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0,2% de croissance : le simple ralentissement qui masquait une probable récession au prochain trimestre
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Youpi ?

La croissance française a très légèrement progressé au troisième trimestre, avec une hausse du PIB de 0,2% selon les chiffres de l'Insee. Cependant, les indicateurs les plus importants sont au mieux en stagnation, au pire dans le rouge.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Le PIB a progressé de 0,2% au troisième trimestre de l'année 2016, selon les chiffres de l'Insee. Deux des variables clefs, la consommation des ménages et les investissements des entreprises stagnent au mieux, ou baissent. Représentent-ils néanmoins les seules pistes d'explication des mauvais chiffres enregistrés ces derniers mois ?

Jean-Paul Betbèze : De fait, la croissance de l’économie française est modeste, ce qui n’est pas une surprise. Le moral des ménages stagne, toujours au-dessous de sa moyenne de long terme. Stabilisation aussi pour le moral des entrepreneurs, à sa moyenne de long terme. Bref, dans les têtes, c’est "plat". Pas trop surprenant donc si la consommation stagne encore ce trimestre, comme elle l’avait fait au deuxième trimestre, en contraste saisissant avec le +1,1% du premier trimestre. Pas de surprise non plus si l’investissement des entreprises stagne lui aussi, comme lors du trimestre précédent. Derrière ces chiffres, en liaison avec la psychologie, il y a des revenus moins dynamiques pour les ménages et un taux de marge sous pression pour les entreprises. Le seul point positif est le logement des ménages, en forte hausse à 0,8% sur le trimestre.

Malheureusement, si la demande interne est ainsi aussi peu dynamique, autour de 0,1%, c’est que le commerce extérieur ne va pas bien, sinon se détériore. Les exportations croissent ainsi de 0,6% le trimestre passé, ce qui est mieux que le 0,2% du deuxième. Mais les importations viennent de grimper de 2,2%, alors qu’elles avaient baissé de 1,7% au deuxième trimestre. Le déficit extérieur s’est donc largement creusé, diminuant de 0,5 % la croissance sur le troisième trimestre, pire donc que le -0,3% du deuxième. Au total, si l’on ajoute la consommation, l’investissement et le commerce extérieur, la croissance de l’économie française s’établit à -0,4 % au troisième trimestre !

Si le stockage est aujourd'hui le principal pilier de la croissance française, quels sont les enjeux ? Comment peut-on composer avec une croissance dont les bases sont aussi fragiles et qu'est-ce que cela traduit des changements des fondements de notre économie ?

De fait, ce sont les stocks qui sauvent tout. Ils représentent une hausse équivalente à 0,6% du PIB, ce qui fait atteindre les 0,2 % calculés par l’Insee. On voit donc toute la fragilité de ce résultat. D’un côté, nous sommes de plus en plus concurrencés sur les marchés extérieurs, avec des productions françaises situées en milieu de gamme et des coûts élevés, dont les salaires, tandis que nous devons importer des matériels de haute technologie (d’Allemagne par exemple) et de moyenne et bas de gamme, mais moins chers (d’Espagne par exemple). Notre mauvais positionnement se paye. Pour en sortir, il n’y a pas d’autre solution que la montée en gamme des productions en produits industriels et en services, avec une démarche commerciale non seulement agressive mais plus encore organisée. La compétitivité, en effet, vient certes de l’entreprise exportatrice, mais elle ne peut jamais être isolée de son écosystème. Etre compétitif, c’est innover constamment, donc avoir des liens avec les centres de recherche et les spécialités du territoire. En même temps, l’entreprise ne peut pas être compétitive si l’amont ni l’aval ne le sont pas. De proche en proche, la compétitivité est donc une affaire de territoire et de filière. Elle implique certes de la rentabilité et de l’investissement, mais rien ne sera possible sans cette double coopération : de l’espace et de la chaîne de production. C’est là qu’il faut mettre l’accent en France : la coopération des territoires, le rôle dynamisant des grandes entreprises au-delà de la baisse des coûts salariaux, des impôts et des simplifications administratives – qui demeurent évidemment impératives. 

Le potentiel de croissance de la France se limite-t-il pourtant à 0,2% pour un trimestre ? Comment faire pour s'arracher à cette quasi-stagnation ?

Le potentiel de la croissance française se situe entre 1,2% et 1,5%. C’est là un chiffre qui n’est pas directement lisible et qui se calcule le plus souvent comme la tendance des croissances passées. C’est donc une vision partielle et biaisée : le potentiel, qui devrait concerner le futur, c’est ce que l’on a fait dans le passé !

Pour contrer cette remarque, justifiée, il faut prendre en compte l’investissement, dans sa partie matérielle, que l’on connaît, et immatérielle, que l’on suit partiellement (brevets, licences... et plus encore formation). C’est en cela que les derniers chiffres sur les investissements des entreprises qui montrent une stabilisation sont particulièrement inquiétants. Les études montrent (Lettre Vernimmen n°142 septembre 2016) que les entreprises françaises cotées investissent à hauteur de leur dotation aux amortissements. Comptablement, elles maintiennent leur capital productif. Les entreprises allemandes au contraire investissent 30% de plus que leur dotation aux amortissements. Inutile de chercher ailleurs des explications à la croissance allemande, qui vient surtout de l’exportation et explique le plein emploi que connaît le pays. La source de ces investissements, encore une fois, vient de la profitabilité des entreprises allemandes. 

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