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2012 : et si les agriculteurs ne revotaient pas Sarkozy ?
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Salon de l'agriculture

Le salon de l’agriculture ferme ses portes ce dimanche 27 février. Traditionnellement acquis au candidat de droite, le « vote agricole » semble plus hésitant pour 2012.

Joël Gombin

Joël Gombin

Joël Gombin est doctorant en science politique au CURAPP (Université de Picardie-Jules Verne – CNRS).

Ses travaux portent  notamment sur le vote en faveur du Front national et sur les comportements politiques des mondes agricoles.

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Il est courant d’affirmer que les agriculteurs sont massivement conservateurs. Le propos est pourtant à nuancer. En effet, le vote de la population agricole (exploitants agricoles, mais aussi agriculteurs retraités et ouvriers agricoles), s’il est certes dominé par un fort tropisme à droite, est surtout très hétérogène. Le grand céréalier de la Beauce ne vote pas de la même manière que l’éleveur des Hautes-Alpes.

Orientation électorale dominante des mondes agricoles lors de l'élection présidentielle de 2007
(Estimations de l'auteur d'après les résultats de l'élection présidentielle de 2007 (Ministère de l'Intérieur) et le recensement général de la population de 1999 (INSEE))

1  Droite et extrême-droite dominantes
 Droite dominante
3   Pas de dominante claire
4
 Gauche dominante.

Comme le montre la carte ci-dessus, il existe quatre types de votes dominants de la population agricole, selon les départements : des segments significatifs des mondes agricoles votent donc majoritairement à gauche… Mais pour pouvoir l’apercevoir, encore faut-il ne pas se contenter de sondages réalisés à partir d’échantillons comportant une poignée d’agriculteurs seulement !

Pas « d’effet Sarkozy » chez les agriculteurs, en 2007

Pour l’élection présidentielle de 2007, nos estimations montrent que si environ 63 % de la population agricole a voté en faveur de Nicolas Sarkozy au second tour, il n’y a pas eu « d’effet Sarkozy » dans les mondes agricoles : au premier tour, un gros tiers seulement de la population agricole a porté ses votes sur le candidat de l’UMP, contre près de 50 % en 1988 pour le candidat Chirac (pourtant concurrencé par Raymond Barre).

Au-delà du vote de droite, le cliché du « paysan facho », prompt à voter pour l’extrême droite, a la vie dure. Et pourtant, cela n’a rien d’évident. Les recherches menées en la matière tendent plutôt à montrer que les succès de l’extrême droite chez les agriculteurs sont conjoncturels, et  touchent surtout certaines catégories des mondes agricoles (plutôt des gros exploitants, dans des régions déchristianisées).

La fin d’un cycle ?

Au fond, on peut se demander si un cycle mis en place lors de la deuxième moitié des années 1960, lorsque de Gaulle parvient à rallier les masses paysannes à son panache, ne s’est pas achevé. Jacques Chirac incarna pleinement l’alliance entre les mondes agricoles, et en particulier le syndicalisme majoritaire (FNSEA-CNJA), et la droite gaulliste.

Nicolas Sarkozy ne l’a-t-elle pas remise en cause ? Certes, il était difficile, pour n’importe quel homme politique, de rivaliser avec Jacques Chirac dans l’art de brosser les vaches - et les agriculteurs avec - dans le sens du poil au Salon de l’Agriculture. Mais Nicolas Sarkozy est le premier président de la République à ne pas avoir mis en scène un ancrage rural fort. A l’inverse, l’ancien maire de Neuilly s’affiche comme un urbain jusqu’au bout des doigts, refusant de boire du vin et ne daignant honorer sa promesse de visiter une exploitation agricole, pourtant faite devant plusieurs millions de téléspectateurs[1]. Pour qui veut accéder aux sommets de l’État, paraître avoir de la terre sur les semelles ne serait-il plus nécessaire, quoi qu’en dise Christian Jacob ?

2012 : l’heure du Front national ?

Difficile de savoir comment voteront en 2012 des mondes agricoles fragilisés par les évolutions des marchés agricoles et de leur encadrement. Difficile aussi de savoir quelles seront les stratégies électorales des principaux candidats en leur direction : la France ayant une marge de manœuvre en matière de politique agricole quasi-égale à zéro, il est tentant d’oublier une frange de la population au déclin numérique extrêmement rapide. Au final, le plus probable est que Nicolas Sarkozy perde de nombreux soutiens dans les mondes agricoles. Reste à souhaiter que ce ne soit pas au profit exclusif du Front national…


[1] Lors de l’émission Paroles de Français, sur TF1, 25 janvier 2010.

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