"Rêver debout" de Lydie Salvayre : Ode à Cervantes, au Quichotte et à la littérature. Un roman épistolaire vibrant<!-- --> | Atlantico.fr
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"Rêver debout" de Lydie Salvayre a été publié aux éditions du Seuil.
"Rêver debout" de Lydie Salvayre a été publié aux éditions du Seuil.
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"Rêver debout" de Lydie Salvayre a été publié aux éditions du Seuil.

Anne Jouffroy pour Culture-Tops

Anne Jouffroy pour Culture-Tops

Anne Jouffroy est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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"Rêver debout" de Lydie Salvayre

Seuil
Parution le 19 août 2021
208 pages
18 €

Notre recommandation : EXCELLENT 

THÈME

Dans ses 15 lettres adressées à Miguel de Cervantes Saavedra, Lydie Salvayre rend compte de la modernité, 4 siècles plus tard, des propos de l'auteur du Quichotte et du rôle de la littérature, si nécessaire et si précieuse.

De nombreuses questions traversent ce petit livre. 

Don Quichotte est-il fou ? Est-il plus fou que les inquisiteurs qui brûlent les hérétiques ? Plus fou que la Santa Hermandad quimaltraite les galériens à qui, lui, don Quichotte, songe à porter secours ? Est-ce de la folie de rêver debout, d'agir, de dénoncer les injustices et défendre ceux qui en sont victimes ? 

Pourquoi Quichotte ne s'accommode-il pas de ce qu'on appelle, pour aller vite, la réalité ? Il y a t-il vraiment contradiction entre folie et réalité ? Les rêveurs debout ne sont-ils pas plus bénéfiques à la bonne marche du monde que les réalistes couchés ? 

Tout rêve est une lutte, écrit Victor Hugo dans  Le Promontoire du songe. Défendreses rêvesen secolletantà la réalité, n'est-ce pas la grandeur de l'écrivain ?La littérature engagée entre rêve et réalité n'est-elle pas un des phares de l'humanité ? Est-il insensé de considérer que la littérature n'est pas lettre morte, parure de cheminée, boniment inutile, mais plutôt lettre vive, ardente, expérience intime qui bouleverse la vie ?

Dans ses premières lettres, Lydie Salvayre feint de reprocher à Cervantes les moqueries, les humiliations, les échecs que le Quichotte,notre frère rêveur en un monde brutal, doit supporter. Mais, les maltraitances, les insultes, ne sont-elles pas le lot des utopistes qui dénoncent des réalités détestables ? Et, d'autre part, Cervantes aurait-il pu contourner la censure de l'époque, celle du Siècle d'Or espagnol, sans faire mine de ridiculiser son héros ? 

Dans les lettres suivantes, Lydie Salvayre fait l'éloge de Cervantes pour la grâce de son style, son humour et son engagement en tant qu'écrivain. Il « déconfine » son héros claquemuré dans sa bibliothèque de romans de chevalerie et l'envoie sur les routes pour se confronter à la réalité étroite et inique. Et, en compagnie de son valet Sancho Panza avec qui il forme un couple mythique, le Quichotte s'évertue à appliquer ses rêves de justice avec une volonté inflexible et un courage à toute épreuveEt S'il n'a pu accomplir de grandes choses, il est mort de les avoir entreprises. Ce qui est tout à son honneur de chevalier poète courageux, miséricordieux et justicier.

POINTS FORTS

- Des lettres vives, ardentes, nourries de nombreuses références littéraires.

- Les états d'âme de Lydie Salvayre qui s'emballe, s'indigne, s'amuse, s'émeut, s'inquiète au fil de ses lettres à Cervantes.

QUELQUES RÉSERVES

Rêver debout se lit avec plaisir et est intéressant, mais, à la 1ère lecture, j'ai eu l'impression de vivre une course de vitesse pendant les 208 pages tant le rythme est ardent, vibrionnant. C'est peut-être ce que la 4ème de couverture suggère en le présentant comme un livre-manifeste.

ENCORE UN MOT...

J'aime à constater que Lydie Salvayre a une foi absolue en la littérature - capable de sauver le monde.

UNE PHRASE

- Je vous disais hier combien j'admirais la façon dont en portant sur vos créatures un regard ambigu (rieur souvent, malicieusement cruel parfois, mais presque toujours bienveillant en dépit des apparences et empreint d'une secrète affection paternelle), vous parveniez à instiller certaines vérités bien plus efficacement que par un prêche docte et impeccablement démonstratif. (p.189)

- Face à ces temps sauvages, nous espérons toujours que les don Quichotte nouveaux tournent enfin leur colère contre nos dieux de plâtre, et nous ouvrent la marche.(p.194)

- Je pense à Nelson Mandela prenant le risque de brûler publiquement en 1960, avec une magnifique insolence, le passeport intérieur que tous les noirs d'Afrique du sud étaient contraints de porter sur eux sous peine d'être arrêtés. Ce geste marquera le passage à la lutte armée contre l'Apartheid, les stratégies non violentes appliquées jusqu'alors n'ayant mené à rien. (p.195)

- Je pense à ces autres audacieux, ces chevaliers errants de la littérature que furent Baudelaire, Rimbaud, Nietzsche, Joyce, Faulkner...pour ne citer que quelques-uns qui parlent à mon cœur. (p.196)

L'AUTEUR

Lydie Salvayre est psychiatre, métier qu'elle a choisi de ne plus exercer pour devenir écrivain. Elle a écrit une douzaine de romans, traduits dans de nombreux pays, parmi lesquels La Compagnie des spectres (1997), BW (2009), Pas pleurer (prix Goncourt 2014), tous 3 sont édités au Seu

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