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79 % des Français opposés à la loi sur le mariage homosexuel veulent que la mobilisation se poursuive.
79 % des Français opposés à la loi sur le mariage homosexuel veulent que la mobilisation se poursuive.
©Reuters

Info Atlantico

Des risques de radicalisation ? Pour une large proportion des 49% de Français opposés à la loi sur le mariage et l'adoption homosexuels, le vote de la loi ne marque pas le moment de passer à autre chose.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Question : Personnellement, êtes-vous tout à fait  favorable, plutôt favorable, plutôt opposé ou tout à fait opposé à la loi permettant aux couples de même sexe de se marier et d'adopter des enfants ?

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Après l’adoption de cette loi par le Parlement, si des mobilisations et des manifestations contre cette loi se poursuivent, approuverez-vous ces mobilisations et manifestations ?

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Atlantico : D'après ce sondage réalisé entre le 23 et le 25 avril, environ 80 % des opposants estiment qu'il faut continuer le mouvement contestataire. Comment peut-on interpréter ce chiffre ? 

Jérôme Fourquet : Parmi les 79 % qui approuvent la poursuite des contestations, il y 51 % de Français qui approuvent "tout à fait" le mouvement, ce qui n'est pas un chiffre anodin. Ces grandes manifestations qui ont eu lieu étaient exceptionnelles, elles ont mobilisé en profondeur de larges catégories de la population française. Cette mobilisation ne pourra pas, ne pas laisser de trace dans le débat politique et dans la société française. Cela montre de manière globale que l'électorat de droite est exaspéré par la politique menée par le gouvernement. Hollande n'a eu aucun état de grâce, il était désapprouvé dès cet été par une immense partie de l'électorat de droite.

La contestation d'une loi définitivement adoptée par le Parlement est-elle courante ? Y-a-t-il des spécificités à l'opposition à la loi Taubira ou s'agit-il d'une situation comparable à ce qui avait été enregistré lors du vote de réformes telles que le Pacte civil de solidarité (PACS), l'abolition de la peine de mort ou la légalisation de l'Interruption volontaire de grossesses (IVG) ?

On a connu des mobilisations similaires avec des réformes de société importantes, vous en avez mentionnées un certain nombre. Sur la question de l'IVG, près de quarante ans plus tard, des groupes manifestent et s'opposent encore régulièrement à l'application de cette loi. Néanmoins, le temps aidant, l'ampleur des mobilisations ont faibli et ces dernières ne sont plus que sporadiques et parcellaires.

La question est donc de savoir aujourd'hui si les mobilisations contre le mariage homosexuel vont se poursuivre ou non. A brève échéance, il y aura encore des mobilisations importantes.

Généralement les grandes lois de société ayant suscité des débats houleux, une foi entrées en vigueur, les mobilisations associées s'étouffent. Sur le mariage pour tous, nous n'avons pas le recul nécessaire mais une part importante des opposants ont l'intention de se mobiliser ou trouvent légitime que la mobilisation se poursuive. 

Que peut-on imaginer de la suite de ce mouvement et quels pourraient être les paramètres qui feront que le mouvement s'essouffle ou se poursuive ? 

Un élément important relève de l'attitude gouvernement. Par exemple, s'il inscrit un projet de loi sur la PMA dans les prochains mois, il y a fort à parier que nous repartirons alors pour un nouveau cycle de protestations qui sera proche de celui que nous avons connu. 

La détermination du gouvernement va produire un effet d'essoufflement du mouvement. Au mois de septembre, le vote et la mobilisation commenceront à dater. Il peut se produire éventuellement des dérapages, des débordements avec une frange qui se radicaliserait, on pourrait avoir la fin du mouvement si le gouvernement reste ferme sur ses positions. 

Si en septembre, le gouvernement actuel décide déposer une loi sur la PMA ou sur une question de famille, le mouvement peut reprendre de l'ampleur. Cette masse pourrait être récupérée et canalisée au profit d'autres combats, notamment une opposition systématique au gouvernement. Frigide Barjot a décidé de proposer des listes aux municipales, même si on peut douter de son succès car les Français savent faire la part des choses.

Après le Pacs, il y avait eu une progression forte de l'adhésion au principe du mariage. Cette loi avait fait bouger le regard de la société française sur l'homosexualité. Les enjeux sont ici différents, notamment avec la question de l'adoption. On peut constater qu'avec le temps l'adhésion va se renforcer sur du très long terme. Puisque que plus on est jeune plus on est favorable, et avec le renouvellement des générations on peut estimer que nous serons plus favorables sur du très long terme. 

