"La réponse militaire au terrorisme est un véritable désastre"<!-- --> | Atlantico.fr
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La réponse militaire au terrorisme, si elle a permis de remporter des succès tactiques certains, aura par la suite, sur un plan stratégique, constitué un véritable désastre laissant certains pays dans une situation sécuritaire instable.
La réponse militaire au terrorisme, si elle a permis de remporter des succès tactiques certains, aura par la suite, sur un plan stratégique, constitué un véritable désastre laissant certains pays dans une situation sécuritaire instable.
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Post 11 septembre

Dernier retour sur le 11 septembre 2001 à l'occasion de son 10ème anniversaire. Ou comment le terrorisme peine à être éradiqué.

Nicolas Arpagian

Nicolas Arpagian

Nicolas Arpagian est VP Stratégie et Affaires publiques d’Orange Cyberdefense (Groupe Orange). Et enseignant à l’Ecole Nationale Supérieure de la Police (ENSP).

Nicolas est administrateur de la plateforme Cybermalveillance.gouv.fr et membre du Conseil d’orientation de l’Institut Diderot. 

Il est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages, parmi lesquels « La Cybersécurité » aux Presses Universitaires de France (PUF), « L’Etat, la Peur et le Citoyen » (Vuibert) ou « Liberté, Egalité… Sécurité » (Dalloz).

Twitter : @cyberguerre

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L’Histoire est malicieuse et se joue de nos esprits ordonnés qui voudraient que les siècles durent cent ans. A l’instar du conflit mondial de 1914-1918 qui marque le véritable commencement du XXème siècle. On pourra s’interroger pour savoir si le XXIème a débuté en novembre 1989 avec la chute du Mur de Berlin ou le 11 septembre 2001 avec les attentats qui ont frappé les Etats-Unis.

Anniversaire décennal oblige, on se doit d’analyser l’impact de cet évènement qui est devenu un symbole tel que l’on peut se permettre de le citer en escamotant son millésime. Le 11 septembre est devenu une composante essentielle de notre Histoire collective. Avec une force politique décuplée par l’existence d’enregistrements vidéos et sonores qui permettent de nous le représenter à l’envi. Au point d’appartenir désormais, à l’échelle mondiale, au patrimoine commun de nos esprits globalisés.

A l’issue de ces évènements tragiques, on se souvient de l’ambition affichée par le président George W.Bush : il convenait de « faire la guerre au terrorisme ». Une formule parfaite pour marquer les esprits et susciter a priori l’adhésion de la population. En lui indiquant, comme pour la rassurer dans la capacité de riposte et de sanction par les gouvernements démocratiques, que l’on se mettait en position de répondre par l’expertise et la puissance militaires à ces actions terroristes visant des civils.  

Vers un nouveau terrorisme imprévisible

A ce propos, il faut lire le dernier ouvrage du préfet Christian Choquet, Terrorisme : la démocratie en danger ? Du 11 septembre à la mort de Ben Laden[1], qui démonte sans tabou l’idée selon laquelle le terrorisme relèverait de la guerre au sens classique du terme. Les certitudes d’antan  (identité de l’ennemi, forme de la confrontation…) qui constituaient le socle des conflits se heurtent en matière de terrorisme à l’impossible définition d’un phénomène protéiforme, à un ennemi difficilement lisible, imprévisible, aux idéologies et buts variés capable de semer la terreur et la mort en tous points du globe.

Christian Choquet, actuellement préfet délégué pour la défense et la sécurité dans le Nord-Pas-de-Calais,  nous permet de mieux appréhender cette nouvelle scène internationale de la violence tout en décryptant les raisons d’un bilan somme toute décevant dans la lutte contre le terrorisme. Puisque dans cette lutte, il ne s’agit pas de viser une organisation clairement établi – comme une armée régulière dans le cas d’une guerre- mais bien des groupuscules disparates, géographiquement éparpillés et au fonctionnement largement décentralisé.

La décennie écoulée depuis ce 11 septembre tragique marque un changement dans la politique étrangère des Etats-Unis et un véritable retournement de situation dans la stratégie de sécurité nationale qui se focalise désormais sur les Etats « voyous » et les armes de destruction massives aux mains des terroristes. Les interventions militaires en Irak et en Afghanistan, témoignent de cette nouvelle donne mais posent parfois, par les moyens utilisés, des interrogations sur la prise en compte de l’avenir des peuples, la stabilité de région entière voire le respect des libertés individuelles.

La politique étrangère de Barack Obama : un espoir déçu

Les espoirs suscités par l’arrivée à la Maison Blanche de Barack Obama n'a, à cet égard, pas répondu aux attentes de la communauté internationale et de l'opinion publique étatsunienne.

La réponse militaire au terrorisme, si elle a permis de remporter des succès tactiques certains, aura par la suite, sur un plan stratégique, constitué un véritable désastre laissant certains pays dans une situation sécuritaire instable. De plus, en dépit des forces engagées sur le terrain, des technologies de pointe utilisées, les menaces d’attentats restent une épée de Damoclès au dessus des pays occidentaux qui ne sont pas prêtes de s’éteindre. Pire encore, ce sont les zones où se situent les principales interventions militaires qui deviennent aujourd’hui les cibles privilégiées d’attentats. Semant le chaos dans des Etats en pleine tentative de construction. L’inadaptation du modèle guerrier à la lutte anti-terroriste est prégnante. Le terrorisme n’est pas la guerre et la lutte contre le terrorisme ne peut recourir aux armes de la guerre que de façon contingente.

Il n’y a pas de fin au terrorisme. Les victoires ponctuelles obtenues par la mort de leaders ou l’effondrement de régimes, ne signifient nullement que la guerre contre le terrorisme est achevée. Ainsi des déclarations prudentes et sages viennent rapidement et systématiquement en écho aux réactions parfois euphoriques des populations, fêtant chacun de ces évènements.

Reste peut-être une lueur d’espoir. La révolte des pays arabes au printemps dernier permettra–t-elle, par ce souffle puissant de liberté et de démocratie, la mise en place de régimes aptes à s’opposer fermement aux extrémistes en tous genres ? Comme le démontre Christian Choquet, la guerre contre le terrorisme ne peut être qu’une métaphore.



[1] Publié en septembre 2011 aux Editions Vuibert, collection « L’Egide ».

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