter les dotations de l'Etat au détriment des collectivités locales et contraindre les exécutifs locaux à assumer de futures hausses d'impôts.

Le piège – ou l'habileté – politique est là et coûtera plus de points de confiance que la croissance 2015 n'en comptera. Ainsi va la politique quand elle veut contraindre la sphère économique.

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