Le deuxième élément, concerne le mouvement lui-même. Les participants vont-ils se lasser ou le mouvement va-t-il trouver les ressources nécessaires pour faire vivre le mouvement et éventuellement lui donner une orientation nouvelle ? Lorsque l'on se mobilise contre une loi qui a votée, un principe de réalité finit par s'imposer, on ne peut pas faire défiler éternellement des gens dans la rue avec un objectif qui parait de jour en jour inatteignable. Pour que la mobilisation perdre, il faut trouver d'autres sujets de mécontentement pour glisser d'une opposition à un projet de loi à une opposition plus globale sur la politique du gouvernement. 

Vous citez l'exemple du vote du PACS et de son impact sur l'adhésion au principe du mariage, au regard de ce qu'on connait de l'opinion des Français sur la PMA ou la GPA, faut-il s'attendre à une évolution rapide des mentalités sur ces sujets là ? 

Après le PACS le regard sur l'homosexualité a évolué et l'adhésion au mariage a été perçue comme une suite logique. Dans ce cas, l'adoption a été votée en même temps que le mariage avec une minorité de Français favorables, donc on peut penser que les lignes vont être plus difficiles à faire bouger. La PMA et la GPA constituent une étape supplémentaire qui n'est pas forcément de même nature alors que le PACS et le mariage représentait davantage une suite logique. Entre le mariage et la GPA, le saut symbolique est plus symbolique. On a d'ailleurs vu que de nombreux partisans du mariage pour tous étaient opposés à la PMA et à la GPA. A brève échéance, nous n'assisterons pas à une évolution, mais peut-être sur une durée plus longue. 

Plus largement, quelle a été l'évolution de l'opinion des Français depuis le début du débat autour du mariage homosexuel ? 

On a constaté autour des huit derniers mois la réalité d'un mouvement assez contrasté :  une large majorité de Français, environ 60 % se disait favorable au mariage homosexuel, avec une stabilité des opinions en dépit des mobilisations. En revanche, une opinion est devenue majoritairement opposée concernant les questions d'adoption d'enfants par les couples d'homosexuels. Il y avait 58 % de gens favorables à l'adoption en août 2011, puis 53 % en août 2012 lorsque l'Eglise catholique a pris part au débat le 15 août 2012. 

A l'automne, nous sommes passés sous la barre des 50 % pour arriver aux alentours de 45 % de favorables à l'adoption.

C'est donc une France qui est coupée en deux sur cette question-là. Pour beaucoup de Français, la question du mariage homosexuel a été perçue et pensée comme la suite d'un Pacs amélioré, sorte de suite logique sans conséquence. Mais dès qu'on intègre la dimension de l'adoption, on a un rapport de force beaucoup plus équilibré, aux alentours de 50 % aujourd'hui.

Il y a de très nets clivages qui se sont manifestés pendant le débat : le clivage générationnel, politique et de sexe. Plus on est âgé, plus on est contre, dans des proportions très importantes : les plus de 65 % sont opposés à plus de 72 % alors que les moins de 35 ans sont favorables à 63 %.  

Le clivage politique est également très marqué : 80 % de l'électorat de gauche est favorable au mariage homosexuel, et 60 % de l'électorat UMP y est opposé. Les électeurs du FN y sont aussi très majoritairement opposés, environ 67 %, même si environ de 33 % qui y sont favorables, ce qui est une proportion plus forte qu'à l'UMP. Cela peut expliquer en partie la prudence de Marine Le Pen sur la question, elle avait senti qu'une partie de l'électorat n'était pas forcément réticente à cette loi. C'est donc un sujet qui divise énormément politiquement. 

En revanche, il n'y a pas de clivage sociologique : les ouvriers-employés y sont favorables à 60 %, et les CSP + le sont à 59 %. Contrairement aux idées reçues, les milieux populaires ne sont pas plus conservateurs en matière de mœurs. 

De manière un peu moins forte mais toujours réelle, il y a aussi un clivage entre les hommes et les femmes : 55 % des femmes sont favorables contre 47 % des hommes. Cela renvoie aussi au rapport et au regard que chacun peut entretenir avec l'homosexualité, apparemment mieux accepté dans la partie féminine de la population que dans la partie masculine.


L'enjeu à court terme : les opposants au projet de loi ne comptent pas renoncer : d'après le sondage, ils sont 79 % à approuver la poursuite de mobilisation. On a l'impression que les opposants n'ont pas l'intention de désarmer, en tout cas sur du court terme. 
Il y a 1 opposant sur 2 à ce projet de loi qui approuverait la poursuite de cette mobilisation en dépit du vote du Parlement. On peut donc penser que le débat n'est pas clos, et que sous une forme ou sous une autre, la mobilisation a quand même les moyens de se maintenir. Le niveau d'opposition reste toujours élevé, les opposants ne donnent pas l'impression de vouloir arrêter leur mobilisation. 

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Méthodologie : 

Ce document présente les résultats d’une étude réalisée par l’Ifop. Elle respecte fidèlement les principes scientifiques et déontologiques de l’enquête par sondage. Les enseignements qu’elle indique reflètent un état de l’opinion à l’instant de sa réalisation et non pas une prédiction.

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