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Jean-Frédéric Poisson : "Si l'on ne parvient pas à ré-enraciner la France, l'exaspération que je constate chez le peuple français pourrait conduire à ce que le quinquennat prochain ne dure pas 5 ans"
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Entretien avec un outsider

Seul candidat à la primaire de la droite et du centre à ne pas faire partie des Républicains, le Président du Parti chrétien démocrate entend aussi se différencier en apportant des réponses aux questions de civilisation qui se posent plutôt qu'en présentant un "catalogue de mesures" sur les sujets de gestion.

Jean-Frédéric Poisson

Jean-Frédéric Poisson

Jean-Frédéric Poisson est député des Yvelines et président du Parti Chrétien-Démocrate.

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Atlantico : De par le fait que vous êtes le seul candidat de la droite et du centre à ne pas être encarté au parti LR, mais aussi dans les enquêtes d'opinion où, même si vous progressez, l'accès au second tour ne semble pas à votre portée, vous pouvez apparaître aux yeux des électeurs comme l'outsider de cette élection. Jeudi 13 octobre au soir, le premier débat des 7 candidats à la primaire de la droite sera diffusé sur TF1. Que souhaitez-vous provoquer lors de cette première vraie mise en lumière de Jean-Frédéric Poisson de la campagne ?

Jean-Frédéric Poisson : Je souhaite tout d'abord profiter de cette occasion pour dire aux Français quelles sont mes convictions et quel projet je défends pour le pays. J'ai le sentiment qu'il y a une très forte attente de la part de l'électorat qui se déplacera à la primaire, mais aussi chez tous les Français à voir un candidat qui propose une vision pour le pays, et pas uniquement des mécaniques de gestion ou des précisions sur la manière d'administrer l'État... Je suis étonné aujourd'hui de voir combien les mesures à caractère techniques occupent le débat public de la primaire, où les candidats mettent en avant des idées provocatrices pour occuper le devant de la scène. C'est ce qui à mon avis explique une forme de dépit des Français par rapport au débat de la primaire, et qui n'est pas au niveau de ce que l'on peut attendre d'un chef de l'État qui devra ré-enraciner la France et la remettre dans le bon axe en 2017.

J'ai une différence à faire entendre : celle de mon histoire personnelle, celle de mes convictions en matière économique, mais aussi celle d'être un ancien chef d'entreprise (le seul parmi des 7 candidats). Mon ancrage territorial est également un atout, et je me suis engagé personnellement sur des sujets de société… Je suis par exemple très favorable à une économie de marché sans être libéral car je pense qu'il faut un système équilibré qui ne soit pas dominé par le commerce. Je me différencie aussi par mes convictions souverainistes sur l'Europe, et sur le fait que je ne suis pas atlantiste en matière de politique étrangère.

Vous avez raison de considérer que je suis encore un outsider, mais je pense qu'après cette émission, je n'en serai plus un dans cette primaire.

Qu'est-ce que ce cheminement singulier vous apporte-t-il de plus qu'aux autres, et au contraire, sur en quoi peut-il vous désavantager ?

Ce passé ne m'enlève pas grand-chose. Si je regarde bien les curriculums de mes concurrents, je remarque que Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko-Morizet n'ont pas exercé de fonctions locales avant de rentrer dans un gouvernement contrairement à moi, qui y ai passé ma vie. Comme je vous le disais, j'ai été un chef d'entreprise, mais aussi un décrocheur scolaire. J'ai eu un père chômeur et j'ai d'ailleurs moi-même été chômeur quelques temps… Ce sont des expériences qui vous structurent. Et quand on me parle de la brutalité de la vie économique, j'ai l'impression de pouvoir me référer à mon histoire personnelle pour le comprendre. Cette expérience me donne davantage de proximité avec les Français. 

Deux thèmes seront abordés : la Sécurité et le chômage. Récemment, vous avez déclaré que "les Français n’attendent pas un catalogue de mesures, ils sont préoccupés non par des sujets de gestion mais de civilisation". Ce format de débat, segmenté par thème, n'est-il pas un obstacle pour parler de civilisation ?

La campagne ne se résume pas au débat de demain soir. Cette émission, emblématique, sera certainement le plus regardé de la campagne de la primaire mais ce ne sera pas le seul.

