"J’applique l’intelligence du son dans mon travail" : les confidences de Thierry Marx<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Style de vie
"J’applique l’intelligence du son dans mon travail" : les confidences de Thierry Marx
©MIGUEL MEDINA / AFP

Bonnes feuilles

Nous naissons tous dotés de 10 formes d’intelligences différentes logées dans le cerveau. Les systèmes scolaire, familial, social, sociétal, nous en détournent dès la petite enfance, ne nous permettant pas de les développer, notre corps les oublie… nous flottons. Autrement dit, nous suivons un chemin dicté par un schéma préétabli sans prêter attention à ce pour quoi nous sommes réellement doués ! Extrait de "Vous êtes 10 fois plus intelligent que vous ne l’imaginez !" de Christophe Bourgois-Costantini, publié aux Editions First. 2/2

Christophe Bourgois-Costantini

Christophe Bourgois-Costantini

Christophe Bourgois-Costantini est écrivain, jazzman, conseil en intelligence commerciale, coach corrélateur et cofondateur de l’agence Athem, leader de la mise en scène urbaine. Il a reçu le prix du Premier Roman du Festival international du film policier de Beaune pour La Note Noire aux Éditions du Masque, le prix du Centaure noir pour Lames de fond aux Éditions Glyphe, deux places de finaliste au prix du Polar francophone pour La Note Noire et Lames de fond et une place de finaliste au prix de la Plume de Cristal pour À pas comptés aux Éditions Michel Lafon.

"Vous êtes 10 fois plus intelligent que vous ne l’imaginez !" de Christophe Bourgois-Costantini

Voir la bio »

La cuisine est sa religion, au sens propre du terme. Les sens infusent ses plats, mais plus essentielles encore sont les volutes qui se dissipent de ses assiettes en arabesques poétiques : la parabole de ses talents.

« Le mental est un mot-valise, cosmétique, dit Thierry Marx, mais on ne sait pas ce que c’est tant qu’on ne l’a pas pratiqué. Apprendre à mettre du temps entre les émotions et l’action demande un vrai travail. Il faut un projet, sinon l’homme s’incline devant le mental. À l’INSEP, on ne parle que de médailles, pour nous ce sont des étoiles ; mais ça ne nous rend pas heureux. Où est le plaisir ? Il est dans la relation à l’autre, à la nature, au bien-être et à la santé. »

Le mot « performance » ne heurte pas Thierry Marx : « J’aime cette notion au sens des Grecs anciens ou telle qu’on la retrouve en Asie. Un cheminement où l’on ne parle pas d’échecs ni de réussites. Une voie sage qui allie la dynamique, la rigueur, le shitsuké japonais, le “ je me projette”, à l’engagement du corps et de l’esprit et la régularité de son application. Le vrai défi consiste à savoir comment rester dans cette voie malgré l’accélération que l’on connaît tous. La notion de performance s’est dévoyée quand tout a été plus vite, au moment de la mise en connexion de l’informatique en réseau. »

« J’ai compris très tôt le sens du geste, du mouvement »

L’habileté kinesthésique de Thierry Marx est très particulière. Le physique est, pour lui, une manière d’apprendre autrement quand on n’a pas eu la chance ou la faculté de fréquenter l’école comme tout le monde. « Au collège, il m’a fallu trouver une autre voie. Je me bagarrais beaucoup. Le cadre éducationnel et organisationnel m’a été donné par le judo et la boxe. C’est là que j’ai fait mienne la théorie des trois M : mimétisme, mémoire, maîtrise. Cela m’a “préforgé” à entrer dans la vie en sachant que je devais garder le cadre, mais que la vie allait être un combat. J’ai compris très tôt le sens du geste, du mouvement, par mimétisme. Dans tous les sports de combat, on a une analyse rapide de l’adversaire.

Le geste est très important. Savoir où mettre la main… Mais on n’effectue jamais le mouvement que l’on voudrait effectuer. C’est le satori : le geste a un sens, il n’y a pas de place pour le hasard. Plus il va être précis, dans le bon timing, plus il va rendre heureux. Les outils du feu, du geste et du bon timing font un grand cuisinier. »

À l’école, Thierry Marx n’était pas très bon en logique-mathématique. Elle constituait pour lui un obstacle à la créativité. La rationalisation ressemblait, pour lui, à une analyse froide qui ne sortait pas du corps, qui était loin du ressenti. Il ne l’a développée que bien plus tard. En revanche, son intelligence spatiale est hors norme : « Elle m’est venue très tôt. J’ai vécu dans un univers hostile, la cité, dans laquelle une rapidité à 360 degrés était déterminante. Il fallait être un petit chef très vite, pour tout voir. J’enseigne à mes jeunes apprentis la capacité à anticiper ce qui se passe derrière soi. Quand je suis entré chez les commandos, j’étais très impressionné par la phrase fétiche du général Bigeard “souple et résistant comme le cuir, félin et manoeuvrier”. Je l’exerce beaucoup, car il faut rester un esprit présent et entreprendre. »

« J’applique l’intelligence du son dans mon travail »

Thierry Marx possède une aptitude musicale très importante ; les voix l’ont toujours fasciné. « Surtout celle de Piaf, que ma grand-mère appréciait. La musique classique avait des vertus apaisantes sur moi, mais on ne devait pas en écouter car c’était une musique de riches. J’applique l’intelligence du son dans mon travail, je découpe en rythme. Un plat est une musique. Un lièvre à la royale est un oratorio, un mélange de joie et de tristesse. Une saucisse-frites, plat populaire par excellence, c’est trois gestes, comme dans la variété. La cuisine est un rythme autour du geste, du feu, du temps. Je m’y entraîne tous les jours. Une fois que j’ai ça, je peux composer. Je suis dans l’instant. La nature m’a donné cette maîtrise-là. La grande cuisine n’est que cela. »

L’aptitude verbo-linguistique de Thierry Marx a mis du temps à émerger et elle est liée en partie à une intelligence des sons : « Je suis issu d’une famille où l’on ne parlait pas. Le bruit familial était dans le silence. Il fallait écouter chaque mot, chaque sonorité, et ils étaient rares. On n’exprimait pas ses émotions. Ce n’est que vers 25 ans que je me suis intéressé au verbe, par le biais des grands aventuriers. Jack London, par exemple. Je les ai lus une première fois, mais sans les saisir vraiment. J’ai senti que dans le verbe, il y avait une arme qui me permettait de sortir de l’agressivité. Une nouvelle respiration, le bon mot pour ne pas créer les maux. J’ai appris à me nourrir de littérature, Céline, Stendhal, Mallarmé. Puis je les ai relus à partir de 35 ans pour essayer de les comprendre. Mes origines modestes ne me conduisant pas à m’exprimer, j’ai suivi une formation de prise de parole en public. »

« La théorie de l’épicier »

La maîtrise du verbe a permis à Thierry Marx de développer une grande aptitude relationnelle : « Le mot est devenu une arme supplémentaire pour séduire un banquier, un client, pour sembler instruit et pouvoir monter l’échelle sociale. Une forme de réconciliation dans ma pathologie d’avoir arrêté l’école. Et plus la voix progresse, plus on est sensible aux mots, plus on va rencontrer des gens qui savent s’en servir et qui vont vous instruire. Hélie Denoix de Saint Marc, militaire et grand résistant, qui était l’un de mes mentors, disait des choses essentielles, notamment sur l’école du deuil : “Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu.” Cette phrase est celle qui m’a le plus frappé. C’est la quintessence de l’humilité. Comme le tamashi yaki, l’art de couper avec des références au passé, de regarder les choses en face pour progresser. Le passé est passé. Je fais pratiquer souvent un simple test à mes équipes à ce sujet en leur demandant de tenir une main derrière et une main devant, puis d’exercer une tension pour sentir la gêne de la main arrière. »

Thierry Marx a composé très tôt avec sa solitude, et il estime, de ce fait, savoir qui il est et ce qu’il est en mesure d’affronter. Son travail est passé par le sabre, le judo, la méditation, pour être, selon ses mots, « toujours affûté ». Il relie cette aptitude à la spiritualité : « C’est une prise de conscience que j’ai eue très jeune. Je n’étais pas vraiment juif, pas vraiment catholique… J’étais interdit de tout, en fait. Je me rendais souvent dans des églises pour lire les Évangiles, celui de Matthieu, par exemple. C’était une forme de nourriture contre ma solitude. Cela me rendait plus fort. Puis j’ai découvert d’autres courants spirituels. Il faut croire en Bouddha, mais ne pas compter sur lui. C’est cela l’essence de la religion. C’est la parabole des talents de l’Évangile de Matthieu. »

Avec ses mots, ceux de la nourriture et de la cuisine, Thierry Marx résume joliment le mécanisme des intelligences : « La corrélation de ces aptitudes m’aide énormément dans mon quotidien : tout se met en place. C’est la théorie de l’épicier : si tu as tout pesé et tous mis dans la balance, tu obtiens l’équilibre. C’est de cette façon qu’on parvient au lâcher-prise. Il faut être dans le présent. Le futur sera du présent quand on y sera, donc il ne sert à rien de l’imaginer. Je considère qu’il ne faut pas être dans le désir, mais savoir rester en équilibre. À l’image de la libellule qui rencontre un obstacle : elle stationne, évalue et trouve une solution car, mécaniquement, elle ne peut pas reculer. Ces intelligences nous permettent d’être disponibles avec la vie, mais intime avec la mort. »

Extrait de "Vous êtes 10 fois plus intelligent que vous ne l’imaginez !" de Christophe Bourgois-Costantini, publié aux Editions First

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !