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 Petites leçons de démocratie : savoir jouer des coudes ou comment se poser en s’opposant
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Bonnes feuilles

Exposés sur treize stratégies diplomatiques, illustrées d'exemples tirés de l'actualité internationale : menaces, intimidations, espionnage, etc. "Petites leçons de diplomatie-ruses et stratagèmes des grands de ce monde à l'usage de tous", de Frédéric Encel, publié aux éditions Autrement (2/2).

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Dans cette économie générale, le Qatar constitue un cas à la fois exceptionnel et tout à fait représentatif. Exceptionnel, car démographiquement la presqu’île est un nain : deux millions d’habitants tout au plus la peuplent, dont plus d’un million et demi de travailleurs asiatiques dépourvus de tous droits sociaux et politiques ; reste donc 300 000 habitants environ, dont trois quarts d’enfants. Quand on sait que les femmes sont reléguées loin de la vie politique, institutionnelle, économique et militaire dans cet État féodal tribalo-bédouin ultra-rigoriste (la religion officielle et unique est l’islam sunnite de rite wahhabite, comme dans l’Arabie saoudite voisine), il reste environ 50 000 personnes pour tenir les finances, la diplomatie et l’armée du pays. De tels chiffres lilliputiens interdisent à ce richissime émirat de jouer un quelconque rôle sérieux en matière de hard power. Il va donc miser sur la déstabilisation. C’est en ces termes que le cas du Qatar est représentatif, car il utilise les leviers de déstabilisation que ses ressources financières inépuisables lui offrent.

En 1996, l’émir Hamad ben Khalifa Al Thani crée la chaîne de télévision Al Jazeera, moderne, libre de ton en apparence, moins poussiéreuse que les chaînes officielles soporifiques aux ordres des régimes arabes traditionnels. Or, ce média est à maintes reprises accusé par des ONG et des associations musulmanes modérées de diffuser la propagande des Frères musulmans et autres salafistes en direction non seulement de l’Europe, mais aussi et surtout des sociétés arabes déjà travaillées par l’islamisme radical. D’où les relations exécrables entretenues par des capitales telles qu’Alger ou Le Caire avec Doha dès les années 1990. Surtout, de riches familles qataries soutiennent financièrement tout au long de la décennie 2000 des courants islamistes radicaux, une aide financière précieuse qui s’accélère avec le Printemps arabe et l’arrivée au pouvoir éphémère des Frères dans plusieurs capitales en révolte. Pire : nombre d’observateurs occidentaux et de gouvernements arabes mettent en cause le financement indirect par Doha du groupe terroriste « État islamique » ainsi que d’autres groupes salafistes violents sévissant au Yémen, en Libye, et… au Mali.

Malgré tout, le Qatar n’a jamais été officiellement stigmatisé par les chancelleries occidentales comme un trublion. Au regard des formidables réserves de devises et de cash dont dispose ce confetti gazier – le premier exportateur de gaz naturel au monde tout de même ! – et par conséquent de sa totale solvabilité, les États européens désargentés ne prennent guère le risque de l’accuser de nuire en aucune façon que ce soit. La vente fort juteuse et importante pour l’emploi de chasseurs bombardiers est à ce prix…

"Petites leçons de diplomatie - ruses et stratagèmes des grands de ce monde à l'usage de tous", de Frédéric Encel, publié aux éditions Autrement, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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