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52% des Français (seulement) en faveur de l'interdiction du spectacle de Dieudonné mais 64% pensent que la mesure ne sera pas efficace pour lutter contre l'antisémitisme
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Sondage CSA pour Atlantico exclusif

L'interdiction des spectacles de l'humoriste divise les Français en deux camps quasiment égaux, mais on observe un soutien prononcé de l'initiative de Manuel Valls au sein des partis de gouvernement tandis qu'extrême-gauche et extrême-droite restent majoritairement hostiles à la mesure. Les Français sont en tout cas plutôt d'accord pour souligner que la censure ne suffira pas à combattre les idées de la "Dieudosphère".

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : Les résultats de l'enquête CSA/Atlantico révèlent une division assez égale entre partisans et opposants de l'interdiction des spectacles de l'humoriste Dieudonné. Comment expliquer une polarisation aussi nette ?

Yves-Marie Cann : C'est effectivement la surprise de ce sondage, à savoir le fait que deux camps pratiquement égaux se font face sur ce sujet tandis que la classe politique et médiatique est aujourd'hui quasiment unanime dans sa condamnation des propos de l'humoriste. L'opinion publique est donc en effet bien plus nuancée, voire circonspecte, que ne le sont nos dirigeants dans cette affaire. Cela s'explique essentiellement selon nous par le fait que ce débat autour de l'interdiction, ou non, des spectacles de Dieudonné, semble se décaler aujourd'hui sur la question plus générale de l'application de la liberté d'expression. La question se porte ainsi davantage sur la définition même de la limite entre l'humour et la politique, voire ici entre l'humour et les déclarations racistes, xénophobes et antisémites. Il s'agit ainsi d'un débat particulièrement sensible au sein de l'opinion française, fait qui explique la répartition quasi égale des deux camps constatée dans l'enquête. 

Ce résultat n'est donc pas à interpréter comme la marque d'un soutien ou d'une opposition à Dieudonné et aux thèses qu'il défend, mais plutôt comme une prise de position autour de la liberté d'expression et des limites que l'on souhaite y apporter. Dans ce sens, on note qu'il n'existe aucun clivage socio-professionnel  ou presque (les cadres sont même les plus nombreux à se prononcer contre l’interdiction, à hauteur de 56% contre 51% des ouvriers) alors que les questions de société (notamment sur le racisme et la xénophobie) sont généralement révélatrices d'écarts différentiels importants entre les CSP+ et les catégories populaires (employés/ouvriers).

Le niveau de diplôme peut-il être interprété comme un facteur explicatif ?

On voit effectivement que ceux qui ont un niveau inférieur au baccalauréat sont plutôt favorables à l'interdiction (55%) tandis que ceux titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme de l'enseignement supérieur sont un peu plus nuancés, tout en y étant favorables. Si le niveau de diplôme peut avoir une légère incidence sur les réponses des sondés on ne constate pas donc pas de tendance claire sur le plan statistique comme on pourrait l'avoir sur d'autres sujets où le facteur éducatif joue beaucoup (c'était notamment le cas pour le mariage pour tous). Les pistes d'explications sont donc à chercher ailleurs.

Qu'en est-il sur le plan politique ?

Sur le plan de la préférence partisane, on observe des phénomènes assez intéressants puisque, en généralisant à peine, on note que les principaux partis de gouvernement (UMP, EELV, PS) se déclarent majoritairement en faveur de l'interdiction des spectacles de Dieudonné (respectivement 54%, 56% et 69%). Les sympathisants PS et EELV sont d'ailleurs ceux qui soutiennent le plus l'initiative du ministre de l'Intérieur. Une fois que l'on s'éloigne de ces partis et que l'on regarde vers les extrêmes de gauche et de droite on observe à l'inverse une majorité d'opposants à l'interdiction des spectacles de l'humoriste. Du côté du Front National on constate ainsi que 57% des sympathisants n'adhèrent pas à cette option, un fait que l'on retrouve du côté du Front de Gauche de façon encore plus prononcée (69%). Il y a donc une véritable fracture politique entre les partis de gouvernements et les partis de tradition "protestataires" sur ce sujet.

Comment expliquer la nette différence entre l'agglomération parisienne et le reste du territoire français ?

Il existe en effet un écart notable entre la région parisienne et le reste de l'Hexagone : seuls 42% des Franciliens soutiennent l’initiative de Manuel Valls contre 54% dans le reste du pays. On peut éventuellement expliquer ce phénomène, du moins en partie, par la composition sociologique de la population francilienne à forte proportion de cadres, notamment à Paris, et dont nous avons vu leurs réserves. Il peut aussi s’agir d’un soutien de type identitaire pour certaines habitants de la banlieue parisienne.

En dépit d'une division en deux camps égaux sur la question de l'interdiction des spectacles, comment expliquer que seul 36% des sondés estiment qu'une telle mesure sera efficace ?

En règle générale, c'est un phénomène que l'on retrouve souvent dans les enquêtes lorsque l'on teste l'adhésion d'une part et l'efficacité de l'autre part à une mesure particulière. Ainsi, des mesures qui suscitent de hauts niveaux d'adhésion sont souvent peu plébiscitées sur le plan de l'efficacité, comme cela peut être le cas sur les thématiques de sécurité ou de lutte contre la xénophobie.

Par ailleurs on peut préciser que les catégories partisanes qui sont majoritairement contre l'interdiction des spectacles de Dieudonné sont aussi les plus sceptiques quant au fait de voir une telle mesure lutter efficacement contre l'antisémitisme. A l'inverse, les sympathisants des partis de gouvernement restent eux assez hésitants avec près d'une personne sur deux qui se dit sceptique sur cette même efficacité, y compris parmi les sympathisants du Parti socialiste (50% très exactement).


Méthodologie : Sondage exclusif CSA / ATLANTICO réalisé par Internet du 7 au 8 janvier 2014. Cette enquête repose sur un échantillon national représentatif de 960 personnes résidant en France âgées de 18 ans et plus, constitué d'après la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle du répondant), après stratification par région et taille d’agglomération.

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