2007-2017 : Nicolas Sarkozy, combien (lui reste-t-il) de divisions ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy.
©Reuters

Une question de soutien

Selon un sondage publié mercredi 4 juin par Harris Interactive pour la chaîne LCP, les électeurs de droite souhaitent le retour de Nicolas Sarkozy en politique. Toutefois, que cela concerne la présidence de l'UMP ou celle de la France, la donne a bien changé par rapport à 2007.

Marika Mathieu

Marika Mathieu

Marika Mathieu est journaliste indépendante, diplômée d'un master en journalisme international à la City University de Londres. Elle est l'auteur du livre La Droite Forte : Année Zéro - Enquête sur les courants d'une droite sans chef paru le 2 mai 2013 aux éditions de La Martinière.

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Carole  Barjon

Carole Barjon

Carole Barjon est rédactrice en chef adjointe à la rubrique politique, chargée de l’Elysée et de la droite au Nouvel Observateur.

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En 2004, Nicolas Sarkozy devenait président de l'UMP après la défection d'Alain Juppé, poursuivi pour prise illégale d'intérêts. S'il a su être fédérateur, il était également très clivant. Quels sont ses soutiens aujourd'hui relativement à ceux qu'il pouvait avoir à l'époque ?

Carole Barjon : Les soutiens de Nicolas Sarkozy sont aujourd'hui beaucoup moins larges qu'en 2004. Dans la campagne de 2007, François Fillon était candidat à Matignon, il se préparait à devenir le Premier Ministre de Sarkozy. Aujourd'hui, Fillon prépare ses ambitions pour 2017 et Nicolas Sarkozy ne peut donc plus compter sur lui. Tout comme il ne peut d'ailleurs plus compter sur Alain Juppé dont la cote monte auprès des sympathisants UMP, même s'il est toujours derrière Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy ne peut plus non plus compter sur le soutien de ses anciens ministres comme Xavier Bertrand, Bruno Lemaire, Valérie Pécresse, etc... Ils sont quasiment tous candidats à la primaire de 2016, ils "roulent" tous soit pour eux-mêmes, soit pour François Fillon ou Alain Juppé.

Il lui reste bien sûr sa garde rapproché comme Brice Hortefeux en premier lieu, Nadine Morano, Roger Karoutchi ou encore Christian Estrosi qui fut le premier à lancer un appel pour le retour de Sarkozy. Il compte également parmi ses soutiens les gens de la Droite forte mais ces derniers sont empêtrés, comme Guillaume Peltier dans des affaires. Henri Guaino semble moins fervent qu’auparavant. C'est maigre. Cela n'a rien à voir avec les soutiens qu'il a pu avoir avant 2007.

En revanche, Dominique de Villepin est un soutien qu'il n'avait pas en 2007 et qu'il aura pour 2017. Il y a François Baroin qui observe un silence assourdissant mais dont Nicolas Sarkozy dit beaucoup de bien et espère beaucoup. François Baroin peut être une bonne carte pour l'aider à diriger le parti. Par ailleurs depuis sa défaite, Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse que de rencontrer des jeunes élus, des parlementaires. Il mise sur des jeunes qui peuvent être des relais efficaces sur sa campagne. Je pense notamment à Christophe Béchu, le maire d'Anger.

Certes la voix de ses anciens ministres n'est pas forcément déterminante auprès des sympathisants, mais une famille rassemblée a toujours un effet d'image important. Quoiqu'il en soit, ce sont les militants de l'UMP qui décideront. Même s'il a perdu quelques points auprès des sympathisants, il reste malgré tout très apprécié de ces derniers

Marlka Mathieu : 2004 est le point de départ d’une conquête qui passe par la présidence de l’UMP, la refonte de l’appareil militant, le renouvellement idéologique, la mise sous clé des divergences entre lignes et personnes. L’UMP, à l’origine, n’est pas la tasse de thé de Nicolas Sarkozy, c’est celle d’Alain Juppé qui souhaite l’union de la droite et du centre-droit. Ce n’est pas son projet. Elle ne lui importe qu’en tant qu’instrument électoral et machine de sa propre ascension. Dès son élection à la tête de l’UMP, il affiche son ambition d’en doubler le nombre d’adhérents en moins d’un an pour atteindre les 200.000. Ils seront 300.000 fin 2006. 78% de ces nouveaux UMP déclarent avoir fait ce choix en raison de "la personnalité" et du "discours" de Nicolas Sarkozy (sondage Ifop de l’époque). Mus par le désir de le voir élire, ces nouveaux encartés ont rapidement intégrés les structures locales de direction. Il faut donc se rendre compte que les deux tiers de la base militante de l’UMP est avant tout sarkozyste.

