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2017, année des élections de tous les dangers : sondage exclusif sur ce que veulent les Européens 8 ans après la crise
©Flickr / Marmotte73

Surprises...

Ce nouveau baromètre Ifop pour Atlantico révèle notamment que 36% des Français considèrent comme excessif le montant des impôts et des taxes, contre 16% d'Allemands. La palme d'or revient aux Italiens, avec un score de 92%.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements que l'on peut tirer de ces résultats ? 

Jérôme FourquetIl convient de rappeler que l’une des vocations de l’enquête est de mesurer rétrospectivement, dans plusieurs pays occidentaux, l’impact de la grande crise économique qui a débuté en 2008 et qui, dans certains pays, n’en finit pas de finir, afin de voir si les effets ont été les mêmes dans tous les pays ou si la crise a fait davantage sentir ses effets dans certains pays que dans d’autres, et si certains sont en voie de rémission définitive. Cette grande enquête a été menée dans plusieurs pays, avec des points de comparaison sur des enquêtes précédentes, et notamment une réalisée en 2011, au moment du pic de la crise économique. 

Quand on regarde dans le détail l'item relatif à la pression fiscale, les écarts sont tout à fait significatifs ; ils se sont même creusés entre certains pays. Si l’on prend toujours comme point de comparaison l’enquête de février 2011, au début de la crise de l’euro, 78% des Français estimaient la pression fiscale trop importante, 73% pour les Allemands, 79% pour les Espagnols, 87% pour les Italiens, tandis que les pays anglo-saxons étaient dans des positions intermédiaires. Si l’on se concentre sur l’Europe continentale et si l’on regarde les trajectoires de la France et de l’Allemagne, on remarque un gain de cinq points chez les Français qui estiment que la pression fiscale est trop importante, alors qu’on en perd cinq en Allemagne ; l’écart est donc de quinze points désormais entre ces deux pays. 36% des Français estiment le montant des impôts et des taxes excessif contre 16% en Allemagne. En Espagne, ce chiffre est plutôt stable. En Italie, l’aversion à l’impôt s’est encore accrue : 92% des Italiens estiment que le montant des impôts et des taxes est élevé. Là aussi, on peut mettre cela en lien avec la montée du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo et avec  –en partie–  l’échec de Matteo Renzi au référendum. Ceci signifie qu’il y a une colère tout à fait massive de la part des Italiens contre la pression fiscale. Qui dit pression fiscale, dit rapport à l’Etat et au pouvoir politique qui s’est considérablement durci ces dernières années.

Si l’on s’arrête sur le cas de la France, on constate un véritable bond depuis février 2011 –sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et au début de l’annonce de l’augmentation de la pression fiscale par l’équipe Fillon entrée en application au début du quinquennat Hollande marqué lui aussi par des hausses d’impôts. – et 2013, avec les hausses d’impôts décidées par François Hollande, mais aussi les hausses d’impôts décidées à la fin du quinquennat Sarkozy qui entrent en application à cette époque-là (on parlait alors du matraquage, du ras-le-bol fiscal, expression d’ailleurs utilisée par le ministre des Finances de l’époque, Pierre Moscovici). On passe ainsi de 27 à 45% de la population qui estime que le montant de l’impôt est excessif. Depuis lors, cette exaspération a décru : on a perdu quasiment dix points par rapport au pic de cette époque ; néanmoins, on est encore dix points en moins par rapport à 2011.

Pour ce qui est des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, 6 ressortissants de ces pays sur 10 estiment que le montant de la fiscalité est trop important. Il y a d’ailleurs aujourd’hui tout un débat dans le cadre du Brexit sur la fiscalité, le moyen de redonner de la compétitivité aux entreprises, etc. Il y a donc encore un peu de jeu possible dans ces pays, à la différence notamment de la France, de l’Espagne ou de l’Italie. En filigrane, quand on parle de la panne dans laquelle est l’Union européenne qui pâtit du manque d’un projet fédérateur, cela s’explique aussi par une extrême diversité des situations économiques et sociales entre les différents Etats membres. Ainsi, avoir une politique fiscale commune avec des Italiens qui affirment massivement être écrasés par l’impôt alors que cela est beaucoup moins le cas en Allemagne est très compliqué. La crise économique a fait diverger encore davantage ces différences de ressenti d’un pays européen à l’autre.

Ce que l'on remarque également dans ce baromètre, c'est que parmi les Français qui disent avoir du mal à s’en sortir avec leur salaire, 73% seraient prêts à travailler plus pour gagner plus ; ils sont 50% chez ceux qui s’en sortent avec leur salaire. Ainsi, un discours qui viserait à remettre au goût du jour la défiscalisation des heures supplémentaires pourrait plaire à ce type d’électorat. 

A lire aussi sur notre site : "Vague de sondages contradictoires : mais que veulent vraiment les Français de François Fillon ?"

Si l’on considère maintenant la partie du baromètre consacrée au modèle social et que l’on aborde cela sous un angle un peu franco-français, la question à poser concerne notamment l’avenir de ce modèle, d’autant plus si l’on considère l’échéance électorale de 2017. On a alors les moyens de comparer le regard que portent les Français sur ce modèle social avec les autres grandes démocraties occidentales. Un point important : notre système de protection sociale est jugé satisfaisant par 63% des Français. Là-dessus, les Français ont une pleine conscience de notre caractère spécifique, quinze points devant les Allemands notamment. Quand certains à gauche, il y a quelques années, parlaient de purge économique et sociale infligée à notre pays, on peut penser que ce qui était infligé à la France en termes d’effort sur le modèle économique et social n’a rien avoir avec ce qui a pu être appliqué en Espagne ou en Italie. La preuve en est : les scores dans ces deux pays sont deux à deux fois et demi plus faibles qu’en France. Pour autant, nos concitoyens se distinguent aussi par le plus haut score sur le fait qu’il y a trop d’assistanat et qu’un certain nombre d’individus abusent des aides sociales, ce qui est un peu le pendant de l’autre item : on est bien couverts et en même temps, il y en a qui tirent un peu trop la couverture à eux (79%). Le discours anti-assistanat est très répandu en Occident : 72% en Grande-Bretagne, 73% aux Etats-Unis, 71% en Italie, 68% en Allemagne et 62% en Espagne. Si l’on prend le cas de l’Italie, 71% d’Italiens pensent qu’il y a trop d’assistanat et en même temps, ils sont 25% seulement à juger le système de protection sociale satisfaisant : l’état psychologique apparaît comme particulier dans ce cas. En France, la dénonciation de l’assistanat, un peu plus élevée qu’ailleurs, s’accompagne d’un jugement positif sur la qualité de la couverture ; cela n’est pas le cas dans les autres pays.

Autant il y a un certain chauvinisme sur notre système de protection sociale, autant sur l’éducation et la santé –peut être aurions-nous dû séparer les deux items–, nous ne sommes pas ceux qui affichons les résultats les plus élevés. Je crois que la crise de l’école républicaine, les mauvais résultats dans les classements internationaux, etc. finissent par infuser dans la population, ce qui donne de mauvais résultats. Sur le modèle d’éducation et de santé, regardons ce qui s’est passé en Allemagne entre 2011 et 2016 : on est passé de 27 % à 46 %. Il y a eu tout un ensemble d’articles parus dans le pays, il y a quelques années, sur ce qui a été appelé "le choc Pisa", l’Allemagne ayant été, à un moment, très mal classée dans ce classement ; ils ont alors revu entièrement leur système éducatif. Dans aucun autre pays, on ne constate ce gain de vingt points.

Sur la question des retraites, la France rappelle souvent que son modèle est plus généreux que les autres, ce qui ne se traduit pas nécessairement dans les chiffres. Ce sont dans les pays anglo-saxons, où les retraites par capitalisation sont la règle, que les personnes sont les plus optimistes (aux alentours de 40%) ; toutefois il y aussi une angoisse sur la soutenabilité du modèle à terme. Là encore, on voit que les Espagnols ont été durement éprouvés : seulement 15% se disent optimistes. 

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