Loi de renseignement : 63% des Français favorables à une limitation des libertés individuelles pour lutter contre le terrorisme<!-- --> | Atlantico.fr
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Une large majorité de Français interrogés se déclarent favorables à une limitation de leurs libertés sur internet
Une large majorité de Français interrogés se déclarent favorables à une limitation de leurs libertés sur internet
©Reuters

Sondage CSA exclusif pour Atlantico

Si une large majorité de Français interrogés se déclarent favorables à une limitation de leurs libertés sur internet, ces résultats s'inscrivent dans une dynamique de volonté de sécurité présente à la fois chez les sympathisants de droite et ceux de gauche. Le dernier sondage CSA exclusif pour Atlantico met en lumière les différentes réactions des individus face au projet de loi relatif au renseignement.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : Plus l'âge est avancé, plus les individus approuvent la limitation des libertés individuelles sur internet au nom de la sécurité. Est-on plus sages au fil du temps, les jeunes sont-ils davantage méfiants ?

Yves-Marie Cann : On voit qu'au global une très large majorité de personnes interrogées se déclare favorable à la limitation des libertés individuelles sur internet notamment en surveillant les données de navigation des internautes (63% de favorables contre 32% d'opposés). Et en effet, dans le détail, en fonction des différentes catégories de population, on observe de très fortes variations. Les 18-24 ans sont eux une majorité relative à s'y opposer alors que les plus (47% contre 49%) alors que les plus âgés sont très massivement en faveur d'une telle mesure (76% contre 18%).
Plusieurs éléments peuvent expliquer ce résultat. D'abord, il y a le rapport à la lutte contre la délinquance et à la lutte contre l'insécurité qui est une thématique  à laquelle généralement les plus âgés sont beaucoup plus sensibles que les plus jeunes. En règle général, sur ces sujets-là, les personnes plus âgées sont davantage favorables aux mesures coercitives que ne le sont les plus jeunes, c'est assez classique.
Ensuite, ces résultats illustrent les rapports qu'entretiennent ces classes d'âge à l'outil internet ; pour les plus jeunes il s'agit d'un outil de liberté avant tout, de libre navigation et expression, et donc cette liberté doit être sans entrave particulière de leur point de vue, alors que les plus âgés sont plus prudents effectivement et sans doute plus suspicieux à l'égard de ce type d'outil. Les informations de ces derniers mois venant des médias et des politiques ont mis en avant les dérives qu'il pouvait y avoir sur internet, que ça soit du côté des groupes terroristes pour communiquer entre eux ou le recrutement de la filière djihadiste qui se fait sur internet et souvent à destination des plus jeunes.

Lire aussi : Pourquoi la loi renseignement passe largement à côté de la diversité des menaces qui pèsent sur la France

Les Français ont-ils évolué sur les libertés individuelles et leur limitation dans le cas d'enjeux sécuritaires ? Quels éléments de réponses nous apporte la comparaison avec des sondages plus anciens ?

Au cours des dernières années, nous avons observé une indifférenciation croissante des positions exprimées par les sympathisants de gauche et ceux de la droite sur les questions de sécurité. Si les exigences demeurent plus fortes chez les seconds que chez les premiers, les questions relatives aux enjeux de sécurité apparaissent moins clivantes qu'elles ne l'étaient par le passé. Ainsi, le discours selon lequel la sécurité serait la première des libertés, exclusivement défendu à droite au des années 2000, rencontre désormais un écho plus favorable à gauche. Découle de ceci une tolérance plus grande vis-à-vis de dispositifs longtemps décriés par les responsables politiques de gauche. Je pense notamment aux dispositifs de vidéosurveillance sur l'espace public, pour lesquels nous avons d'ailleurs assisté ces dernières années à un glissement sémantique puisque la plupart des responsables politiques parlent aujourd'hui de vidéo protection. Les résultats de notre sondage s'inscrivent dans cette logique : ce que le Parti socialiste aurait vivement combattu sous Nicolas Sarkozy, celui-ci s'apprête aujourd'hui à le voter, sous le regard semble-t-il bienveillant de l'opinion.

Qu'est-ce qui vous a étonné en découvrant les résultats de ce sondage ?

Ce qui m'a le plus étonné à la lecture des résultats des sondages c'est de voir à quel point on avait une majorité très nette en faveur de la mise en place de dispositif de surveillance de ce qu'il se passe sur internet et donc de la surveillance des données de navigation des internautes. C'est sans doute à replacer dans un contexte plus général ; la société française est très sensibilisée – et peut-être aussi un peu à cran – aux risques et aux menaces que peut constituer l'outil internet en ce sens qu'il peut favoriser la communication entre des personnes mal intentionnées qui peuvent avoir comme objectif des actions terroristes ou le recrutement de djihadistes.

Les différences entre des individus aux tendances politiques de gauche ou de droites ne sont pas énormes, les personnes interrogées sont plutôt en faveur de cette limitation. Les sympathisants FN sont très favorables, et du côté des Verts on reste suspicieux. Est-ce surprenant ?

Oui, on a vu que sur la thématique liée à la lutte contre l'insécurité ou contre le terrorisme, il y a peu de différence en général aujourd'hui dans les sondages entre les sympathisants de gauche et ceux de droite. On relèvera quand même que les sympathisants de droite sont quand même davantage favorables à ce type de mesure que les sympathisants de gauche, il y a 10 points d'écart.
Au sein de la gauche, le clivage fait jour entre la gauche socialiste, les sympathisants du Parti socialiste qui sûrement aussi par réflexe légitimiste vis-à-vis du gouvernement sont 68% à approuver cette mesure alors que les sympathisants de la gauche non socialiste c'est-à-dire du Front de gauche ou d'Europe Ecologie les Verts sont plus mesurés. Néanmoins la proportion de personnes en faveur de ces mesures reste supérieure à la proportion de personnes qui y est opposée : 50% contre 46% au Front de gauche 51% contre 44% pour Europe Ecologie les Verts.

Il semblerait que les gens de gauche et les retraités se soient davantage renseignés sur le projet. Comment l'expliquer ?

Tout à fait. De manière générale, le score de notoriété du projet de loi est assez important puisque près de 7 personnes sur 10 déclarent en avoir entendu parler - bien entendu avec un niveau de connaissances très variable. Parmi les 68% qui disent en avoir entendu parler, 28% affirment bien savoir de quoi s'il s'agit et 40%, nettement plus forte proportion, qui, tout en ayant entendu parler du projet ne savent pas de quoi il s'agit. C'est normal, le sujet arrive tout juste à l'agenda politique et la complexité du sujet explique le fait qu'une majorité relative de personne interrogée qui ne sait pas précisément de quoi il s'agit. Ce sont des choses qui vont peut-être évoluées sous l'effet du débat public, avec les informations apportées et développées les prochaines semaines par les médias et avec les débats qui s'enclencheront au niveau politique.
En termes de notoriété, on constate que la connaissance croît avec l'âge des personnes interrogées. Là aussi c'est une tendance que l'on observe souvent en ce qui concerne les mesures ou projets de loi défendus par les pouvoirs publics, c'est très corrélé au niveau global d'information des personnes, leur intérêt pour la politique. On sait que ces deux indicateurs ont tendance à croître avec l'âge des personnes interrogées. Non seulement les individus plus âgés consacrent plus de temps à l'information, et ils sont davantage intéressés à l'actualité politique, alors que les plus jeunes, notamment les moins de 25 ans, manifestent un lien plus lâche avec la chose publique. Ainsi, à 60% des 18-24 ans qui déclarent en avoir entendu parler lorsqu'on est déjà à 77% chez les plus de 65 ans, l'écart est considérable. On retrouve ce même type d'écart quand on se penche sur les personnes qui déclarent en avoir entendu parler et ceux qui affirment bien savoir de quoi il s'agit, 24%chez les moins de 25 ans et déjà à 34% chez les plus de 65 ans.

Si les personnes interrogées proches du Front national sont très favorables à la limitation des libertés individuelles sur internet (69%), ils sont aussi les moins informés à ce sujet (64%) lorsqu'on compare avec les autres tendances politiques…

Les sympathisants du Front national manifestent un attachement à l'autorité généralement plus fort que dans les autres catégories de populations. 36% savent bien de quoi il s'agit, c'est l'un des scores les plus élevés. Mais en effet, concernant la notoriété globale, le résultat est le plus faible de toutes les tendances politiques confondues.
Je pense que cela s'explique d'après moi par la structure sociodémographique et plus précisément socio-professionnel des sympathisants du Front national. Parmi ces sympathisants, on a une très forte proportion de catégories populaires. Or on voit bien que c'est aussi chez les catégories populaires qu'on a, dans notre sondage, les plus faibles scores de notoriété. Chez les ouvriers on est à 58% contre 70% chez les cadres. L'intérêt du sujet ne compense que partiellement les effets induits par la structure, par le profil des sympathisants frontistes.

Echantillon national représentatif de 997 personnes âgées de 18 ans et plus.
Du 8 au 10 avril 2015
Interrogation par internet (système CAWI)
Méthode des quotas basée sur les critères de sexe, d’âge et de profession du répondant après stratification par régions et catégories d’agglomérations.

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