"Vingt intellectuels sous l’Occupation : des résistants aux collabos" de Laurent Wetzel : des intellectuels engagés dans des voies si différentes… Des portraits éclairants et mesurés<!-- --> | Atlantico.fr
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"Vingt intellectuels sous l’Occupation : des résistants aux collabos" de Laurent Wetzel
"Vingt intellectuels sous l’Occupation : des résistants aux collabos" de Laurent Wetzel
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Atlanti Culture

Laurent Wetzel a publié "Vingt intellectuels sous l’Occupation : des résistants aux collabos" aux éditions du Rocher.

Jean-Pierre Chamoux pour Culture-Tops

Jean-Pierre Chamoux pour Culture-Tops

Jean-Pierre Chamoux est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam, 23 ans, en Master d'école de commerce, et grand amateur de One Man Shows.
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"Vingt intellectuels sous l’Occupation : des résistants aux collabos" de Laurent Wetzel 

Editions du Rocher, paru le 2 novembre 2020 - 240 pages - 18€

Recommandation

BonBon

Thème

Comme l'annonce son titre, ce livre trace le portrait d'une vingtaine de figures intellectuelles qui ont animé l'Etat français, la Résistance intérieure ainsi que la France libre hors du territoire métropolitain, entre l'été 1940 et la Libération de 1944 -1945.

Sa forme est originale : vingt chapitres, répartis en trois parties d'inégale importance, chacun portant sur un personnage différent :

Huit résistants qui s'engagèrent, ouvertement ou dans la clandestinité, à l'intérieur et au dehors du territoire (Pierre Brossolette, entre Londres et la France, René Cassin et Jacques Soustelle auprès du général de Gaulle à Londres et ailleurs ; deux femmes au destin hors norme (Germaine Tillion et Simone Weil). Trois d'entre eux finirent en martyr (Marc Bloch, Pierre Brossolette et Jean Prévot alias Capitaine Goderville) ;

Huit collaborateurs entraînés par leur fanatisme antisémite ou national-socialiste (Brazillach, Déat, Drieu la Rochelle, Hütter, Soulès) ; par leur loyalisme envers Vichy et le maréchal Pétain (Mgr Baudrillart), parfois par l'hitlérisme ou par un européisme germanophile (Benoît-Méchin, Drieu, Jamet).

Et quatre personnalités inclassables et que l'auteur considère comme « ambivalentes » complètent ce panorama : Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, Georges Pompidou et François Mitterrand dont les parcours sont à la fois très différents les uns des autres et suffisamment contrastés pour laisser entendre, qu'une vive intelligence, un fin sens politique ainsi qu'une bonne dose de cynisme (pour Sartre et Mitterrand) ou de stoïcisme (pour Aron et Pompidou) contribuent à rendre certains parcours intellectuels  durables, résilients voire exemplaires !

Points forts

A la différence de nombreuses études françaises qui portent sur l'Occupation, les portraits de Laurent Wetzel sont toujours mesurés ; ils portent la marque d'un véritable historien. Aucune des personnes qu'il évoque ne pâtit d'un biais qui ferait sortir le récit hors du cadre historique. Deux exemples : la subtile « résistance spirituelle » du cardinal Saliège, loyal à Pétain et au gouvernement de Vichy, indéfectiblement fidèle au principe évangélique « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (p.62), ce prélat fut à la fois nommé Compagnon de la Libération par de Gaulle et reconnu comme un « Juste » en 1969 par l'institut Yad Vashem ! En contrepoint, la tragédie suicidaire de Drieu la Rochelle est celle d'un brillant esprit égaré dans un monde politique qu'il semblait pourtant mépriser ; Wetzel souligne ses obsessions fascistes et antisémites, rappelle son génie littéraire et le jugement téméraire que Malraux porta sur ce personnage hors-cadre : «Vous avez peut-être l'impression que c'était lui qui m'admirait...c'est moi qui admirait Drieu » (p.143) : un grand écart, du grand art !

Points faibles

A lire ce livre, on pourrait de bonne foi conclure que la section lettres de l'Ecole normale supérieure eût le quasi-monopole de former les intellectuels français qui animèrent la période troublée que couvre cet ouvrage ; un tiers seulement des personnages étudiés ici ne sont pas normaliens : René Cassin, juriste ; Mgr Saliège, prêtre ; Germaine Tillion, ethnographe ; Benoist-Méchin, chroniqueur-publiciste ; Drieu la Rochelle, écrivain-polémiste ; Georges Soulès alias Raymond Abellio, ingénieur des ponts et François Mitterrand que l'on ne présente plus! L'Ecole normale eut-elle  vraiment un poids aussi prépondérant pour justifier cette sélection ?

En deux mots ...

Exercice de style équilibré, cet essai contribue à comprendre l'histoire politique de la France pendant les années noires de l'Occupation. C'est aussi une parfaite illustration du fait que les meilleurs esprits ne sont pas toujours armés pour affronter l'histoire et pour en sortir grandis !

Un extrait

"Cet essai dépeint des figures d'intellectuels engagés dans la Résistance...d'intellectuels engagés dans la collaboration...et d'intellectuels qui adoptèrent des positions ambivalentes". (p.8)

"Les intellectuels qui avaient choisi la Résistance combattaient contre un envahisseur, non contre un peuple" ! (p. 227)

L'auteur

Normalien et agrégé d'histoire, Laurent Wetzel a longtemps enseigné dans le secondaire et en grande école (Sciences po. et ESCP). Ancien élu local (maire de Sartrouville et conseiller général des Yvelines) il fut membre de plusieurs cabinets ministériels. Son expérience de la vie publique renforce sa solide approche historique. On lui doit aussi l’ouvrage Ils ont tué l’histoire-géo (François Bourin éditeur, 2012).

Le clin d'œil d'un libraire

Librairie LE FAILLER, à Rennes : presque aussi ancienne que le Parlement de Bretagne ! 

Une librairie plus achalandée que LE FAILLER avec ses 90 000 références, ça n’existe pas... ou presque pas !  Plus sérieusement, cette institution rennaise fondée en 1925 et qui compte 35 collaborateurs fait partie des 10 plus grandes librairies de France. Quasiment, un monument historique, au cœur du vieux Rennes. Les déclarations qui pouvaient laisser penser que le livre n’est pas essentiel en ont ici choqué plus d'un ! «Or pendant le premier confinement nous avons eu tellement de témoignages de gens isolés qui ont exprimé le besoin de livres pour s’évader ou s’apaiser»  nous confie Dominique Fredj, à la fois ému et tout en colère contenue, poursuivant : "particulièrement dans cette période anxiogène  où nous sommes en quête de repères, à la recherche de nos racines, le livre nous permet de poursuivre... et de survivre".

Chez Le Failler on a joué, bien sûr, le jeu du Clic et Collect en maintenant le lien avec les lecteurs. Un exemple ? Les conseils des libraires étaient préenregistrés sur leur site internet. Dominique Fredj reste positif : «Quand on fera le bilan, on pourra dire que cette crise nous a beaucoup appris sur la chaîne de solidarité créée spontanément autour du livre et l’attachement des gens à leurs librairies indépendantes». On n’arrête plus Dominique Fredj et sa librairie est éternelle, contre vents et marées. Normal : le bâtiment à pans de bois qui l’abrite,  juste à côté du Parlement, date de 1595, un des derniers qui réchappa à l’incendie qui ravagea la capitale bretonne en 1710.

Librairie Le Failler, 35 rue St Georges 35000 Rennes.

Texte et interview par Rodolphe de Saint-Hilaire, pour la rédaction de Culture-Tops.

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