"Peintures des Lointains" : L'évolution révélatrice d'un regard<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Peintures des Lointains" : L'évolution révélatrice d'un regard
©

Atlanti-culture

Arthur Caumes pour Culture-Tops

Arthur Caumes pour Culture-Tops

Arthur Caumes est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
 

 

Voir la bio »

EXPOSITION

Peintures des Lointains

INFORMATIONS

Jusqu’au 6 janvier 2019

Musée du Quai Branly – Jacques Chirac

37, Quai Branly, 75007 Paris

Réservations :  01.56.61.71.72

RECOMMANDATION 

BON

THEME 

L’exposition se pose la question du sens à donner à des images issues – pour la plupart – de la colonisation. Ce ne sont pas moins de près de 130 peintures et dessins, la plupart remisés depuis la fin des années 1950 dans les réserves dans l’ancien musée de la Porte Dorée, qui sont présentés pour la première fois à l’occasion de cette exposition. Pas question d’en faire les emblèmes des bienfaits coloniaux, et de revenir sur un débat aussi politique que dépassé. La conservatrice a eu le courage de s’emparer de ce sujet pour le démystifier par l’histoire des représentations européennes sur les espaces colonisés par les Européens dans la seconde moitié du XIXème siècle.  

POINTS FORTS 

-L’exposition déconstruit les stéréotypes coloniaux en restituant le contexte historique de leur formation. Que ce soit la quête paradisiaque d’un ailleurs conçu par les peintres voyageurs de la fin du 19ème siècle comme la possibilité d’une régénération par le contact d’une nature authentique et préservée, opposée à la vieille Europe décadente, le spectateur est convié à relativiser les représentations traditionnellement usitées pour voir en d'autres le contraire des Européens. On comprend bien comment, par exemple, la représentation orientaliste de pays du Moyen Orient, avec leurs couleurs chaudes, une nature luxuriante, peut s’inscrire dans des images forgées depuis les voyageurs des Lumières, à l’instar de Thomas Shaw, ou des antiquaires envoyés en mission par les rois de France Louis XIV et Louis XV, en Egypte ou en Syrie. Proposer une genèse des clichés retranscrits par les peintres, c’est décrypter des représentations parfois devenues des emblèmes de l’authenticité des pays concernés, comme cette mosquée de Basse Egypte peinte par Prosper Marilhat, qui définit un Orient plein de mystère, à la nuit tombante.

-Le titre de l’exposition se propose de revoir un poncif : celui de l’Occident confronté à l’autre. La conservatrice montre bien qu’il n’y a pas « un autre » mais des lointains, c’est à dire certaines situations qui vont provoquer diverses réactions chez ceux qui y sont confrontés. Dans un cas, un tableau sera aussi documentaire que fort en coloris, dans l’autre, ce sera l’esthétique qui sera privilégiée au détriment de l’information. Cette diversité a été respectée : le spectateur pourra autant méditer sur un paysage que réfléchir sur le sens d’une cérémonie d’initiation des garçons à partir du portrait du Jeune initié Kala de la société secrète Bell de Paoua, peint par Georges Lespès.

-Pour finir, on notera la présence d’œuvres peu ou pas montrées, de peintres aux qualités pourtant certaines. Là où on aurait pu s’attendre aux grands noms de l’art moderne – Matisse ou Gauguin  – le choix assumé a été fait de présenter des artistes aussi talentueux que méconnus. Réunir Albert Lebourg, André Suréda, Théodore Frère, Prosper Marilhat ou encore Paul Jacoulet est le point fort de cette exposition.

POINTS FAIBLES

-Plus qu’à être convié à l’évolution d’un regard, on a été gêné par la juxtaposition des encarts thématiques avec des salles par conséquent assez hétérogènes les unes des autres, particulièrement au début. Cela complique le suivi historique d’un regard à l’autre, de communautés qu’on ne comprend pas vers l’étude de celles-ci, à l’instar des populations autochtones d’Amazonie, emblèmes d’extrême altérité, devenues un sujet majeur des études anthropologiques avec Claude Lévi Strauss. De ce panorama, on peine parfois à retisser le fil.

-L’hétérogénéité qui vient d’être évoquée coïncide avec ce qui nous semble le point le plus faible de cette exposition, au demeurant de qualité : la scénographie dans un espace exigu.  Les salles sont petites, au regard de toiles qui sont souvent des grands formats. Le spectateur en est donc réduit, en contexte d’affluence, à devoir trouver un angle libre pour pouvoir contempler un tableau dans son intégralité, en faisant attention à ce que son œil ne soit pas happé par les couleurs de celui d’à côté, qui lui dispute l’espace. Une exposition aussi riche que celle-ci, aurait sans doute méritée de bénéficier d’un lieu autre que la mezzanine Ouest du musée, à la surface adéquate pour présenter une collection privée ou un ensemble d’objets relativement petits, mais pas des toiles de grand format qu’on peine à apprécier vu l’exiguïté et conséquemment le manque d’espaces-rupture pour reposer ses yeux.

EN DEUX MOTS

Cette exposition vient proposer une réflexion beaucoup plus complète que celle,  tronquée, d’un choc entre l’Occident et des cultures non comprises parce que différentes, lors de la colonisation. A l’inverse, la conservatrice a pu restituer – avec succès – la diversité des regards occidentaux, de l’exotisme à ceux d’individus impliqués dans la colonisation, mais qui  furent aussi ceux qui quelquefois, contribuèrent à fixer les traditions en péril des peuples autochtones dont les représentations constituent aujourd’hui une base documentaire sur des coutumes désormais disparues. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !