"Napoléon, l’intégrale" : bulles commémoratives<!-- --> | Atlantico.fr
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Napoléon, l'intégrale
Napoléon, l'intégrale
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Dominique  Clausse pour Culture Tops

Dominique Clausse pour Culture Tops

Dominique Clausse est chroniqueur pour Culture Tops

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Napoléon, l'intégrale

De Scénario : Noël Simsolo, Conseil Historique : Jean Tulard, Dessins : Fabrizio Fiorentino
Editions Glénat - 146 p. (pour la BD) - 14,95 €

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En cette année du Bicentenaire de la mort de Napoléon, l’éditeur Glénat a eu l’excellente idée de proposer une intégrale réunissant les trois tomes de la BD consacrée au grand homme. Ces trois albums sont parus entre 2014 et 2016 et constituent une référence sur le sujet. Le scénariste expérimenté, Noël Simsolo, a bénéficié du support d’un conseiller prestigieux en la personne de Jean Tulard, historien et grand spécialiste de Napoléon.

Le premier tome nous raconte l’ascension du jeune général Bonaparte, entre 1793 et 1799, de la victoire de Toulon à la fin de la campagne d’Egypte. On découvre le meneur d’homme doublé d’un grand stratège qui va voler de victoires en victoires.

Dans le tome 2, on entrevoit le Politique, encore hésitant, moins à l’aise quand il s’agit de choisir son camp que lorsqu’il faut conduire ses troupes. D’abord soutien de Barras et de son Directoire, il va presque par hasard intégrer le coup d’état fomenté par Sieyès. Ce sera le 18 Brumaire, début de sa marche triomphale vers les sommets du pouvoir. Il deviendra Premier Consul, puis Empereur en 1804. S’en suivra une période faste de victoires militaires qui va imposer l’image de Napoléon maître de l’Europe et qui durera jusqu’en 1811.

Paradoxalement, alors qu’en 1811 naît l’héritier de Napoléon et que la France est plus puissante et étendue que jamais, 130 départements tout de même, c’est cette année-là que s’amorce la fin de l’histoire. La chute est racontée dans le tome 3.

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Points forts

La précision historique du récit nous emmène, tout au long de ces trois tomes, dans le détail de cette incroyable destinée. Dès le début, on voit comment Bonaparte a construit son image sur ses talents militaires. De son premier fait d’armes, la prise de Toulon aux Anglais en 1793, à la répression sanglante de l’insurrection parisienne de 1795, c’est par les armes que l’homme crée sa légende. La certitude d’avoir raison ne le quittera jamais, même quand elle va l’entraîner à commettre des erreurs fatales.

Le scénario ne magnifie pas les actions d’éclats et n’édulcore pas les fautes. C’est sa grande force. On a l’impression de lire une histoire objective de Napoléon.

Cette BD nous éclaire également sur le rôle de quelques-uns des grands hommes de cette histoire. On redécouvre Talleyrand, omniprésent, qui se rêvait en faiseur de roi, mais le politicien opportuniste et talentueux ne pouvait s’accorder au stratège militaire trop sûr de sa force. Autre personnage omniprésent, Fouché, le chef de la Police, inséparable du précédent en dépit de leurs différences. On découvre également Murat sous un jour moins connu, celui d’un Roi de Sicile qui s’est rêvé trop grand ; ou encore Bernadotte, ennemi intime et méconnu de l’Empereur, au destin incroyable, puisqu’il va donner naissance à une dynastie de Rois de Suède encore au pouvoir de nos jours.

Enfin, il fallait un écrin graphique à la démesure du personnage, et le trait de Fiorentino relève ce défi. Ce dessinateur a beaucoup travaillé dans l’univers de comics américains, et on ressent cette influence dans le traitement de l’expressivité des visages ainsi que dans l’agencement des cases : il crée un mouvement permanent, grâce à des cadrages audacieux et dynamiques. Son travail sur les décors est somptueux et donne beaucoup de crédibilité au récit, en particulier dans le niveau de détails qu’il apporte à leur réalisation.

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Points faibles

Trois tomes, c’est peu pour raconter une telle histoire, cela oblige les auteurs à la survoler, en donnant parfois l’impression d’empiler une suite d’évènements, plutôt que de créer un véritable récit. Et si on n’est pas au fait de l’histoire de Napoléon, ce qui est un peu mon cas, on est vite perdu dans la multitude de personnages qui se croisent et dont on ne sait pas grand-chose.

Le récit est très porté sur l’histoire militaire et diplomatique. Il fait peu de référence aux accomplissements politico-administratifs de Napoléon. Il est pourtant considéré comme le père de la Centralisation (création des Préfectures et des Sous-Préfectures), et du Code Civil, qu’on appelle encore aujourd’hui le code Napoléon.

Sûrement pour les raisons de manque de temps évoquées plus haut, les auteurs ne s’attachent pas à décrypter les émotions des personnages, sinon par de rapides caricatures (le traitement de Joséphine, par exemple). Ainsi, toute la partie « Saint Hélène », qui porte une dramaturgie très forte mais peu d’évènements factuels, est quasiment bâclée, comme si les auteurs n’avaient trouvé que peu d’intérêt au sujet.

En deux mots ...

UNE BD DIDACTIQUE, PARFOIS UN PEU TROP

En cette période qui s’ouvre de commémoration napoléonienne, cette BD trouve sa place pour illustrer le dessein du grand homme. La précision historique et la qualité graphique balayent les quelques réserves exprimées dans cette chronique. Napoléon n’était pas une personnalité consensuelle, loin s’en faut. Encore aujourd’hui, le débat fait rage sur le sens à donner à cette commémoration. Qui était Napoléon ? L’insatiable conquérant, prêt à sacrifier ses soldats pour une victoire ? L’Empereur mégalomane et obnubilé par son destin ? Le génial administrateur d’une France encore fragile ? Le martyr de Saint Hélène injustement oublié ? Sûrement un mélange de tout cela, et les auteurs réussissent à voler d’une vision à l’autre pour donner à lire ce portrait dessiné plutôt ressemblant.

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Une illustration

L'auteur

(d’après BD Gest)

Noël Simsolo, né le 31 août 1944 à Périgueux, est un réalisateur, comédien, scénariste, historien du cinéma et romancier français. Il est l'auteur de plusieurs aventures du Poulpe. Il est également l'auteur de la série des Edgar Flanders.

Fabrizio Florentino est un artiste italien natif de Torre del Greco (Naples). Diplômé du Liceo Artistico et de la Accademia di Belle Arti di Napoli, il se fait connaître en 1994 avec le fumetti "Dick Damon" (Fenix). En 2001 il s'installe aux USA pour travailler chez CrossGen. En 2003 il revient en Italie d'où il collabore régulièrement avec Marvel comics (Spider-man) et DC comics (Batman, Catwoman, etc.). A partir de 2012 il devient directeur artistique et enseignant de la Scuola Internazionale di Comics de Naples. 

Jean Tulard, né le 22 décembre 1933 à Paris, est un universitaire et historien français. Il est l'un des spécialistes français de Napoléon Ier et de l'époque napoléonienne (Consulat et Premier Empire) ainsi que de l'histoire du cinéma. Jean Tulard a contribué à plus d'une cinquantaine d'ouvrages, comme auteur unique, en collaboration ou en tant que directeur de la publication.

Et aussi

En cette année de commémoration, la BD n’est pas en reste, et on peut citer une autre nouveauté. Le Moi, Napoléon, par Vincent Mottez et Bruno Wennagel, aux éditions « Unique Héritage », propose un traitement très différent du précédent. Les auteurs imaginent, sous la forme d’un roman graphique, un Napoléon déclinant ses Mémoires fictives, le tout illustré par de belles planches aux couleurs sobres. On est entre le roman et la Bande Dessinée, mais ce livre-album vaut le détour.

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Vous ne serez pas étonnés si les éditeurs ont choisi cette période pour proposer quelques intégrales comme celle chroniquée ci-dessus :

Le concurrent direct de la BD chroniquée ici est cette autre intégrale historique qui s’appelle également Napoléon, présentée par Jacques Martin, scénarisée par Pascal Davoz et dessinée par Jean Torton. On passe de 3 à 4 tomes, pour un dessin plus classique, plus « franco-belge » dirait-on.

Les Editions Dargaud proposent pour le mois de mai, en un seul album, une intégrale de la série Double Masque, de Jamar et Dufaux. 6 tomes en un seul album, ce devrait être un bel et impressionnant objet, de plus de 300 pages ! L’intrigue de cette série, parue entre 2004 et 2013, nous entraîne dans de sombres complots autour du personnage de Napoléon.

Casterman propose de son côté l’intégrale des Aventures d’Arno, imaginées dans les années 80 par le talentueux duo composé de Jacques Martin au scénario et André Julliard au dessin (parution initiale chez Glénat). Arno Firenze est un jeune Italien qui va croiser la route de Bonaparte à Venise, et qui va l’aider à déjouer une conspiration. A redécouvrir, surtout les trois premiers tomes dessinés par Julliard.

Bref, quelle actualité ! Et, peut-être aura-t-on d’autres rééditions surprises en cette année si particulière.

DES BULLES DE NOSTALGIE

En attendant, voici une liste très incomplète de lectures personnelles, que j’ai retrouvées dans ma bibliothèque pour le besoin de cette chronique. Napoléon est très présent dans la Bande Dessinée et a beaucoup stimulé l’imagination des scénaristes, donc cette liste n’a aucune vocation d’exhaustivité.

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L’Histoire de France en Bandes dessinées des Editions Larousse est une référence incontournable pour les amateurs de Bande Dessinée. Parue en petits fascicules dans les années 70, elle donnait une version très édulcorée de l’Histoire de notre pays et avec une qualité de dessin parfois très approximative. Mais elle reste la pionnière de toute une BD historique qui a connu ses heures de gloire dans les décennies suivantes. Plusieurs fascicules sont consacrés à Napoléon : « la liberté en marche », « De la République à l’Empire », « l’Europe Napoléonienne », « la chute de l’aigle ». Mais n’espérez pas y retrouver la pertinence historique de Jean Tulard ou la qualité graphique de Fiorentino, tout au plus une bouffée de nostalgie pour les plus âgés d’entre nous.

Une autre BD à redécouvrir : le magnifique Décalogue, une BD en 10 tomes, forcément, qui décline une incroyable histoire en mode compte à rebours. Le tome 1 se déroule à notre époque, alors que le tome 10 remonte aux sources de l’Islam. Cette œuvre est forte et très originale dans sa conception, le scénariste Giroud confiant à un dessinateur différent la réalisation de chaque tome. Le tome IX se passe pendant la campagne d’Egypte de Napoléon.

Ils étaient dix est une série en 6 tomes de Stalner parue aux Editions 12bis entre 2009 et 2013. C’est une histoire de trahison et de vengeance, qui commence en pleine campagne de Russie, et se termine en Corse, quelques années plus tard. Stalner propose ce qu’il est convenu d’appeler une variation sur l’histoire de Napoléon.

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C’est à cette même époque de la campagne de Russie que démarre l’aventure de François Julien, le réfractaire, imaginée par Dehousse et Jamar, dans les années 80, aux Editions du Miroir. Cette série n’a pas connu un grand succès, dommage, car elle avait de réelles qualités et revisitait toute cette période Napoléonienne.

Enfin, pour terminer cette revue, dans la collection Jour J, chez Delcourt Editions, dont le concept est d’imaginer une histoire du monde qui dévie de son cours réel, le tome 17, intitulé Napoléon Washington, imagine un destin américain à notre héros national.

DEUX CLINS D’OEILS POUR TERMINER

Comment ne pas citer dans cette chronique, l’Empereur Smith, une aventure de Lucky Luke, imaginée par Goscinny et Morris, qui raconte la fantasque aventure d’un homme qui se prend pour l’Empereur des Etats Unis, et dont le modèle est, bien sûr, Napoléon.

Et, pour terminer en apothéose, Goscinny, encore lui, avec son complice Uderzo, ont imaginé le voyage d’Astérix en Corse, un chef d’œuvre d’humour, qui se termine par l’avertissement du héros corse à un Romain vaincu : « Pour que les Corses acceptent un Empereur, il faudrait qu’il soit Corse lui-même ! ».

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