100 millions contre le racisme : petit portrait de la France à travers les budgets qu’elle alloue à différentes causes<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre Manuel Valls a présenté vendredi 17 avril un plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Le Premier ministre Manuel Valls a présenté vendredi 17 avril un plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
©Reuters

Politique de l'émotion

Le Premier ministre Manuel Valls a présenté vendredi 17 avril un plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, doté d'une enveloppe de 100 millions d'euros sur trois ans. Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement choisit de communiquer sur une action très ciblée, dont les effets risquent d'être limités.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Le Premier Ministre a annoncé que l’Etat consacrerait 100 millions d’euros sur trois ans pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Ces 100 millions d'euros doivent financer une « grande campagne de communication » et des actions au niveau local selon Gilles Clavreul, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Est-ce beaucoup ou une goutte d’eau, de la gesticulation médiatique ? Est-ce la responsabilité de l’Etat, des collectivités locales, des églises ? Faut-il ouvrir une ligne budgétaire pour financer des actions qui devraient relever de l’éducation nationale ? Au regard des problèmes que rencontrent les banlieues, les jeunes dont le taux de chômage est de 24 %, au regard du nombre d’actes racistes enregistrés ces dernières années tant à l’encontre des communautés musulmanes que juifs, 100 millions d’euros risquent de ne pas peser lourd. Il est loin le temps de la campagne présidentielle durant laquelle le candidat François Hollande promettait un plan Marshall pour les banlieues et les jeunes. Ces derniers doivent se satisfaire des emplois d’avenir qui portent mal leur nom car ils ne garantissent ni l’emploi, ni l’avenir. Ce n’est pas avec 100 millions d’euros que les collèges et les lycées de banlieues disposeront d’un plus grand nombre de professeurs de qualité, ce n’est pas avec 100 millions d’euros que les zones de non-droit qui sont bien souvent des zones de diffusion du racisme du quotidien disparaîtront. 100 millions d’euros, c’est un cautère sur une jambe de bois.

Les Gouvernements quels qu’ils soient, faute de moyens et de volonté, recourent, avec délectation, à la politique de l’incantation. Chaque année, une grande cause nationale est sélectionnée et fait l‘objet d’une médiatisation. En 2007, c’était la maladie d'Alzheimer…., en 2013, l'illettrisme, en 2014,l'engagement associatif et en 2015, la lutte contre le dérèglement climatique… Ces causes nationales se traduisent par de belles campagnes de communication et de temps en temps par une mobilisation accrue des énergies. Il faudrait évaluer le retour d’investissement de ces actions. A ces causes nationales, durant l’année, tout gouvernement qui se respecte engage une série de plans ciblés qui bien souvent sont des marronniers de la vie publique : tabac, alcoolisme, accidents de voiture, maltraitance, égalité homme/femme… Tous ces sujets pris individuellement sont évidemment importants et méritent toute l’attention des pouvoirs publics. Mais, à force de multiplier les actions de communication, nous finissons par ne plus différencier le prioritaire de l’accessoire. A force de segmenter la population, les victimes, les coupables, les fumeurs, les alcooliques anonymes ou pas, les antisémites, les antimusulmans, les automobilistes, il n’est pas étonnant qu’il faille engager des actions en faveur de l’unité nationale. Aujourd’hui, les pouvoirs publics communiquent pour dire ce qu’ils vont faire et non pour dire ce qu’ils ont fait… L’effet d’annonce prime sur le savoir-faire. Ces plans annoncés dans le feu de l’actualité atteignent-ils leurs cibles. Les annonces sur la dégénérescence maculaire, sur les malades d’Alzheimer, sur la lutte contre l’alcool des jeunes ou sur les soins palliatifs ont-ils donné des résultats tangibles…

Sur la dépendance, la Cour des Comptes dans son rapport de 2015 est sans complaisance. « Des trois priorités de santé publique déclarées en 2008, la politique de développement des soins palliatifs apparaît comme celle qui a le moins réussi à modifier les perspectives, c’est-à-dire à remédier globalement aux grands retards et aux graves inégalités d’accès constatés depuis longtemps en ce domaine et à rééquilibrer l’offre de soins dans le sens des attentes constantes des patients et de leurs familles : par priorité au domicile ».

La lutte contre le dopage fait également partie des actions à fort contenu médiatique et aux résultats incertains. Ainsi, toujours la Cour des Comptes s’interroge de l’efficience de l’Agence Française de Lutte Contre le Dopage qui a bénéficié de 7 millions d’euros de subvention en 2013.

Le tabagisme, avec ses 73 000 morts par an, est évidemment un sujet récurrent de l’action publique. Or, après quarante ans de politiques résolument anti-tabacs, la Cour des Comptes a établi un bilan plus que sévère.

Selon les auteurs d’un rapport en 2012, l’opinion continue de méconnaître les dangers de la dépendance tabagique. Comme quoi la communication ne fait pas tout… Ils soulignent que la loi et les règles d’interdiction ne sont pas appliquées. L’Etat décide mais l’intendance ne suit pas. L’interdiction pour les moins de 18 ans de fumer que sur les lieux publics n’est sans nul doute pas la priorité des forces de l’ordre. La Cour des Comptes mentionne que le tabagisme prend naissance dans l’absence de de plans de prévention à l’école. Elle indique que les Gouvernements n’arrivent pas à s’engager dans le temps et ne fonctionnent que par coup de publicité. En outre, malgré la mode du big data, les administrations n’analysent pas les données issus des politiques mises en œuvre. De ce fait, il y a peu d’évaluation, de retour sur actions… Conclusion, la Cour des Comptes a noté une recrudescence du tabagisme chez les jeunes ces dernières années.

D’ici quelques années, la Cour des Comptes fera-t-elle le bilan du plan anti-racisme de Manuel Valls ? Pas certain, car il risque de passer sous le niveau du radar de la Cour du fait de son absence d’ambition. L’Etat y gagnerait en annonçant moins et en réalisant plus… mais c’est une autre affaire…

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