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"La bête" : noir Marsupilami
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Dominique  Clausse pour Culture Tops

Dominique Clausse pour Culture Tops

Dominique Clausse est chroniqueur pour Culture Tops

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La bête

Textes : Zidrou, Dessins : Frank Pé
Editions Dupuis - p. 155 - 24,95 €

Recommandation

BonBon

Thème

Pour les rares d’entre vous qui ne le connaîtraient pas, le Marsupilami est un étrange animal qui ressemblerait à un félin jaune tacheté de noir mais avec une très longue queue de plusieurs mètres. Ce fantastique animal est né de l’imagination de Franquin, dans l’album Spirou et les Héritiers, paru en 1952. Franquin en a fait un ressort comique extraordinaire des aventures de Spirou, qui a fait exploser de rire plusieurs générations de lecteurs. La célébrité incroyable du Marsupilami a été telle qu’il a eu droit à sa propre série (plus de 30 albums parus), à un film réalisé par Alain Chabat, et à un nombre incalculable de produits dérivés.

Voici donc, en 2020, une nouvelle aventure de ce célèbre animal. L’idée de départ est très originale : imaginer le Marsupilami, comme un animal sauvage errant dans la Belgique des années 50. Zidrou et Frank Pé le dépouillent de toute sa force comique pour en faire le héros d’une aventure aux accents dramatiques. Amené de force en Europe par des contrebandiers peu scrupuleux, ce Marsupilami moribond est recueilli par un enfant attachant, le petit François, et sa mère, la délicieuse Jeanne. Il va tenter de se refaire une santé au sein de cette famille accueillante bien que vivant dans une extrême pauvreté. Mais les démêlés incessants de François avec ses camarades de classe vont avoir des répercussions dramatiques.

Points forts

Commençons par le dessin de Frank Pé, magistral, comme souvent avec cet artiste du crayon. La séquence d’introduction, d’une vingtaine de pages, qui met en scène l’arrivée du Marsupilami en Belgique est simplement magnifique. Puis, tout au long de la BD, il installe, avec beaucoup de talent, ses personnages, ses décors, et réalise un travail sur les cadrages qui donne un rythme soutenu, presque cinématographique, au récit.

J’ai aussi beaucoup aimé les nombreux clins d’œil au journal qui a vu naître le Marsupilami, le journal de Spirou. Un professeur qui ressemble à Franquin, un proviseur avec des faux airs de Jijé, ou un patient en salle d’attente qui nous rappelle Yvan Delporte, sont autant de référence à cette célèbre école belge de la BD. Et ce n’est forcément pas par hasard que cette histoire se situe à Bruxelles dans les années 50, pendant l’âge d’or de ce journal. Je serais Zidrou, je ferais finir l’aventure par une adoption du Marsupilami par Gaston Lagaffe dans les bureaux du journal !

Zidrou, justement, scénariste prolifique de la Bande Dessinée, met en place une galerie de personnages tous très attachants, avec en premier lieu ce « couple » constitué par le jeune François et sa mère, Jeanne, qui vit dans l’invraisemblable et fantastique ménagerie constituée de tous les animaux abandonnés que François recueille avec tendresse. On tombe vite sous le charme de Jeanne, héroïne meurtrie par la vie, mais d’une formidable résilience.

Points faibles

Il faut accepter le principe d’un Marsupilami sauvage et dépourvu d’humour, et donc aux antipodes de la création originale. Si ce principe permet aux auteurs de ne pas être victimes d’une forme de respect excessif qui aurait forcément été inhibant, il déroute complètement les amateurs du facétieux animal. On est très loin des « Houba Hop » pleins de naïveté et même la référence au nid du Marsupilami ne nous arrache qu’un sourire un peu forcé.

Par ailleurs cette BD aligne les rebondissements mélodramatiques de façon un peu convenue et excessive, peinant à nous tenir en haleine, jusqu’à la dernière page, où l’on découvre en outre qu’il va falloir patienter pour connaître la suite de l’aventure. Ça tire un peu en longueur.

En deux mots ...

PAS SI « HOUBA HOP »

C’est toujours une position compliquée pour un chroniqueur de sortir d’une BD, où tout est beau et rempli de qualités, sans vraiment accrocher à l’histoire. Tout se joue dans l’acceptation de ce Marsupilami sombre et presque banal. Si vous entrez dans ce jeu, vous devriez passer un excellent moment, tant le talent des deux auteurs est grand. Mais si, comme moi, vous restez attachés à l’original, et êtes un peu déstabilisés par cette noirceur, il ne vous restera qu’à refermer les pages de cette « Bête » et de vous précipiter sur l’album n° 12 des aventures de Spirou et Fantasio, Le nid des Marsupilamis, pour vous marrer un bon coup, dans une bouffée de nostalgie assumée.

Une illustration

L'auteur

(d’après le site BDGest)

Né le 15 juillet 1956 à Ixelles, Frank Pé effectue trois années d'Arts plastiques à l'Institut Saint-Luc de Bruxelles et publie sa première Carte blanche dans SPIROU en 1973, avant de s'attaquer à un récit d'aventures exotiques intitulé Comme un animal en cage, sur scénario de Terence (Thierry Martens), le rédacteur en chef de l'époque. Il livre des illustrations à la rubrique "Nature-Jeunesse" et crée le personnage de "Broussaille" pour animer sa propre vision dans ce domaine.
Double de son créateur, Broussaille devient vite un héros de bande dessinée à part entière pour vivre des récits complets, puis de grandes aventures à la fois poétiques et philosophiques : Les Baleines publiquesLes Sculpteurs de lumièreLa Nuit du chat... Avec son complice et ami, le scénariste Bom, Frank y décrit la maturation de ce jeune adolescent sur un mode tantôt écologique, tantôt fantastique, toujours sensible et proche de la vie quotidienne. En parallèle, Frank développe, de 1981 à 1986, le personnage de "L'Elan" en mini-strips. Pour les Editions Delcourt, il a conçu et illustré en 1989, avec Franquin, Hausman et Cabanes, pour ne citer que ceux-là, le livre Entre Chats dédié à ces joyeux félins. Passionné par la nature - il a élevé plus de 50 espèces de reptiles dont 16 crocodiles et possède un jardin botanique - et la peinture, Frank compose, avec le scénariste Bonifay, la trilogie de Zoo pour la prestigieuse collection "Aire Libre

Né en 1962 à Bruxelles, Benoît Drousie, dit Zidrou, suit des études d'instituteur et enseigne durant six ans. Assez vite, la plume le taquine. Il écrit des chansons pour enfants, s'essaie à l'écriture dans le journal Tremplin. En 1991, il fait ses débuts aux Éditions Dupuis en tant que scénariste pour De Brab dans le numéro spécial de Noël de Spirou. À partir de 1993, il devient l'un des scénaristes les plus prolifiques du journal : animations, histoires courtes, gags, et bientôt des séries.
Coup sur coup, il entame Les Crannibales avec Fournier, Le Boss avec Bercovici, Tamara avec Darasse. Aux Éditions du Lombard, L'élève Ducobu s'impose comme un véritable best-seller. Les tribulations de ce cancre sympathique, certainement inspiré par ses années passées à enseigner, séduisent un très large public et révèlent Zidrou comme un gagman de choix. Dix ans après ses débuts, le scénariste a l'envie d'explorer des pistes plus adultes. Il écrit plusieurs scénarios, sombres, qui dans un premier temps ne reçoivent qu'un écho restreint. En 2009 et 2010, Dupuis publie deux recueils de ses nouvelles en bande dessinée qui remettent en lumière cette face méconnue de son inspiration. En 2010 toujours, Zidrou écrit pour Jordi Lafebre Lydie aux éd. Dargaud, une poignante histoire de famille qui est unanimement acclamée. Depuis cette réussite, Zidrou se partage entre des séries familiales humoristiques et des histoires plus tortueuses, parvenant toujours à ajouter beaucoup d'humanité à ses récits, quelque ce soit le genre abordé.

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