16 nouveaux cardinaux électeurs : ce que les nominations de François signifient pour l'Eglise<!-- --> | Atlantico.fr
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Le pape François vient de nommer 16 nouveaux cardinaux électeurs.
Le pape François vient de nommer 16 nouveaux cardinaux électeurs.
©Reuters

Nouvelle donne

Le pape a annoncé dimanche la création, lors d'un consistoire le 22 février prochain, de 16 cardinaux électeurs. Neuf d'entre eux viennent des pays du Sud et cinq d'Amérique latine.

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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Atlantico : Le pape François vient de nommer 16 nouveaux cardinaux électeurs, en majorité sud-américains, asiatiques et africains. Quel message le pape envoie-t-il avec ces nominations ? Que penser de la place réduite qui est accordée à l’Europe ?

Nicolas Diat :Le pape François délivre un message qui était déjà celui de Benoit XVI lors de son dernier consistoire, quatre mois avant son départ ; en novembre 2012, il avait créé « par surprise » six nouveaux cardinaux, sans un seul européen. Dans l’esprit de François, l’Europe ne peut prétendre à plus que le véritable poids devenu aujourd’hui le sien dans l’Église universelle. Il n’y a pas de mystère : les vocations religieuses ou sacerdotales se trouvent essentiellement en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie - dans ce dernier cas, nous pouvons citer la Corée ou bien sûr les Philippines, pays d’une grande ferveur. Ainsi sur les 16 nouveaux cardinaux, il y a cinq sud-Américains, deux Africains francophones, deux Asiatiques, un Canadien et six Européens dont quatre archevêques de curie (trois Italiens et un Allemand). Outre quatre prélats européens curiaux, il faut comprendre qu’il n’y a que deux Européens issus de diocèses résidentiels, un Italien - archevêque de Pérouse - et un Anglais - de Westminster. A l’évidence, François renvoie l’Europe au strict principe de réalité ! Nous constatons cependant que le pape ne parvient pas à rééquilibrer le problème du « surpoids » des Italiens - quatre prélats de la péninsule sur 16 nouveaux cardinaux - qui avait fait l’objet de vives critiques parmi les cardinaux lors du dernier conclave. Rappelons que Jorge Mario Bergoglio est lui-même d’origine italienne, plus exactement du piémont, et plus encore, il n’est pas si facile d’inverser la tendance... Notons enfin que la France n’a pas de nouveaux "élus" - comme en février et novembre 2012. D’une part, Mgr Pontier, de Marseille, a été nommé à la tête de la conférence épiscopale française il y a trop de peu de temps, et le pape ne le connait pas ; d’autre part, un Français en lice, Mgr Jean-Louis Bruguès, à la tête des archives du Vatican, est un dominicain qui n’a pas du tout les faveurs du pape jésuite François.

Parmi les choix du pape, plusieurs ont surpris notamment la « non-nomination » de l’archevêque de Venise, rompant ainsi avec la tradition. Comment interpréter cela ?

François a voulu créer des cardinaux « de mérite », c’est-à-dire des pasteurs, des hommes de terrain, plutôt que des prélats occupant des sièges dits cardinalices, c’est-à-dire destinant quasi automatiquement à la pourpre, comme Venise, Turin  ou Bruxelles, les grand orphelins de ce consistoire. Venise a donné des papes importants à l’Église, pour ne citer que Jean XXIII et Pie X. Mais le pape François considère que ce n’est pas à l’histoire de choisir les cardinaux ! Il sera donc intéressant de voir si cette même histoire cherchera à se venger... L’archevêque de Bruxelles, connu pour sa virulence sur les combats de société, n’a pas non plus été choisi. Cette décision n’est pas indistincte.

Que dit cet arbitrage de la vision que le pape François possède sur la façon dont l’Église doit se battre sur ces terrains ?

Tout d’abord, il n’est pas neutre de rappeler que l’archevêque de Bruxelles a un grand rôle institutionnel dans la vie du royaume belge. Pourtant, dans ce cas, le choix du pape se double d’une vision différente sur la manière d’aborder les questions sociétales. Mgr Léonard mène une guerre quasi frontale sur les questions morales et éthiques, dans un pays où la classe politique, et plusieurs courants philosophiques, ont choisi d’aller très loin, comme sur l’ouverture du droit à l’euthanasie pour les mineurs. Or, tout en partageant les mêmes convictions, il est clair que la méthode sans fard de Mgr Léonard n’est pas celle privilégiée par le pape François.

Que changent ces nominations dans l’équilibre du collège des cardinaux, notamment la variable progressistes/conservateurs ?

Cette question occupe toujours l’esprit de nombreux observateurs du Vatican : François est-il progressiste ou au contraire, conservateur, sans le montrer ? La réponse est difficile car de nombreux éléments entrent en compte. Pour autant, en 2014, de nombreux cardinaux vont quitter le collège car ils atteindront la limite des 80 ans après laquelle il n’est plus possible de voter. Or, parmi eux, se trouve le cardinal Re, grand chef de file du camp progressiste au cours des deux derniers conclaves. Il était opposé à Ratzinger en 2005 et soutenait un autre candidat que Bergoglio en 2013, le Brésilien Scherer. Ainsi, le départ de Re va considérablement affaiblir les progressistes bien que l’entrée de Vincent Nichols de Westminster soit un signe important. A l’issu de ce consistoire, on peut dire que les équilibres apparents resteront peu ou prou identiques, c’est-à-dire une forme de domination des cardinaux crées par Jean-Paul II et plus encore par Benoît XVI. Mais la réforme de François est bien plus profonde qu’une simple arithmétique... Ainsi, le symbole le plus éloquent de ce consistoire reste l’élévation du secrétaire particulier de Jean XXIII, Mgr Loris Capovilla, âgé de 98 ans. Jean XXIII est le pape préféré de François, qu’il place sans conteste devant Jean-Paul II.    

Le président Hollande rendra très prochainement visite au pape François. Le mariage entre personnes du même sexe, la réouverture du débat sur l’euthanasie ou encore le mode de vie amoureux de François Hollande, avec tout ce qu’il compte de suppositions à confirmer, peuvent-ils parasiter cette rencontre ? 

Il est certain que les histoires conjugales du faubourg élyséen n’ont pas échappé à l’attention du Saint-Siège. Pour autant, il n’a absolument jamais été prévu que madame Trierweiler participe au voyage du 24 janvier prochain. Paradoxalement, je crois que la visite du président devrait très bien se passer. Depuis de longs mois, la France et le Vatican avaient établi des contacts pour mettre en place une visite que le pape François attend réellement avec intérêt.

Sur la question de l’euthanasie, ce dernier a des positions fermes considérant que les personnes âgées sont les plus mal considérées des sociétés modernes ; François dit souvent qu’une société ne règle aucun problème en envoyant les gens à la mort facile. Toutefois, si les questions sociétales sont abordées, ce sera vraisemblablement dans le cadre de discussions privées. Je ne crois pas que le pape se saisira du voyage pour relancer un débat. Au contraire, il essaiera vraisemblablement de créer une bonne relation avec François Hollande. Il faut donc prévoir une visite constructive et apaisée.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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