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5 coups de soleil graves avant l’âge de 20 ans suffisent à augmenter considérablement le risque de développer un cancer de la peau
©Reuters

Protection totale

Le risque de développer de graves cancers de la peau augmenterait avec la fréquence des coups de soleil attrapés au cours de l'enfance et de l'adolescence.

Louis Dubertret

Louis Dubertret

Louis Dubertret est dermatologue-cancérologue. Chef de service émérite en dermatologie à l'hôpital Saint-Louis, il fut également président de la Société française de photobiologie. 

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Atlantico : Selon les résultats d'une étude publiée dans Cancer Epidemiology, Biomakers and Prevention, le risque de développer un mélanome est de 80% chez les sujets ayant attrapé au moins cinq coups de soleil avant leur 20 ans ; celui de développer un carcinome basocellulaire ou un  carcinome spinocellulaire est de 68%. Qu'entend-on par coup de soleil ? De quelle intensité de coup de soleil parle-t-on ici ?

Louis Dubertret : Le coup de soleil est une réaction inflammatoire de la peau, qui intervient 12 heures après l’exposition au soleil, et plus particulièrement aux rayons ultra-violets B du soleil. Il est lié au fait qu’après une forte exposition au soleil, une partie des cellules de la peau sont tuées ; c’est la mort de ces cellules qui créé cette réaction inflammatoire qui finit par faire peler la peau quelques jours après.

Les degrés d’un coup de soleil peuvent être très divers : j’ai déjà eu des patients qui ont dû être hospitalisés en réanimation après un coup de soleil, tandis que d’autres développent seulement une petite rougeur dans le dos par exemple. Par conséquent, dans l’étude que vous mentionnez, il n’est pas possible, rétrospectivement, de déterminer l’intensité des coups de soleil ; les personnes interrogées n’ont pu se souvenir que du nombre de coups de soleil.

Le coup de soleil est également le signe d’une exposition intensive au soleil, et donc imprudente. Dire que l’on a eu plus de cinq coups de soleil équivaut à dire que la dose d’UVB absorbée a été très importante au cours de cette période de la vie.

Il conviendrait donc de réécrire la conclusion de l’article plus justement, de la façon suivante : des personnes dont on a pu montrer, en prenant le coup de soleil en exemple, qu’elles ont utilisé sans précaution le soleil pendant leur adolescence, ont un risque accru de X% de développer un cancer de la peau; dans l’étude dont vous faites référence, le coup de soleil a été pris comme mesure de l’intensité de l’exposition au soleil. 

Comment expliquer ce résultat ? En quoi la nature de la peau, plus fragile chez les enfants que chez les adultes, favorise-t-elle le phénomène ? 

D’une manière générale, nous sommes tous très inégaux face au soleil, comme c’est le cas également par rapport au tabac, à l’alcool, etc. Les gens ayant une peau très claire sont bien plus sensibles que les autres aux dommages du soleil par exemple.

D’autres inégalités sont à signaler concernant le système de réparation de la peau mis en place par chacun après une exposition au soleil. L’efficacité de ces systèmes est différente d’un individu à l’autre, c’est-à-dire que deux individus qui bronzent de la même façon ne répondront pas de la même façon aux agressions du soleil.

Et puis enfin, comme le soulève votre question, il y a l’inégalité par rapport à l’âge. Le système pigmentaire n’est pas mature à la naissance ; il parvient à la maturité aux alentours de 22/23 ans. De sérieuses études ont été menées en France, dont une qui a consisté au comptage du nombre de grains de beauté sur le corps de chaque adolescent des écoles dans un village situé dans le Sud de la France, et un autre dans le Nord. Il a alors été montré que l’apparition des grains de beauté était très clairement liée à l’exposition à la lumière du soleil, ce qui leur a permis de conclure que le système pigmentaire n’est pas tout à fait mature pendant l’adolescence, qu’il est plus fragile à cette période. Cette augmentation du nombre de grains de beauté chez les enfants exposés au soleil ne s’observe plus chez des individus de 30/40 ans. Il est courant aujourd’hui de voir, chez des adolescents de 13/14 ans ayant passé des vacances au soleil sans se protéger, l’apparition d’une multitude de grains de beauté deux ans après, sans qu’ils aient eu pour autant des coups de soleil. Cet effet de retardement est lié à une maturation, qu’on ne connaît pas d’ailleurs sur le plan moléculaire, encore incomplète du système pigmentaire. 

Quels facteurs aggravants peuvent entrer en ligne de compte dans le développement de cancer de la peau ?

Actuellement, le seul élément d’environnement vraiment connu pour provoquer des cancers de la peau est le soleil. Il y a néanmoins de grandes discussions sur le rôle respectif des UVA et des UVB : ces derniers sont les plus puissants, ceux qui sont arrêtés par une vitre et qui sont responsables des coups de soleil ; les UVA, à l’inverse, sont ceux qui traversent la vitre et qui ne donnent pas de coups de soleil.

Le professeur Caroline Robert, chef de service de cancérologie cutanée à Gustave Roussy, à montrer dans une étude que dans les conditions de vie normales, et dans celles où il y a beaucoup plus d’UVA en quantité que d’UVB, les UVA participent tout autant que les UVB à la formation de cancer de la peau.

Des travaux sont actuellement en cours sur le débit de dose ; on pense fortement que le fait de s’exposer à la lumière du soleil le plus longtemps possible, mais sans brûler, est encore plus dangereux que d’attraper un coup de soleil. La façon de consommer le soleil est donc importante : l’un des messages d’ailleurs aujourd’hui est de dire que les produits solaires protègent très bien la peau à condition de ne pas les utiliser pour rester plus longtemps au soleil.

Parmi les autres facteurs, il convient de présenter les facteurs de déclenchement. Ainsi, sur des peaux déjà très abîmés par le soleil mais qui n’ont pas encore développé de cancer, la survenue d’une plaie accompagnée d’une cicatrisation peut favoriser l’apparition d’un cancer. Il est, par exemple, très fréquent que sur le crâne de cultivateurs fortement exposés au soleil dans le cadre de leurs activités, une plaie puisse favoriser l’apparition d’un cancer de la peau.

Concernant les lèvres, la lèvre inférieure est la plus exposée au soleil, et est davantage exposée au risque de développer un cancer que la lèvre supérieure. Ce risque est considérablement augmenté chez les fumeurs à cause du goudron qui vient se déposer sur la lèvre inférieure.

En revanche, il n’y a aucune information permettant de penser que la pollution automobile joue un rôle sur le cancer de la peau. 

Certains profils de peau risquent-ils davantage de développer un cancer de la peau ? 

On a d’autant plus de risques de développer un cancer de la peau qu’on a la peau claire. La peau, c’est comme Benetton, toutes les couleurs sont représentées : les peaux noires ont un pigment qui ne contient pas de souffre, tandis que les roux ont un pigment qui en contient beaucoup. Plus le pigment de la peau contient du souffre, c’est-à-dire plus il est clair, plus il est mesure de protéger la peau mais aussi d’aggraver les dommages du soleil.

Pour en revenir au système de réparation de la peau après l’exposition au soleil que j’évoquais plus haut, nous avons les moyens d’imaginer la possibilité de mesurer, grâce à une machine dans laquelle on introduirait un poil de la peau, la capacité de notre système à réparer les dommages causés par le soleil.

Des moyens de lutter contre le cancer de la peau existent quand on est âgé. Quelques études ont montré que le fait d’hydrater une peau très desséchée, qui pèle en permanence, diminue la fréquence de survenue des états précancéreux. Hydrater la peau est un conseil abondamment communiqué auprès des personnes commençant à développer des cancers de la peau. 

Où se situe la frontière, en termes de risques, entre forte exposition aux rayons UV (qui ne génère pas de coup de soleil forcément) et coups de soleil ?

La frontière est avant tout individuelle, et même différente suivant les régions du corps. La peau se protège du soleil de deux façons : tout d’abord par le bronzage, qui est une protection de qualité modeste, et par l’épaississement de l’épiderme, protection principale contre les UVB ; plus celle-ci est épaisse, plus les dommages liés à une exposition au soleil sont réduits. L’épaisseur de couche cornée varie d’une région du corps à l’autre. Cela explique, par exemple, que la zone située derrière le genou soit l’une des premières touchées par le coup de soleil lorsqu’on se promène l’été en short, car la peau de cette région est plus fine.

Certains individus ont mis au point des petits appareils ressemblant à des montres qui vous indiquent la dose d’UV reçue dans la journée, bien que cela ne soit pas adaptable aux risques individuels des gens. De même, sur les plages, les radiations d’UV sont indiquées. Il y a donc des outils qui existent afin de montrer aux gens que le soleil, bien qu’étant un aliment de la peau, doit être consommé avec modération

A l'approche des grandes vacances, quels conseils pratiques préconiser aux parents quant à l'exposition de leurs enfants ?

Le premier message que nous avons délivré avec la Ligue contre le cancer il y a des années a été le suivant : "protégez les enfants". En effet, ces derniers n’ont aucune idée des effets du soleil sur leur passé.

Pour les protéger donc, il convient d’utiliser des produits solaires, dont l’application doit être renouvelée régulièrement. Ensuite, il est impératif d’éviterl’exposition au soleil lorsque celui-ci est à son zénith, c’est-à-dire entre 12h et 16h, période pendant laquelle la sieste permet de se reposer, mais aussi d’éviter cette exposition au soleil. Il faut aussi apprendre aux enfants à jouer sous un parasol, à porter un petit chapeau, mais aussi à mettre des lunettes de soleil. On parle toujours de la peau mais il ne faut pas oublier que la cataracte est liée à un vieillissement du cristallin provoqué par la lumière ; la protection des yeux est donc très importante également. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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