1er tour de la présidentielle : qui vote par conviction, qui vote par stratégie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Qui vote par conviction ? Et qui vote par stratégie ?
Qui vote par conviction ? Et qui vote par stratégie ?
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Recherche vote utile désespérément

A quelques heures du premier tour de la présidentielle, l’écart se resserre entre les principaux candidats. Dans le cadre d'un récent sondage OpinionWay-Kéa Partners pour Les Echos et Radio Classique, les personnes interrogées se sont confiées sur leur vote de conviction ou sur leurs choix stratégiques dès le premier tour via le vote utile.

Frédéric Micheau

Frédéric Micheau

Directeur général adjoint d'OpinionWay et enseignant à Sciences Po, Frédéric Micheau est spécialiste des études d'opinion. Il est l'auteur, au Cerf, de La Prophétie électorale.

 

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Atlantico : Dans votre sondage OpinionWay-Kéa Partners pour Les Echos et Radio Classique pour la semaine du 28 mars au 1er avril, vous interrogez votre panel sur le choix de leur vote. Est-ce un vote par conviction ou par stratégie ? Quelles sont les réponses que vous avez recueillies sur cet item en particulier ?

Frédéric Micheau : Le vote de conviction, c’est-à-dire choisir son candidat préféré quelles que soient ses chances de l’emporter, reste la norme. Trois quarts des électeurs qui sont inscrits sur les intentions de vote et qui ont déjà une intention de vote nous disent qu’ils vont bien voter par conviction.

Le vote utile concerne un quart des électeurs. Ce comportement est donc relativement répandu. Le profil de ces électeurs a pu être établi. Il s’agit de personnes entre 50 et 64 ans, qui habitent plutôt en région parisienne. Ces deux éléments pourraient laisser penser que ces citoyens sont davantage politisés,  dans la lignée des analyses sur l’électeur stratège des années 1980-90. Mais un élément de profil vient contredire ce constat. Les employés sont davantage adeptes du vote utile (27%) que d’autres catégories de la population.

De vrais différences apparaissent selon les électorats. Les électeurs d’Eric Zemmour sont davantage adeptes du vote de conviction. 89% de ceux qui ont l’intention de voter pour lui disent qu’ils vont le faire, quelles que soient ses chances de victoire. Cela correspond donc à un vrai vote d’adhésion idéologique.

Trois électorats sont aussi dans la moyenne : ceux de Yannick Jadot (76%), Emmanuel Macron (76%) et Marine Le Pen (75%). Deux autres électorats choisissent davantage le vote utile. Il s’agit des électeurs de Jean-Luc Mélenchon (30%), qui parvient à mobiliser de nombreux citoyens en cette fin de campagne, d’une part et des électeurs de Valérie Pécresse (29%) d’autre part..

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Comment est-ce que l’on peut expliquer le fait que pour Valérie Pécresse et Jean-Luc Mélenchon il y ait plus de vote utile que dans la moyenne ?

Pour Jean-Luc Mélenchon, cela est lié à la volonté d’assurer la présence d’une figure de la gauche au deuxième tour de l’élection présidentielle, ce qui n’a pas été le cas depuis dix ans. Dans les intentions de vote, Jean-Luc Mélenchon est clairement le candidat qui dispose des meilleures chances à gauche. Il est crédité de 15 à 17% des intentions de vote. Le score du deuxième candidat de gauche, Yannick Jadot, oscille entre 5 et 6%. Cette position de favori de la gauche crée du vote utile. Le candidat de l’Union populaire lui-même l’utilise beaucoup dans ses meetings depuis une dizaine de jours en appelant à faire barrage dès le premier tour, une façon détournée d’appeler à voter utile en choisissant le bulletin de vote qui porte son nom.

Pour Valérie Pécresse, cela est plus difficile à distinguer. Ces électeurs sont un peu moins convaincus par le positionnement de leur candidate mais par fidélité envers leur famille politique, la famille gaulliste, ils voteront pour Valérie Pécresse. Cela correspond à un choix de raison et d’attachement à une formation politique plus qu’à un choix de conviction profonde.

Est-il possible que dans certains cas, minoritaires, le vote soit, au-delà d’un vote utile à proprement parler, un vote stratège dans une perspective de questions que l’on retrouve régulièrement sur la recomposition de la vie politique ? Est-ce que cela rentre en compte ?

Le vote utile est une déclinaison du vote stratégique. Cela consiste à tenir compte des informations à disposition des électeurs sur l’état du rapport de force électoral, en particulier des intentions de vote produites par les instituts de sondage, pour adapter son vote et en maximiser l’utilité.

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Pour cela, les données des intentions de vote doivent être justes. Cela implique aussi que les citoyens sachent bien lire les chiffres des sondages. Ces deux éléments sont les causes de l’erreur du 21 avril 2002. Aucun sondage n’avait annoncé la possible qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour d’une part. Des interprétations hasardeuses des sondages ont été effectuées d’autre part. Une grande partie des électeurs de gauche considérait que Lionel Jospin serait quoi qu’il arrive présent au second tour et que, par conséquent, il était possible de s’autoriser à voter pour d’autres candidats afin d’envoyer un message au Parti socialiste.

A l’époque, personne n’avait réellement insisté sur la marge d’erreur. Si cela avait été le cas, certains électeurs auraient pu percevoir le risque pour Lionel Jospin de ne pas être qualifié pour le second tour.             

Par rapport aux élections passées, à quel point le vote utile est-il fort ou faible ?

Le vote utile a été particulièrement actif à certaines périodes. En 2007, Ségolène Royal était talonnée dans la campagne par François Bayrou. La candidate socialiste a brandi l’argument du vote utile en demandant aux électeurs d’éviter « un 21 avril bis ». Cela lui avait permis de reprendre l’ascendant et d’assurer sa qualification pour le second tour. Le souvenir du traumatisme du 21 avril était encore extrêmement présent à gauche. François Hollande a fait la même chose en 2012 en ne cessant d’alerter ses électeurs et en les appelant à la vigilance et à la  mobilisation.

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La plupart des candidats ont recours à cette démarche. C’est ce qu’a fait Emmanuel Macron samedi à La Défense. Chaque candidat cherche à se présenter comme le vote utile. Eric Zemmour s’est notamment présenté comme « le vote vital pour la France ».

25% de la population indique faire le choix du vote utile. Le profil des personnes qui vont voter utile va-t-il dépendre de la configuration de l’élection ?

Cela dépend toujours de la configuration de l’élection, de l’offre électorale. En votant utile, le citoyen reste dans la même aire géographique sur l’axe gauche-droite. La porosité se fait entre deux candidats qui sont proches. L’une des hypothèses que nous faisons pour expliquer la montée de Marine Le Pen, qui s’installe très largement au-delà de la barre des 20% depuis quelques jours, est qu’elle profite d’un vote utile en provenance des électeurs d’Eric Zemmour.

Les éléments clés sont donc la porosité des électorats, la structuration de l’offre électorale et le niveau de chacun des candidats. Certains citoyens peuvent être tentés par un vote de témoignage afin de continuer à faire exister un positionnement politique qui leur tient à cœur. Cela peut générer un vote de conviction.

Si les électeurs sentent qu’il y a un candidat dans leur camp qui est en mesure d’être en tête, d’être qualifié pour le second tour, ou de creuser un écart avec un autre candidat, cela peut contribuer à fabriquer du vote utile parmi des électeurs qui rationnalisent leur vote et cherchent à sécuriser une configuration politique qui les intéresse le plus.

Peut-il y avoir des électeurs qui votent en réfléchissant aux rapports de force pour les législatives ? Les citoyens peuvent-ils être dans cette dynamique-là et à penser au coup d’après ou est-ce uniquement sur l’élection présidentielle en elle-même ?

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Certains électeurs politisés peuvent effectivement penser aux élections législatives, notamment pour assurer la survie d’une famille politique. 

Les élections législatives mobilisent beaucoup moins les électeurs. Les taux de participation sont beaucoup plus faibles et sont corrélés aux résultats du scrutin présidentiel.

Avez-vous constaté une évolution du vote utile dans cette campagne ?

Le vote utile intervient traditionnellement plutôt en fin de campagne, au moment où de plus en plus d’électeurs s’intéressent à l’élection. Les positions sont en train de se cristalliser. Ce comportement apparaît dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle.

Dans la dernière semaine de l’élection, il y a encore un certain nombre d’indécis. Ces électeurs peuvent-ils grossir les rangs du vote utile ?

Il y a deux types d’électeurs indécis. Certains indécis hésitent entre l’abstention et la participation. Il peut y avoir du vote utile pour des abstentionnistes, qui prennent conscience qu’en allant voter ils ont la possibilité d’exprimer quelque chose. Il y a aussi des indécis qui hésitent entre plusieurs candidats. Les électeurs sont alors tentés d’aller vers le candidat qui a le plus de chances de l’emporter au regard des intentions de vote.

La bonne lecture et l’interprétation des intentions de vote par les citoyens est vraiment au cœur du vote stratégique.

Est-ce que le vote utile a déjà changé la donne d’une élection ?    

Le vote utile a en tout cas changé la donne de la campagne électorale. Le vote utile est un argument qui est de plus en plus utilisé par les candidats. Cela a changé les campagne électorale et leur déroulement.

Frédéric Micheau a publié "Le sacre de l'opinion" aux éditions du Cerf

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Interview réalisée le 4 avril

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