2023 ou le retour de Trump au premier plan<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
L’année 2022 s’était achevée sur un enterrement politique du 45e président des États-Unis
L’année 2022 s’était achevée sur un enterrement politique du 45e président des États-Unis
©CHANDAN KHANNA / AFP

Bilan 2023

Il est de tradition de marquer les fins d’année avec un événement fort. Que retenir de 2023 ? Beaucoup parleront des guerres du monde, d’inflation, ou de changement climatique, avec des températures records dans le monde entier, des sécheresses, des tornades ou des inondations.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

Voir la bio »

Ma spécialité étant l’étude des États-Unis, mon point de vue sera plus centré sur ce pays : l’année 2022 s’était achevée sur un enterrement politique du 45e président des États-Unis : râleur, tricheur, bloqué dans un passé dont il ne voulait plus bouger, il avait été balayé par les électeurs de son propre camp qui lui préférait alors un petit nouveau. Mais 2023 a changé tout cela ! 

Une lente descente aux enfers

Car le destin de l’ancien président semblait pourtant scellé : le résultat des élections de mi-mandat avait fait basculer son monde. L’impossibilité pour les républicains de regagner le Sénat ou même d’imposer une majorité claire à la Chambre lui était directement imputée : Donald Trump était devenu un loser [un perdant]. Jusque dans son propre camp, désormais, des voix faisaient remarquer qu’il avait fait perdre la présidence, le Sénat et la Chambre en 2020 et que cette nouvelle élection n’avait que terni un peu plus son image et son héritage. Pour ne rien arranger, les affaires judiciaires, de plus en plus proches, noircissaient un tableau déjà bien sombre. Les quelques événements qui le mettaient dans l’actualité ne donnaient aucun espoir d’un moindre rebond, rendant moribond ses plus fidèles, qui se faisaient de plus en plus discrets. Bill Barr, son ancien ministre de la justice, prévenait que ce petit groupe de fidèles d’entre les fidèles se préparaient à quitter le parti pour suivre leur champion dans une aventure individuelle, une « troisième voie », qui ne pourrait que tuer les chances des conservateurs aux élections de 2024.

Biden s’envole

Les défaitistes étaient confortés par le moment de grâce qui portait Joe Biden : il brillait alors sur la scène internationale, où les États-Unis étaient redevenus leader du monde libre et seuls patrons de l’OTAN, face à un Poutine à nouveau détesté et rejeté. Biden faisait mieux, en ramenant le chômage à moins de 4%, l’inflation qui dégringolait d’un historique 9,2% en juillet 2022, à moins de 5% en cette fin d’année ; Biden était aussi en passe de mener à bien toutes ses promesses de campagne, grâce à l’adoption de grandes lois comme celle sur les infrastructures ou en faveur du climat ou encore l’effacement des dettes étudiantes. Sa popularité ne remontait pas encore mais bien peu d’observateurs imaginaient que ce ne serait pas le cas très vite : sa candidature ne faisait déjà plus aucun doute, même si tout le monde avait été persuadé en 2020 qu’il ne ferait qu’un seul mandat.

L’héritier attend son tour

Cette perspective d’une nouvelle campagne avec le président sortant terrorisait littéralement les républicains, qui s’étaient alors tournés comme un seul homme vers un nouveau venu. Ron de Santis émergeait brutalement juste avant Noël, poussé par un vent médiatique de force 5. Partout dans le monde la nouvelle se répandait alors que s’en était fini du bouillonnant Donald. Le gouverneur de Floride vivait ainsi un véritable rêve, voyant ses sondages grossir de jour en jour, même après l’annonce précipitée d’une nouvelle candidature de Donald Trump à la mi-novembre. Triomphant, le nouvel homme fort de la droite américaine redéfinissait les priorités, déclarant la guerre à l’empire Disney et, à travers lui, au wokisme, qui « s’arrêterait en Floride ».

Janvier, février et mars ont été des mois difficiles pour Donald Trump. Il a bien tenté de prendre la main avec des meetings dans le New Hampshire et en Caroline du Sud, mais il a été loin de faire le plein. Il est apparu criant que son influence au sein du parti républicain n’était plus déterminante et les candidatures à la présidentielle se sont multipliées, y compris celle de la fidèle Nikki Haley ou de Tim Scott, lui aussi très proche. Les sondages, très cruels, indiquaient alors une montée irréversible de Ron de Santis, qui dépassait 30% d’intentions de votes en février quand Trump tombait à 40%. 

Comme les hirondelles qui reviennent au printemps

La bascule s’est faite en mars. Tout le monde attendait la chute qui devait être provoquée par les affaires judiciaires et c’est le contraire qui s’est passé. L’erreur est certainement venue du procureur de New York, Alvin Bragg, qui a voulu être « le premier » à le faire tomber. Mais rien n’a fonctionné comme prévu. Tout aurait été différent si la première inculpation avait été celle d’une autorité fédérale, à savoir « les États-Unis contre Donald Trump ». Mais la précipitation de Bragg a tout changé, donnant une nouvelle légitimité à l’affirmation de Donald Trump qui assure être victime d’une chasse aux sorcières. La réalité qui s’imposait alors aux républicains c’est qu’un procureur démocrate voulait mettre Trump en prison dans un État démocrate et une ville démocrate, grâce à une jury démocrate. L’insupportable réalité a eu pour conséquence de resserrer les liens autour de l’accusé, qui est redevenu instantanément « la meilleure chance de battre le camp d’en face. »

Un génie de la com

L’explication un peu simple se doit d’être accompagnée d’une notice, sur laquelle on écrira que Donald Trump a accumulé une expérience en communication qui dépasse largement l’expertise des meilleurs dans sa catégorie. Jouant sur la corde émotionnelle, il a lui-même entrainé la réaction de ses troupes, après avoir annoncé lui-même qu’il « allait être arrêté et jeté en prison », une perspective tellement extraordinaire qu’elle a transporté de joie ses opposants et tétanisé ses supporters, ou ceux qui l’avaient été. Dans le même esprit, c’est la photo prise par les autorités lors de sa mise en examen dans le dossier de la tentative d’insurrection du 6 janvier 2021 qui sert de photo de campagne, un vrai pied-de-nez qui démontre qu’il est un candidat hors du commun.

La campagne redémarre

À dater de ce jour de mars 2023, Trump a repris le contrôle du narratif. S’étant posé en victime d’un système perverti et qu’il faut réformer, il a obtenu le soutien de toutes celles et ceux qui ont –ou pensent avoir– souffert de ce système. La question des libertés individuelles, qui a tellement marqué les années Covid, est donc revenue au centre de la discussion politique. L’attaque sur le rôle de l’État fédéral, qui est trop présent, taxe trop et ne défend pas comme il le devrait, s’est faite sur des thèmes déjà validés en 2016, à savoir, ne plus donner d’argent  aux puissances étrangères et le garder pour les Américains, moins taxer et refuser l’entrée des étrangers, en particulier ceux qui altèrent le traditionalisme de la société, notamment par leur religion. 

L’année sera judiciaire ou ne sera pas

Il restait à Trump à « tuer le match », en empêchant que ne se répandent d’autres thématiques, plus favorables à Joe Biden. Pour cela, il a dramatisé à l’excès ses affaires judiciaires, attirant à lui –une fois de plus– les feux des médias. Là-encore, il s’est approprié le déroulé des événements et en a pris le contrôle : le calendrier judiciaire, qui devait le desservir, est une formidable corne de brune qui résonne plus fort que tout, et empêche l’émergence du moindre thème de campagne. Parce que tout va trop vite, que les événements s’enchainent et que Trump est le chef d’orchestre de ce chaos, le public perd la tête et les électeurs ne savent plus y reconnaître leurs petits. Poursuivis en justice, Trump et ses amis au Congrès ont déclenché des contrefeux : les problèmes de Hunter Biden, des actions ou des menaces de poursuites contre plusieurs ministres, une enquête en Impeachment contre Joe Biden, servent cette stratégie. Trump a rééquilibré le match et a achevé la reconquête de son camp.

Il est désormais à leurs yeux un champion qui se sort de tous les pièges. Il est celui qui peut les faire gagner à nouveau. L’année 2023 a servi à faire renaître Trump de ses cendres. Mais tout n’est pas joué. Après 2023, il y a 2024.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !