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2015, année record pour les fusions-acquisitions : est-ce grave docteur finance ?
©Reuters

L'année de la fus-ac

2015 a été une année record pour les fusions-acquisitions, avec un chiffre total de 4.600 milliards de dollars, d'après des statistiques de Thomson Reuters. Petite analyse de ces fusions-acquisitions, les mécanismes qui les sous-tendent, et ce qu'elles disent sur la confiance (en excès?) des marchés…

Christian de Boissieu

Christian de Boissieu

Christian de Boissieu est économiste, spécialiste des questions monétaires et bancaires. Il est membre du conseil du collège de l'AMF (Autorité des marchés financiers) depuis mai 2011 et ancien régulateur bancaire.

Professeur à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne, il a été président du Conseil d'analyse économique de 2003 à 2012.

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Atlantico : 2015 a été l'année record des fusions-acquisitions, le pic de 2007 est battu avec 4.600 milliards de dollars d'après des chiffres de Thomson Reuters. Comment expliquer cela?

Christian de Boissieu : On peut expliquer cela pour plusieurs raisons. Premièrement, les taux d'intérêt sont bas, du côté américain y compris, donc la dette est peu chère, le coût pour ceux qui initient ce genre d'opérations est donc faible. Ce n'est pas la première fois en 2015 que les taux sont bons. La deuxième raison concerne les secteurs lourds, qui connaissent une recomposition importante, il s'agit de l'énergie, ou de l'industrie pharmaceutique par exemple. Troisième raison : la reprise aux Etats-Unis, et de façon plus modérée en France, entraîne des opérations offensives, qui permettent d'augmenter le profit. Enfin, la pression des marchés financiers, et la recherche du rendement, la rentabilité financière qui pousse les entreprises à créer de la valeur. Ce type d'opération peut fonctionner ou non, certaines peuvent créer de la valeur additionnelle à court terme, et d'autres à plus long terme. Une opération de fusion-acquisition ne réussit pas toujours, beaucoup de secteurs sont concernés, il faut regarder cela au cas par cas.

Ces fusions ne sont donc pas toujours rentables. S'agit-il de mégalomanie?

Il y a souvent des questions d'ego qui se posent dans les fusions-acquisitions, dans les deux sens. Certaines fusions-acquisitions ont avorté parce qu'il y avait des problèmes d'ego de différents chefs d'entreprise et aucun des deux ne voulait conclure l'accord. Derrière tout cela, il y a des actionnaires, un chef d'entreprise qui, s'il agit par ego, satisfait surtout sa démarche. Dans tous les cas, s'il n'y a pas de rationalité financière derrière, cela ne tient pas. La fusion-acquisition se pose sur le long terme, elle doit réaliser une réduction des coûts, des économies d'échelle, ce n'est pas dans les six mois qui suivent une opération de ce type que l'on peut la juger. Il peut cependant y avoir un impact sur la concurrence, s'il y a trop de concentration pour améliorer sa compétitivité, dans ce cas les autorités de la concurrence doivent intervenir.

Est-ce le signe d'une trop grande confiance?

Je ne suis pas sûr qu'il y ait une confiance excessive. Les Banques centrales jouent un rôle très important pour essayer de ramener de la confiance. L'abondance de liquidités dans le monde est aussi un vecteur qui favorise les fusions-acquisitions, une partie des liquidités peut servir à faire de la croissance externe ou des fusions acquisitions. Je ne suis pas sûr que les opérations de fusion-acquisition soient le signe d'une grande confiance, car certaines opérations sont offensives et d'autres sont en réalité défensives, et agissent manière préventive. On peut d'ailleurs s'interroger sur le véritable record de ces fusions-acquisitions, car en 2007 elles atteignaient 4.300 milliards de dollars, contre 4.600 milliards de dollars en 2015, donc si l'on réfléchit en dollars constants, et non pas en dollars courants, ce record peut être en question.

N'y a-t-il pas un risque de voir une crise financière, car après le boom de 2007, cela a donné la crise de 2008…

Le marché devrait s'auto-réguler en 2016, la Fed va donner ce signal là, elle vient de redresser son taux directeur, ce qui va rendre ces opérations moins faciles du côté américain. Le resserrement monétaire américain peut freiner la séquence, mais cela ne vas pas s'inverser. Les autres arguments ne vont pas non plus s'inverser, car il reste beaucoup de liquidités. Il y a cependant un phénomène de surendettement des entreprises se sont probablement surendettées pour réaliser toutes ces fusions-acquisitions, donc cela peut introduire un recul du marché américain par rapport à 2015, même si la pression concurrentielle restera forte. Ce n'est pas tellement le marché de l'action qui pourrait poser problème, il faudrait surveiller le marché obligatoire, et veiller à une crise de confiance.

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