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 L’incendie de la cathédrale de Paris va entraîner une telle vague de solidarité financière qu’il faudra en tirer les leçons
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico business

Le Cac 40 va casser sa tirelire et payer l’impôt Notre Dame de Paris. Pour que la cathédrale soit rénovée, preuve que le contribuable peut être généreux s’il sait précisément à quoi sert son argent.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Dès les premières images de la cathédrale de Paris en proie aux flammes, les dons ont commencé à affluer du monde entier... Parce que tout le monde a su dès cet instant qu’il faudra reconstruire ce joyau de la chrétienté mais aussi de l’Histoire de France.

« On ne peut pas comprendre l’Histoire de France et des Français, si on n’est pas émus par la cathédrale de Paris » disait Michelet.  Et l’émotion prouve bien que les Français, qui ont montré une très grande émotion, savent d’où ils viennent.

La tour Eiffel est un pur produit du 19e siècle et de la révolution industrielle. La tour Eiffel incarne Paris. Notre Dame de Paris est le produit de notre civilisation et incarne la France et l’Europe toute entière.

Dès les premières heures du drame, la famille Pinault fait savoir qu‘elle va débloquer cent millions d’euros, via sa société d’investissement Artémis. « Cette tragédie frappe tous les Français et bien au-delà, tous ceux qui sont attachés aux valeurs spirituelles. Face à un tel drame, chacun souhaite redonner vie au plus vite à ce joyau de notre patrimoine », a écrit François-Henri Pinault le président de la holding familiale et du groupe de luxe Kering.

Peu de temps plus tard, c’est la famille Arnault (LVMH) qui promet de régler, via LVMH et la fondation Arnault, 200 millions d’euros pour participer à la reconstruction. Total annonce qu’il va débloquer la même somme. Puis Michelin, Axa, BNP Paribas, Cap Gemini. Dans les 15 jours, les entreprises du CAC 40 pourraient dégager plus d’un milliard d‘euros. Selon les estimations les plus rapides, il faudra sans doute 2 à 3 milliards pour redonner à la Cathédrale toute la magie qui était la sienne. C’est évidemment possible.

Le soir-même de la catastrophe, le président de la République a pris la mesure de l’évènement. Emmanuel Macron choisi de se projeter vers l'avenir. Avec beaucoup d’émotion : « Cette cathédrale nous la rebâtirons, tous ensemble » a-t-il martelé. Et pour que ces mots ne soient pas prononcés en vain, il lance un appel : « Dès demain, une souscription nationale sera lancée... Nous rebâtirons Notre-Dame parce que c'est ce que les Français attendentparce que c'est ce que notre histoire mériteparce que c'est notre destin profond. » On peut aussi penser à une reconstruction plus écologique et contemporaine, sans dénaturer l’édifice original. Les architectes planchent déjà sur la question et il faudra de toute façon se donner les moyens.

Emmanuel Macron a donc annoncé qu’une « souscription nationale » sera lancée pour rebâtir la cathédrale. De son côté, la Fondation du patrimoine annonce qu‘elle ouvre, dès ce mardi, une "collecte nationale" pour la reconstruction de Notre-Dame. 

Plusieurs cagnottes en ligne ont également été créées pour lever des fonds et financer la reconstruction de l’édifice. Sur le site Leetchi, l’une de ces cagnottes, intitulée « Financement des réparations de Notre-Dame de Paris », avait déjà récolté plus de 11 500 euros mardi soir, de l’argent qui sera intégralement « reversé pour Notre-Dame de Paris », assure la personne à l’origine de cette cagnotte.

A l’étranger, mêmes émotions, mêmes réactions. Aux Etats-Unis, les appels à des contributions ont été immédiatement lancés par des personnalités venant de tous horizons. De Barack Obama à Donald Trump lui-même. Mais les Américains ont une longue culture de ce type de solidarité. N’ont-ils pas financé une grande partie de la rénovation du château de Versailles ? Ils étaient eux-mêmes déjà sollicités dans le programme de rénovation qui avait cours en ce moment.

