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Des talibans tentent de disperser des manifestantes afghanes à Kaboul le 13 août 2022. Le 15 août sera le triste anniversaire du retour du régime des talibans en Afghanistan.
Des talibans tentent de disperser des manifestantes afghanes à Kaboul le 13 août 2022. Le 15 août sera le triste anniversaire du retour du régime des talibans en Afghanistan.
©Wakil KOHSAR / AFP

Afghanistan

Le 15 août prochain, l’Afghanistan verra le triste anniversaire de son retour vers l’enfer du régime des talibans.

Françoise Hostalier

Françoise Hostalier

Françoise Hostalier est ancienne ministre, Président du Club France-Afghanistan (CFA).

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Aucun pays de l’ère moderne et malgré la dureté de certains régimes politiques, n’aura connu une telle situation de déni des droits humains, de privation de liberté collective, de recul économique et de bannissement de la moitié de sa société, c’est à dire toutes les femmes.

Toutes les révolutions, tous les changements radicaux de régimes s’opèrent souvent dans le sang ; mais ce ne fut pas le cas en Afghanistan en août 2021, où la population épuisée et désarmée n’a même pas tenté de résister. Si, pour les zones rurales les talibans étaient déjà bien présents, ce n’était pas le cas dans les villes et la population a tout de suite compris ce qu’il allait advenir. Il fallait être bien naïf ou très hypocrite pour penser que ces talibans « nouvelle génération », vingt-cinq ans après ceux de 1996 à 2001, seraient ouverts aux principes humanistes, à la démocratie et au respect des droits des femmes.

Non seulement leur doctrine est inchangée mais ces néophytes sont plus perfides que leurs aînés. Ils connaissent les codes des société démocratiques et ils en jouent ; ils savent utiliser les moyens modernes de communication, s’infiltrent dans tous les réseaux sociaux des jeunes Afghans avides de modernité et de liberté et connaissent le pouvoir des « fake news ».

Tout comme leurs aînés, ils ont pour cibles principales les femmes. Il nous est difficile d’intégrer cette haine viscérale qu’ils ont d’elles, des filles et de tout ce qui est féminin. La femme est en même temps leur principale ennemie et leur obsession. La femme leur fait peur ; il faut donc la soustraire à leur société idéale uniquement masculine et régentée par leur interprétation partiale du coran.

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Ainsi, et pour la seconde fois en moins de trente ans, la moitié de la population de l’Afghanistan est vouée aux ténèbres et à l’inexistence. S’il est difficile, faute de témoignages, de pouvoir connaitre exactement les arrestations, emprisonnements, sévices et tortures infligés aux femmes qui ont tenté de résister à cette confiscation de leurs droits élémentaires, il est de fait que la terreur s’est abattue sur elles.

Dans aucun pays du monde les femmes, globalement,subissent un tel traitement.

Elles sont, malheureusement, souvent l’enjeu des conflits et les victimes des barbaries. Les exemples sont nombreux des atrocités qu’elles subissent en RDC (zone du Kivu), en Centrafrique (zone de Sibut), au Nigeria, en Amérique latine, etc. Mais cela est l’œuvre de bandes armées locales ou de mafias, pas de pouvoir étatiques ; en Afghanistan, c’est l’œuvre du pouvoir et la barbarie a rang de loi. Certains régimes, notamment les régimes islamistes, réduisent les droits des femmes en comparaison avec ceux des pays démocratiques, mais jamais au point de les priver d’éducation, de soins et d’activité économique comme c’est le cas désormais pour les femmes afghanes.

En un an de pouvoir, les talibans ont montré leur incapacité dans tous les domaines de gouvernance. Certes, la sécurité semble assurée ; mais c’était eux les poseurs de bombes ! Petit à petit, ils laissent les ONG revenir afin de pallier leur incurie en venant en aide auxpopulations les plus démunies. Cependant, attention aux messages qu’ils envoient ainsi vers les Afghans ; il ne faudrait pas que cela soit perçu comme une forme de reconnaissance à leur égard.

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L’intervention de la CIA, le 31 juillet dernier, qui a abattu à Kaboul le numéro 1 d’Al Qaïda, Ayman al Zawahiri, montre à la fois que les talibans n’ont pas rompu avec ce réseau terroriste mais aussi que les Etats-Unis gardent une capacité d’agir sur ce théâtre.

Il faut donc l’admettre, tout le monde est dans une impasse : personne ne peut faire de concession sans se renier que ce soit du côté des talibans, des structures internationales ou des pays occidentaux.

Il me semble que la solution ne pourra venir que du peuple lui-même mais à condition que des leaders émergents puissent convaincre les Afghans de cesser d’entretenir leurs clivages et rivalités ethniques, en grande partie à l’origine de la situation actuelle.

Pour nous Français laïques et humanistes, ces guerres claniques sont incompréhensibles et ce qui nous est le plus surprenant est de voir que les jeunes générations éduquées n’arrivent pas à dépasser ces barrières. Il est alors difficile de les aider sans avoir l’impression de prendre parti et c’est bien ce qui avait posé un cas de conscience aux occidentaux, notamment les Français, dans les années de 1996-2000 qui se sont retrouvés, par défaut, dans le camp tadjik et le soutien au commandant Massoud.

Les pays occidentaux ont commis beaucoup d’erreurs ces vingt dernières années en voulant soutenir, voir imposer, un modèle de société totalement incompatible avec l’histoire, la tradition et l’état du pays qui, après déjà deux décennies de guerre civile, avait perdu tous ses repères.

Il faut maintenant patience et fermeté de la part de la communauté internationale pour sortir le pays du trou noir dans lequel les talibans l’ont fait tomber.

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Les points d’appui sont toutes les femmes qui refusent la prison à vie et qui résistent par mille gestes au quotidien. Il faut les entendre, les écouter, les comprendre, relayer leurs messages, encourager leurs espoirs ; avec modestie et détermination.

Les hommes aussi, comme lors de la période talibane précédente, souffrent de cette situation qui leur fait perdre leur dignité, leur capacité à protéger leur famille et à la faire vivre.

La diaspora enfin devrait pouvoir jouer un rôle essentiel pour maintenir la flamme de la reconquête de la liberté et du développement économique. Elle doit s’impliquer davantage pour faire entendre la voix du peuple qui est bâillonné ou en tous cas pour relayer auprès des lanceurs d’alerte que sont les associations les éléments utiles pour mobiliser les opinions publiques.

Même si les talibans ont prouvé leur mépris total de toutes les règles et principes internationaux, à l’évidence ils souhaitent la reconnaissance de leur régime. Ce seront donc les opinions publiques qui, en connaissance de cause, pourront influer sur les gouvernement pour empêcher cela et peut-être les faire plier ?

Il faut rappeler clairement que le sort infligé aux femmes afghanes constitue un crime contre l’humanité. Effacer du domaine public l’ensemble des éléments féminin d’une société, le priver d’existence publique, d’éducation et d’avenir est contraire à tous les textes internationaux et à toutes les valeurs humaines. C’est un premier point sur lequel il ne faut pas céder et toutes les femmes doivent être solidaires des femmes afghanes pour dénoncer le sort qui leur est fait.

En ce 15 août, commémorons la mise à mort des espoirs d’un peuple, la confiscation de l’avenir des petites filles, le retour en enfer d’un pays pourtant si beau mais aussi manifestons lui notre solidarité…

Françoise HOSTALIER, Présidente du Club France-Afghanistan

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