5 idées reçues sur l'économie européenne et ce qu'elles lui coûtent<!-- --> | Atlantico.fr
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Les débats économiques européens se basent bien souvent sur des idées fausses.
Les débats économiques européens se basent bien souvent sur des idées fausses.
©Reuters

Grosses erreurs

L’intensité des débats économiques, depuis l’avènement de la crise, ne cesse de progresser. Mais ces échanges se basent trop souvent sur certains a priori, pas toujours valables et parfois simplement faux. Autant d’idées reçues qui ont parfois tendance à écarter le débat de la réalité des faits. 5 points principaux peuvent être recensés.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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››› L’Allemagne est un modèle de croissance ‹‹‹

Selon une tribune de Natacha Valla, directrice adjointe du Centre d'études prospectives et d'informations internationales, et publiée dans Le Monde l’Allemagne « caracole ». Bien qu’il soit avéré que le taux de chômage outre Rhin soit à un niveau proche du plein emploi, il serait peut-être exagéré de considérer l’Allemagne comme un modèle de croissance. Car ce ne sont que 0.4 % de progression pour 2013 qui viennent faire suite à 0.7 % en 2012. Le « Boum » Allemand est bien plus paresseux que le mythe qu’il représente aujourd’hui. Les 0.4 % de l’année 2013 sont à comparer avec les 1.8 % de croissance britannique ou les 1.9 % de croissance aux Etats-Unis. L’exemple à suivre, s’il en est un, n’est pas l’Allemagne. Plus largement, il est intéressant de se pencher sur la réalité de la comparaison entre la croissance de la France et celle de l’Allemagne depuis la création de l’Euro : une égalité parfaite.

Mais à croissance égale lors de ces 15 dernières années, la France connaît un taux de chômage presque deux fois supérieur à celui de son voisin. Ceci pour deux raisons. La première est que la population française s’est accrue de 5 millions de personnes, alors que la population allemande est restée stable. La seconde est que l’Allemagne ne dispose d’aucun salaire minimum, ce qui a pour conséquence de voir plus de 8 millions de personnes travailler sous le seuil de rémunération du SMIC français, 4 millions de personnes payées moins de 7 euros de l’heure, ou encore 1.4 millions touchant un salaire inférieur à 5 euros de l’heure. L’Allemagne n’est pas un modèle de croissance, c’est un modèle de travailleurs pauvres.

››› L’austérité, ça marche ‹‹‹

L’austérité a tout pour plaire en tant qu’idéal moral de la cigale et de la fourmi. Mais la belle histoire s’arrête là. Le cas de la Grèce est ici stupéfiant de clarté. Après les « gabegies » de l’état Grec au cours des premières années suivant son intégration dans la zone euro, le pays s’est vu contraint de suivre les préconisations de la « Troika », c’est-à-dire d’un ensemble composé du FMI, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne. C’est ainsi que dès le mois de mai 2010, le pays se doit de se conformer à sa cure d’austérité. En 2010, Les prévisions faites par les économistes sont optimistes : après une contraction de 4 % en 2010, une nouvelle baisse de 2.6 % pour 2011, le pays doit retrouver la croissance en 2012 et 2013, à des taux respectifs de 1.10 % et 2.10 %. Malheureusement, l’échec est total. Les prévisions sont massacrées par la réalité : -4.94 % en 2010, -7.11 % en 2011, -6.38 % en 2012, et -4.21 % en 2013. Au total, ce sont plus de 18 points de croissance d’écart entre les prévisions et ce qui s’est vraiment passé. Soit une baisse de près de 25 % de la taille de l’économie du pays :

Le mois de mai 2010 peut d’ailleurs être clairement identifié sur ce graphique, comme le point de départ d’une chute massive, qui rime avec un taux de chômage de 27.5 % actuellement. La situation de l’Irlande est plus récemment citée comme l’exemple du succès de cette politique, mais les derniers chiffres de la croissance du pays au dernier trimestre 2013, à -2.3 % viennent encore invalider cette position.

››› Taxer les riches pour réduire les inégalités est bon pour la croissance ‹‹‹

Il s’agit de la conclusion d’un rapport récent du FMI qui a été abusivement interprété par tous ceux qui voyaient ici la validation de leurs a priori. Malheureusement pour eux, bien que le rapport en question fasse bien état d’une telle conclusion pour des Etats ne pratiquant aucune redistribution, il est aussi une mise en garde pour les Etats qui en font trop. En effet, au-delà d’un certain niveau de redistribution, permise par un niveau de taxation toujours plus élevé, la croissance dérape. C’est exactement ce qui arrive à la France qui est parvenue au niveau ahurissant de 57 % de dépenses publiques par rapport au PIB, et à un niveau de 47 % de taxation sur le même PIB.  Le graphique ci-dessous, extirpé du rapport du FMI en question explique clairement le phénomène. Les pays placés sur la diagonale centrale ne redistribuent rien, et le FMI leur recommande de soutenir leur niveau de croissance en redistribuant jusqu’au niveau de la ligne en diagonale en pointillé. Les pays les plus proches de cet axe pointillé sont ainsi ceux qui redistribuent sans impacter la croissance à la baisse, ce qui est un objectif souhaitable. Par contre, les pays désignés en bleu, dont la France, opèrent un niveau de redistribution trop élevé, qui vient freiner le potentiel de développement du pays. En conséquence, ce sont les personnes les plus fragiles qui payent cette situation totalement contreproductive. Car la croissance est bien le principal moteur anti-pauvreté.

Source FMI

››› La politique monétaire, c’est artificiel, la Banque centrale européenne ne peut rien faire ‹‹‹

Cette affirmation habituelle est désopilante. Le pouvoir monétaire européen est en charge de contrôler le niveau à moyen terme de l’inflation, et se doit que celui-ci ne dépasse pas le seuil de 2.00 %. Pour savoir si l’autorité monétaire a la capacité de tenir son engagement, il suffit de comparer la réalité des chiffres de l’inflation en Europe, à une ligne virtuelle d’une croissance ininterrompue de 2% annuels.

Indice Inflation zone euro comparée à l’objectif de 2 %. Source Eurostat.

Le niveau de précision de la Banque centrale européenne dans sa recherche d’une inflation proche, mais inférieure à 2.00 % est digne d’un horloger suisse. Au bout de 15 années, l’écart entre l’objectif de 2.00 % et la réalité n’est que de 0.10 %. Rien. Même pas de quoi avancer l’hypothèse d’une marge d’erreur.

Ce niveau de précision démontre une chose ; le pouvoir monétaire dispose du contrôle total du niveau d’inflation, car il ne s’agit pas d’un pur hasard. Et si la banque centrale européenne dispose de la capacité de contrôler la variable nominale qu’est l’inflation à un tel degré, elle a la capacité de contrôler la variable nominale « de base » qu’est la croissance nominale. L’inflation n’étant que la dérivée de cette dernière.

La conséquence de cette affirmation est lourde, car cela revient à accuser la BCE, et le mandat de Maastricht d’avoir permis la crise. La BCE qui se calque sur la recherche d’une stabilité parfaite de l’inflation à moyen terme n’est que l’illustration d’un proverbe revenu à la mode pour d’autres considérations : « Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt ». En effet, en regardant l’inflation, la BCE a raté l’essentiel, le PIB nominal s’est effondré par rapport à sa tendance :

PIB nominal européen comparé à sa tendance pré-crise. Millions d’euro. Source BCE.

Bravo. La BCE s’est simplement trompée de variable nominale, ce qui a eu pour conséquence de permettre l’écroulement de la croissance et la hausse du chômage en Europe. De nombreux pays ont identifié cette erreur, Etats-Unis et Royaume-Uni en tête. La question n’est plus de savoir si la BCE en a la capacité, la question est de savoir comment l’erreur peut encore durer aujourd’hui.

Si la BCE, comme le préconisent aujourd’hui de nombreux économistes (Mark Carney, nouveau gouverneur de la Bank of England, Jan Hatzius, chef économiste de Goldman Sachs et autres…), s’était concentrée sur le PIB nominal au lieu de l’inflation... la crise aurait été contrée, et ce depuis le départ.

››› L’équilibre budgétaire est la priorité des priorités ‹‹‹

Wolfgang Schäuble, Ministre des finances allemand, se félicitait ces derniers jours de sa capacité à atteindre l’équilibre parfait entre recettes et dépenses. Bientôt l’Allemagne n’aura plus besoin d’emprunter. Cette obsession de l’équilibre budgétaire relève de l’ignorance. Car l’équilibre parfait, autour de la notion 0, n’a en fait aucun sens. L’objectif d’une politique budgétaire ne doit pas être calqué sur le niveau 0, mais simplement sur le niveau de croissance du pays. Le graphique suivant en donne l’exemple : un pays confronté à une dette de 92.7 % par rapport à son PIB (la France), et qui voit sa croissance nominale (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation) progresser à un rythme de 5 % par an (ce qui correspond à l’objectif de Maastricht) et qui accumule chaque année un déficit de 3 % voit sa dette sur PIB…..baisser :

Sur l’échelle de gauche, la ligne noire représente l’évolution du PIB nominal à un rythme de croissance de 5 % annuels et la ligne rouge est la dette qui accumule des déficits annuels de l’ordre de 3 %. L’échelle de droite vient illustrer la baisse du niveau de dette sur PIB retracée par la ligne verte.

Ce qui permet d’affirmer que l’objectif est bien plus de restaurer la croissance que de vouloir arriver à l’équilibre budgétaire à tout prix. Dès lors que la croissance européenne sera de retour, à son rythme pré-crise, les Etats de la zone pourront continuer à enchainer les déficits tout en parvenant à faire baisser leur niveau d’endettement. Mais uniquement dans la limite de leur taux de croissance. Sans cela, le niveau de dette continuera de progresser. Cette question ne devrait même pas poser débat. Car entre certains courants qui défendent la poursuite de l’endettement sans aucune maîtrise et ceux qui préconisent le retour à l’équilibre vers le 0 déficit, il existe une réalité mathématique qu’il est difficile de contester.


Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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