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6 000 jours de classes non assurés malgré la création de 35 000 postes : profs ou Education nationale, à qui la responsabilité ?
©wikipédia

L’école au rabais

6 000 jours de classes n'ont pas été assurés depuis septembre 2015 selon la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves (FCPE). Malgré la création de 35 000 postes par l’Education nationale depuis 2012, les élèves sont toujours confrontés à une pénurie de professeurs.

Sebastien Clerc

Sebastien Clerc

Sébastien Clerc, né en 1976 est professeur de français et d’histoire géographie dans un lycée professionnel à Tremblay-en-France. Il enseigne en Seine-Saint-Denis depuis 2000. Il est auteur de Face à la Classe, coécrit avec le philosophe Yves Michaud, Folio Gallimard, 2010.

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Atlantico : Classes surchargées ou sans enseignant : comment expliquez-vous que les investissements massifs de l’Education nationale, premier budget de l’Etat, soit si peu efficaces pour enrayer cette situation ? 

Sébastien Clerc : Je crains que beaucoup de collègues ou étudiants susceptibles d’avoir la vocation soient découragés par les difficultés d’enseigner aujourd’hui. Les élèves ont de plus en plus de mal à se concentrer. Ce problème est insuffisamment pris à bras-le-corps par l’Education nationale. La formation des enseignants est soit inexistante (pour les maîtres auxiliaires), soit insuffisante : axée exclusivement sur une pédagogie assez déconnectée des réalités du terrain. Des méthodes pédagogiques existent, qui aident les groupes difficiles à se concentrer (travail en sous-groupe avec des procédures précises, utilisations réfléchies de la vidéo-projection, techniques inspirées par le yoga pour l’aide à la concentration des élèves…). La question stratégique de la communication avec les jeunes est très peu évoquée. Par ailleurs, la gestion des sanctions n’est jamais abordée (sauf parfois sous un angle juridique, très peu concret) ; qu’on le veuille ou non, cela fait partie de la réalité de la gestion des classes… 

Plusieurs professeurs expérimentés s’en sortent bien avec leurs classes, mais on les écoute insuffisamment, on ne fait pas suffisamment profiter les enseignants débutants de toute cette riche expérience du terrainPar ailleursla rémunération est insuffisante et injuste. Débuter dans ce métier difficile, après un bac +5, à 1400 euros, cela n’attire pas assez, évidemment… De plus, l’évolution de la rémunération est de plus en plus "lissée". On peut se démener pour les élèves, mener de nombreux projets, organiser bénévolement des activités périscolaires : peu ou prou aujourd’hui, le salaire n’évolue pas plus que celui d’un enseignant qui fait le minimum. Je pense qu’instaurer davantage de "mérite" dans la rémunération aiderait à la reconnaissance de ceux qui s’investissent le plus.

Quelle disparité cache ce chiffre ? On sait aussi qu'entre 250 et 400 classes se retrouvent, chaque jour, sans instituteur en Seine-Saint-Denis. Des départements sont-ils donc plus touchés que d’autres ? Pourquoi ?

Si dans les départements de banlieue parisienne, où la situation sociale des élèves est la plus dramatique et où les conditions de travail sont les plus difficiles, la rémunération est la même qu’ailleurs (et même le pouvoir d’achat moindre par rapport à la province du fait du coût de la vie en Ile-de-France), il ne faut pas s’étonner que le recrutement des enseignants soit plus laborieux et que la motivation des recrutés soit plus fragile… De même, pour avoir choisi de faire toute ma carrière en Seine-Saint-Denis (et ne pas demander à muter, comme la plupart de mes collègues issus de province), je ne bénéficie d’aucune gratification si je voulais rester. En revanche, on me proposait des points supplémentaires pour obtenir, après cinq ans, la mutation que je ne désirais pas. Finalement, on nous pousse à partir !

Quelles sont les principales raisons de l'absentéisme des enseignants ou de leurs non-remplacements ? Celles-ci ne diffèrent-elles pas aussi selon les zones concernées ? 

Le recrutement est problématique. On continue de sélectionner les enseignants selon leur aptitude à trouver de belles problématiques alors que la réalité de leur métier sera de motiver des groupes de jeunes souvent difficiles et de leur transmettre des connaissances… Naturellement, les conséquences sont d’autant plus graves que les professeurs débutants sont envoyés directement dans les zones les plus difficiles, dans l’académie de Créteil où les classes sont les plus chahuteuses… Enfin nous sommes épuisés par les réformes "usines à gaz" décidées par le ministère, comme l’actuelle réforme du collège. Je rêve d’un ministre qui s’en tienne à appliquer un "kaïzen" de l’Education Nationale : repérer les dysfonctionnements et opérer de petits changements progressifs dans le cadre d’une réflexion constante sur ce qui peut être amélioré, sans chercher à réinventer l’eau chaude, et je souhaiterais une politique qui ferait davantage confiance aux enseignants pour les pédagogies décidées.

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