Personne ne sait précisément combien de temps il faudra pour reconstruire la cathédrale de Paris, effacer les stigmates de cette tragédie et retrouver ce mystère qui faisait l’admiration du monde entier. De Victor Hugo au Da Vinci code. Personne ne sait ce que ça coutera exactement... mais tout le monde a la conviction qu’il faudra remettre Notre-Dame de Paris en état. Et qu’on trouvera l’argent. Et même assez facilement.

L’émotion suscitée est évidemment légitime. Mais au-delà du monde des croyants, la cathédrale envoyait un tel message de paix, de puissance et de mémoire culturelle que sa restauration n’est même pas discutable.

La précipitation avec laquelle s’organise la mise en place de la collecte de dons nous offre une formidable leçon en cette période de difficultés.

D’abord, la réaction des gens riches ou moins riches mérite autre chose que du sarcasme. C’est vrai que tous ces gens se disent écrasés par les impôts et réclament des baisses de prélèvements. Mais c’est vrai aussi que face à des grandes causes, ils acceptent  de casser leur tirelire.

Alors il y a du marketing dans les entreprises du CAC 40 qui dégagent de l’argent. Beaucoup font de l‘image. Mais il n y a pas que du marketing.

La vérité, c’est que le contribuable (riche ou pauvre)  n‘hésite pas à contribuer dès qu‘il sait précisément à quoi son argent sera consacré. Que ce soit lors du Téléthon ou du Sidaction, des campagnes de protection du patrimoine ou de l’environnement, les Français se montrent extrêmement généreux. Et plus généreux aujourd’hui avec la fin de l’ISF qu’auparavant.

Les Américains ont poussé et encouragé, via les fondations, via des dispositifs fiscaux, à multiplier de telles contributions : dans le domaine culturel, patrimonial ou social. Les musées, les écoles (grandes ou petites), les hôpitaux vivent plus de contributions volontaires que de contributions obligatoires et budgétaires.  C’est une première leçon.            

Ensuite, l’argent qui sera dépensé dans la restauration de Notre Dame qui est un bâtiment public, n’ira pas se perdre (du moins peut-on l’espérer) dans des méandres administratifs ou bureaucratiques. Il servira à reconstituer ce qui était un lieu de recueillement certes pour les catholiques, mais aussi ce qui incarnait la France, son histoire, sa civilisation bâtie depuis le 13ème siècle et cette incarnation était une composante essentielle de la marque France, de sa puissance et de son rayonnement. C’est donc bien un actif public qui appartient à tout le monde. D‘où la légitimité des contributions publiques et populaires.

L’engouement des donateurs, riches ou pauvres, prouve au moins que la grande majorité des Français, croyants ou non, se souvient de son histoire parce que lundi soir, l’incendie du plus grand monument brûlait notre mémoire et ça, c’était insupportable.

A une époque où l’ensemble des Français cherchaient les raisons et les moyens de vivre ensemble. C’est une deuxième leçon.

Enfin, on ne peut pas, devant l’écho et la résonnance de cette catastrophe, ne pas regretter qu’on ne puisse pas assister à la même solidarité quand la société dans laquelle nous vivons est en crise et nécessite une restauration. Notre modèle de vie en société puise ses racines dans le Moyen-âge, l’époque où on commençait à construire les cathédrales, mais ce modèle s’est conforté au 19e siècle lors de la révolution industrielle et capitaliste. C’est ce modèle-là qui est en crise et qui provoque parfois des catastrophes socio-politiques. La France est en risque de catastrophe sociale. Elle aurait besoin d’un vaste élan, d’une prise de conscience et d’une rénovation complète de son fonctionnement.

Quand Emmanuel Macron explique en pleine nuit que nous reconstruirons la cathédrale de Paris parce que c’est notre destin, il pense aussi à la nécessité de reconstruire « la France » parce que ça c’est sa responsabilité. La question est de savoir s’il est totalement audible de tous les Français. Le risque est grand de voir cette France revenir à ses querelles contradictoires de gilets jaunes. Et pourtant, les Français sont capables d’émotion face à l’injustice d’une catastrophe accidentelle qui attente à sa mémoire et à son histoire.

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