Entre 2004 et 2007, Sarkozy active cette machine et prépare sa campagne en réalité avec peu d’intimes et sans recourir aux circuits traditionnels des "chapeaux à plumes". Cela fait partie de la "rupture". Il y a Emmanuelle Mignon pour les idées, Henri Guaino pour citer Jaurès, Patrick Buisson pour ausculter l’opinion, Brice Hortefeux et Eric Cesari pour partager ses secrets…

Nicolas Sarkozy fait plier l’état major de l’UMP sous le poids de sa dynamique gagnante. Il épate et emporte dans son sillage les plus réticents ou ambitieux, parmi lesquels Jean-François Copé. La plupart met du temps puis se range, pragmatique, sous la coupe de celui qui balaye la chiraquie tout en lui promettant des postes au gouvernement.

Le principe de l’ascension de Nicolas Sarkozy entre 2004 et 2007 est donc moins centré sur la conquête des "chapeaux à plumes" que sur celle de l’opinion publique. C’est toujours le cœur de sa dynamique.

Peut-il compter sur autant de poids lourds politiques qu'à l'époque ? Avec quelle "armée" Nicolas Sarkozy pourrait-il aujourd'hui reconquérir le parti ?

Carole Barjon :C'est une élection, ce sont les militants qui voteront. Et Sarkozy veut reprendre le parti, c'est tout à fait certain, Brice Hortefeux l'a confirmé aujourd'hui. L'ancien président l'avait du reste annoncé la semaine dernière aux sénateurs avec qui il avait déjeuné comme nous le racontons dans le numéro de demain du Nouvel Obs. S'il doit se passer des poids lourds il s'en passera, il devra avant tout s'adresser aux adhérants. Nicolas Sarkozy à l'avantage d'être connu au sein de son parti. Toute personne qui veut se présenter est obligée dans un premier temps de faire une campagne de notoriété, et ce ne sera pas le cas de Nicolas Sarkozy. Il fera campagne pour convaincre. Evidemment il pense qu'en face la réplique ne sera pas à la hauteur et qu'il pourra aisément en faire son affaire. Mais surtout, il n'oubliera pas de faire campagne auprès des militants.

Et son atout est que ses détracteurs ne sont pas unis. Dès qu'il bouge une oreille, le front anti-Sarkozy se reforme. Avant 2007, le Tout sauf Sarkozy, le TSS, était à gauche. Aujourd'hui, le TSS, on le constate, est aussi à droite. Mais le front anti-Sarkozy est un front éclaté. Ceux qui incarnent le TSS roulent pour eux-mêmes. Ses adversaires sont autant de petites écuries.

Marika Mathieu : Par référence à ce qui a fait sa force entre 2004 et 2007, Nicolas Sarkozy n’a jamais eu intérêt à se voir entouré de “poids lourds”. Il n’a jamais eu intérêt à ce que l’UMP soit un parti fort et construit en tant que tel, sauf du point de vue de sa force militante et de son ordre de bataille dans un but électoral. Pour Nicolas Sarkozy, l’UMP, c’est son cheval de bataille ou rien. D’où son intention affichée dès 2013 de la faire exploser pour mieux la remplacer par sa propre structure partisane en cas de retour. D’où son dégoût pour toute idée de primaires.

Il n’a jamais cherché à faire converger les différents pôles du parti autrement que sur sa personne. D’un point de vue des idées comme des egos, il a laissé et encouragé les uns et les autres à s’éparpiller en “courants”,  à entretenir chapelles et divisions de fond pour mieux les dominer. Ce mouvement est perceptible dès 2010 et le congrès de novembre 2012 en a fait la démonstration. 

La Droite forte, courant sarkolâtre et pro-Copé mené par Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, chapeauté par Brice Hortefeux et Patrick Buisson, est alors arrivé largement en tête. Il était destiné à faire office de piste d’atterrissage pour le retour du pas-vraiment-vaincu. Mais la proximité entre Guillaume Peltier (tout juste perquisitionné), et Patrick Buisson mais aussi avec Bastien Millot (cofondateur de Bygmalion) ne va pas faciliter l’usage des trompettes et des tambours. 

Quel est le poids de ces soutiens ? 

Marika Mathieu : Comme je le disais, les soutiens de Nicolas Sarkozy sont moins dans la direction actuelle du parti que dans sa base militante. Certains de ses hommes liges sont en train de griller comme des fusibles, Claude Guéant en premier lieu. Mais il en trouvera d’autres.

La stratégie de Nicolas Sarkozy reste éminemment celle de la division. Il travaille à recevoir régulièrement les uns et les autres, avec une oreille des plus attentives pour les "quadras" (même si quinquas) comme Le Maire, Baroin, Kosciusko-Morizet ou Wauquiez, mais comme par hasard ces derniers ne pensent qu’à s’étriper entre eux et à lutter contre toute mainmise filloniste et/ou jupéiste et/ou feu copéiste. C’est du beau travail.

Quel impact pourrait avoir l'affaire Bygmalion et les autres feuilletons politico-judiciaires dans le retour de Nicolas Sarkozy ?

Carole Barjon :Cette affaire le touche de très près puisqu'elle concerne son parti, et peut-être sa campagne. Elle le touche d'autant plus que les militants avaient été sollicités lors du Sarkothon. Si cette question m'avait été posée sur les autres affaires, comme l'affaire Bettencourt, le financement de sa campagne par Khadafi j'aurais répondu que cela n'aurait pas beaucoup d'effet.Toutes ces affaires n'empêchent généralement pas un candidat d'être élu. Rappelons-nous de Jacques Chirac en 2002: la gauche avait mené toute sa campagne sur le thème de "Super menteur" et "super voleur", et cela ne l'a malgré tout pas empêché d'être élu.

En revanche, cette affaire Bygmalion-UMP peut-elle empêcher son retour à l'Elysée ? S'il était condamné par la justice, cela semblerait compromis. Et s'il ne l'était pas, je pense qu'il conserve tout à fait ses chances. 

Marika Mathieu : Le pouvoir de Nicolas Sarkozy repose sur sa capacité à s’imposer comme recours providentiel de la droite. Il a déjà décrit son ambition de revenir par une stratégie supra-partisane appuyée sur une cote de popularité de 80% chez les sympathisants de droite. Il mise sur le bonapartisme, l’instinct grégaire autour du chef qui s’impose et dès lors, dispose. Sauf que le souffle de cette cote flambante semble vouloir retomber. Xavier Bertrand ose dire tout le mal qu’il pense de son retour. Effet de l’affaire Bygmalion ? Signe d’affaiblissement ? Peut-être.

Mais les soutiens de base de Nicolas Sarkozy n’ont jamais été friands de hauts cris face à l’idée qu’il puisse tremper dans des affaires. Nicolas Sarkozy n’est, cela dit, pas homme à tenter le diable et préfère attaquer d’emblée sur un nouveau front, celui de la présidence de l’UMP, plutôt que de laisser s’insinuer le doute qu’il puisse être condamnable. Il est au-dessus de ça, veut-il nous faire croire.

L’affaire Bygmalion et les autres instructions en cours ne semblent au final avoir pour effet que d’accélérer son calendrier même si septembre 2014 semblait déjà prévu comme le bon moment de sortir les couteaux. L’UMP sera sans doute hachée menue pour mieux ressortir sous un nouveau nom d’ici 2015. On verra si le temps de la justice rattrape celui des ambitions présidentielles.

Comment pourrait-il aujourd'hui ménager les différents courants du parti ?

Carole Barjon :C'est une vraie question dont je n'ai pas la réponse. C'est précisémment le défi qu'aura à relever Nicolas Sarkozy dans la perspective de son retour.

Marika Mathieu : Là encore, rappelons-nous que l’idée de faire ressurgir les "courants" de l’UMP vient de Nicolas Sarkozy lui-même dans le courant (déjà !) de l’année 2010 et du virage sécuritaire de sa présidence. "Droite populaire" de Mariani, puis "droite sociale" de Wauquiez, puis "droite humaniste" de Raffarin… Je crois que l’on peut voir en Nicolas Sarkozy penché sur l’UMP la figure du pompier pyromane, celui qui fait bouillir la marmite tout en gardant le couvercle derrière son dos. La question est de savoir si l’explosion de la marmite fera de son couvercle un bouclier. Ce n’est pas évident mais c’est peut-être le type de magie que ses supporters attendent de lui. 

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