Effectivement cette émission sera sans doute la moins adaptée à l'expression des nuances, mais pas des convictions. Nous sommes contraints à des temps d'expression courts. Il faudra dire en une minute à la fois des choses fortes et claires, mais aussi différenciantes... Et je n'ai pas besoin de me forcer pour me montrer différent. Mais les aspects civilisationnels seront malgré tout abordés aujourd'hui, avec la question de la place de l'islam dans la République, question que les Français se posent en premier lieu a mon avis. 

Ce format est propice à rappeler la nature des enjeux, ou à l'expression des convictions fortes, mais pas à préciser la palette de nuances sur ses intentions. Cela sera le cas dans d'autres événements.

Comment définiriez-vous la civilisation que vous souhaitez défendre ? Pensez-vous qu'elle soit en danger aujourd'hui, quelles en sont les menaces selon vous ?

Je pense que les questions qui sont posées à la France d'aujourd'hui étaient déjà posées il y a 20 ans. Aucune des grandes crises qui ont frappé la France il y a vingt ans n'ont été résolues comme, par exemple, la question de l'islam et des solutions pour gérer ses incompatibilités.  Les grands principes de notre République sont Liberté, Égalité, Fraternité pour ce qui est de notre devise ; Laïcité dans notre Constitution ; Dignité dans notre bloc constitutionnel. Et sur ces 5 grands principes, il y a des différences irréductibles avec ceux que l'islam véhicule. C'est un problème. Je ne dis pas pour autant qu'il faut interdire l'islam, mais plutôt qu'il faut, comme les anglo-saxons, traiter cette question plutôt que de faire comme si elle n'existait pas.

Autre enjeu civilisationnel, je suis un opposant très énergique du Tafta car je pense que le point de départ de l'effondrement de l'Union européenne a été l'Acte unique de 1986-1987 qui est allé à l'encontre des principes fondateurs de l'Europe. Il faut aujourd'hui savoir si l'Europe a toujours vocation à être un marché commercial complètement ouvert, ou si nous devons y réintégrer des principes fondés sur les valeurs partagées. Enfin, comment considérons-nous la question de l'Éducation nationale ? J'entends de plus en plus parler d'acquisition de compétence, d'adéquation avec les entreprises. Mais est-ce que c'est un aspect de l'éducation ou sa finalité ?

Je peux ajouter à ces questions celle de la place de la France dans le concert des nations. Il faut définir si nous souhaitons rester une puissance moyenne, comme l'avait décidé Valéry Giscard d'Estaing il y a 40 ans, ou bien si notre position dans le monde, avec notre place éminente et privilégiée à l'ONU doit nous conduit à faire autre chose, avec qui et comment. Ces questions dépassent donc largement la question de savoir si nous sommes gaulois ou pas. La question est celle de savoir ce que nous devons faire de nos points forts.

Vous dîtes ne pas avoir de problème avec les musulmans, mais en avoir un avec l'islam. Que voulez-vous dire par-là ?

Le problème est qu'il n'y a pas dans l'islam de vraie séparation entre la sphère publique et la sphère religieuse. Ce qui dans le contexte laïque chrétien actuel n'est pas défendable. 

Sur le point particulier de la laïcité, j'entends d'après la dernière étude de l'institut Montaigne que 28% considèrent que la charia a une valeur supérieure que celle de la République... Quelles conséquences politiques doit-on en tirer ? Si l'on constate qu'il n'y a pas de renonciation à la polygamie, ou alors que certains mariés refusent de passer devant le maire car pour eux, le mariage civil n'a pas de valeur, il faut s'interroger sur les conséquences de cette situation.

Quelle méthode préconisez-vous pour gérer la fraction de musulmans fondamentalistes qui rejette en bloc la démocratie, ou qui prône des valeurs incompatibles avec elle ?

Il me semble nécessaire d'interroger les musulmans pour savoir ce qu'ils veulent exactement. J'entends dire qu'il y a plusieurs islam en France. Mais qu'ils le disent ! Moi cela m'intéresse de savoir que les musulmans en France, pour la majorité d'entre-eux ne considèrent pas que les chrétiens, ici ou ailleurs, sont des citoyens de seconde zone. J'attends qu'ils le disent, mais aussi de savoir à quoi ils renoncent dans le contenu les hadiths et du Coran, préceptes rédigés à une époque lointaine et qui ne peuvent plus être des obligations pour les croyants aujourd'hui. 

Il faudrait pour cela engager avec les musulmans désireux de le faire une séparation entre l'islam de la Mecque, spirituel et pour lequel j'ai le plus grand respect du monde et l'islam de Médine, qui lui est guerrier, et brutal dans son rapport aux autres croyants, pour lequel je n'ai aucune forme de considération et qu'il faut combattre. Cette séparation, c'est aux musulmans de la faire. Mais j'ai aussi beaucoup entendu que beaucoup de musulmans étaient prêts à faire cet aggiornamento à condition qu'on les y aide, quitte à leurs accorder une protection d'Etat.

Mais je suis contre toute forme d'interdiction, d'ailleurs je ne crois pas que l'on puisse interdire une idée. Je ne partage donc pas l'idée de Nathalie Kosciusko Morizet qui souhaite interdire le salafisme. En revanche je suis pour que le salafisme vienne dans le débat public, qu'on le réfute et que l'on dise pourquoi la France n'en veut pas. Nous ne pouvons pas empêcher quelqu'un d'être salafiste, mais nous pouvons l'empêcher d'avoir du crédit lorsqu'il développe dans l'espace public une argumentation salafiste. 

Cette idée répond d'une conception très libérale, anglo-saxonne d'aborder le sujet...

C'est la raison pour laquelle je suis aussi pour l'annulation des lois mémorielles Gayssot ou Taubira. Une de vos consœurs israélite me disait être choquée par cela. Mais pensez-vous l'antisémitisme a reculé ou progressé depuis 25 ans ? Non il a progressé, à quoi cette loi a-t-elle pu servir ? Il faut laisser les thèses révisionnistes s'exprimer pour pouvoir leur tordre le coup dans le débat public.

Si vous êtes élu en 2017, vous promettez d'abroger la loi Taubira sur le mariage homosexuel. Comment expliquez-vous que Sens commun, le mouvement politique créé à l'issue de la Manif pour tous, ait choisi de soutenir François Fillon qui ne souhaite "que" la réécriture de la loi Taubira ? Avez-vous essayé d'obtenir leur soutien ?

Je n'ai pas essayé d'obtenir leur soutien, car j'ai compris que je ne l'aurais pas. Leur logique n'est pas la même que la mienne, car je souhaite être indépendant du parti Les Républicains. Ils voulaient soutenir un candidat susceptible de gagner la primaire... Le choix de François Fillon semble du coup un peu surprenant. Mais quand on sait que je suis et de loin le plus proche des convictions qu'ils défendent, on peut en toute logique dire que c'est un choix stratégique, et cela leur appartient d'ailleurs.

Dans un entretien accordé par Valéry Giscard d'Estaing, à la question de savoir si la France est en déclin ou en décadence, l'ancien Chef d'Etat répond "sans aucun doute" et ajoute que "le problème de la décadence est qu'elle ne s'arrête jamais". Un processus commencé selon lui par les bouleversements des structures sociales en mai 1968. Il ajoute que "de la période de décadence naît inévitablement une période de confusion, parce que les structures auxquelles les gens sont habitués se disloquent, disparaissent, s'affaiblissent ". Partagez-vous le diagnostic de l'ancien Président ?

Oui je le partage. Mais pour moi, déclin comme décadence aboutissent à une situation de chaos, la différence est plus à trouver dans la vitesse de ce mouvement. Je ne sais pas dire si l'on pourra en sortir, il faudra pour l'éviter ré-enraciner la France dans ce qu'elle est. Vous ne pouvez pas reconstituer un peuple si vous ne consolidez pas la cellule familiale qui est son cœur, ni reconstituer un peuple sans une langue et une histoire commune. Et voilà ce que j'appelle de vraies réformes politiques. Valéry Giscard d'Estaing parle comme d'habitude avec beaucoup d'expertise puisque c'est à lui qu'on doit le renoncement de la France à être un pays de rayonnement mondial. 

C'est justement pour répondre à ce processus destructeur du déclin, de la décadence, que je fonde mon projet sur deux axes essentiels : ré-enraciner le peuple français, et redonner à l'état sa puissance régalienne. Mais il est vrai que nous ne sommes pas loin du chaos. Et si l'on ne parvient pas à ré-enraciner la France dans ce sens, l'exaspération que je constate chez le peuple français pourrait conduire à ce que le quinquennat prochain ne dure pas 5 ans.

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