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3% de croissance au 2e trimestre 2017 : eh bien non... Donald Trump n’a pas détruit l’économie américaine
©NICHOLAS KAMM / AFP

Yes, he can !

Alors que des doutes subsistaient sur la vigueur de l'économie américaine, la croissance du pays ​de ce second trimestre 2017 a été révisée à la hausse pour atteindre le chiffre de 3%, soit son plus haut niveau depuis 2 ans.

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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La croissance des Etats-Unis ​de ce second trimestre 2017 a été révisée à la hausse pour atteindre le chiffre de 3%, soit son plus haut niveau depuis 2 ans. Les dépenses de consommation ont affiché une progression de 3.3%, alors que l'investissement non résidentiel a progressé de 6.9%. Alors que l'économie américaine était annoncée nonchalante, comment expliquer de tels résultats ?

Rémi Bourgeot : Cette demande particulièrement forte, aussi bien en ce qui concerne la consommation que l’investissement, conduit la reprise américaine. On peut naturellement y voir des facteurs de fond : pour la consommation notamment, les créations d’emploi et la chute continue du chômage jusqu’à des niveaux au plus bas depuis plus de quinze ans qui évoquent une forme de plein emploi ; et pour l’investissement une croissance solide des profits, de l’ordre de 6% sur un an. Il convient néanmoins aussi de voir le carburant monétaire derrière ces chiffres impressionnants. La faiblesse de l’inflation et qui a même repris le chemin de la baisse récemment, atour de 1.6% du PIB amène la Réserve fédérale à retarder sans cesse le durcissement monétaire, de peur notamment d’entraîner une appréciation trop forte du dollar qui nuirait aussi bien à la croissance américaine qu’à l’inflation plus particulièrement.

Les taux d’intérêt qui restent très bas nourrissent un accroissement continu du crédit, au risque que ne se constituent de nouvelles bulles. Le taux d’épargne ne cesse de chuter et atteint aujourd’hui 3.8%, soit deux points de moins qu’au début de l’année dernière. Malgré les chiffres généraux positifs, affleurent toujours les mêmes écueils du modèle de croissance actuel, notamment avec une faible croissance des salaires malgré un taux de chômage désormais très bas, mais aussi des emplois à temps partiels, sous-qualifiés, et donc en fait un gonflement de la demande sous forme de consommation en particulier par une dynamique de crédit qui est difficilement tenable.

Donald Trump avait placé ce chiffre de 3% comme un objectif de long terme pour le pays, faut il voir la hausse de la croissance comme une éventuelle anticipation positive de ce que la nouvelle administration pourrait apporter au pays en termes économiques ?

Depuis plusieurs mois, de nombreux analystes évoquaient justement un impact économique négatif à venir de Donald Trump, avec l’enlisement législatif et la succession de scandales… Donc il faut d’abord souligner que cette dynamique apocalyptique, mêlant scandales géopolitiques à une forme de marasme économique, dont semblent rêver de nombreux éditorialistes ne s’est clairement pas enclenchée. On n’est peut-être pas non plus revenu à l’euphorie financière des semaines qui avaient suivi son élection. Mais en tout cas, même si la demande est gonflée par une politique monétaire encore très accommodante, il faut noter que Trump n’a malgré le blocage du Congrès pas suscité une chute de la confiance.

Trump n’a pas encore avoir véritablement influencé l’économie positivement puisqu’il n’a encore mis en œuvre aucune loi importante. Les baisses d’impôts promises à plus court terme devraient surtout bénéficier aux ménages les plus aisés ; ce qui ne devrait pas se traduire par un effet économique des plus importants. L’inconnu en termes d’impact économique réside dans sa capacité ou non à mettre en œuvre un grand plan d’investissement qui, du fait de sa nature même, pourrait désarmer l’opposition côté démocrate et chez une partie réticente des républicains. Si cela commence à se concrétiser, alors on pourrait effectivement voir des anticipations véritablement positives apporter ainsi un support plus solide à cette croissance assez largement gonflée par le crédit et donc encore assez vulnérable.

Quels sont les risques pesant sur la croissance américaine ? Faut-il voir les ambitions protectionnistes de Donald Trump comme de réelles sources de risques pour l'économie du pays ?​

Le principal risque qui pèse sur cette croissance réside dans son caractère quelque peu superficiel si l’on garde à l’esprit la faible croissance de la productivité, autour de 1% par an. Il n’y a dont pas de support de fond aujourd’hui à une dynamique de hausse de salaire en particulier. Sur le plan financier certes les profits sont élevés mais notons que les performances boursières sont encore assez largement le résultat de la politique de rachats d’actions (share buybacks) qui relèvent de la mystification. On parle énormément des nouvelles « nouvelles technologies », de la quatrième révolution industrielle, mais encore une fois ces bouleversements technologiques, pourtant très sérieux, ne parviennent pas aujourd’hui à se traduire par des gains importants de productivité. Cela rappelle à certains égards l’époque de la bulle internet où ces innovations ne s’étaient pas traduites par des avancées structurelles en termes de productivité et où on avait fini par se relever de l’éclatement de la bulle par une nouvelle bulle de nature très basique, immobilière.

En ce qui concerne Trump, tout dépendra de ce qu’il arrivera à faire dans le climat politique actuel et surtout du contenu éventuel qu’il mettra dans la politique économique qu’il finira par mener. Une politique de protection douanière sans objectif technologique aurait surtout des inconvénients. A l’opposé, s’il s’agit d’une politique réaliste de développement et de montée en gamme de l’appareil productif américain en évitant le nivellement par le bas systématique infligé par les thuriféraires de la mondialisation heureuse, alors cela pourrait nourrir un régime de croissance plus solide à terme. C’était d’ailleurs la logique des Républicains au XIXème siècle, dans le cadre de ce que l’on appelait « l’American System » qui visait le rattrapage technologique. Ils promouvaient ainsi un modèle de citoyenneté fondamentalement opposé à l’esclavage, contrairement aux plantations du Sud, focalisées sur la main d’œuvre gratuite et qui promouvaient le libre-échange surtout pour favoriser leurs exportations sans contenu technologique.

On voit se développer une prise de conscience qui dépasse largement le cercle de Trump, même dans les entreprises technologiques quand à la localisation de la production. En réalité l’évolution en cours va au-delà de la question de la présidence actuelle. Les Etats-Unis, comme la quasi-totalité des pays développés, sont enfermés dans une logique d’allocation financière faisant l’impasse sur le contenu technologique. Nous n’en sommes qu’à la toute première étape d’une éventuelle réorientation.

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