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"Dette" et "dépenses publiques" : deux notions-clés pour comprendre l'économie
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Bonnes feuilles

Si les médias ne cessent de parler de dette et de dépenses publiques, ils vulgarisent parfois à l'extrême ces deux notions. Marc Touati nous éclaire sur ces deux termes. Extrait de "Le dictionnaire terrifiant de la dette" (1/2).

Marc Touati

Marc Touati

Marc Touati est économiste et président fondateur du cabinet ACDEFI (aux commandes de l'économie et de la finance). Il s'agit du premier cabinet de conseil économique et financier indépendant au service des entreprises et des professionnels.

Il a lancé en avril 2013 la pétition en ligne Sauvez La France.com pour diminuer "les impôts", les "dépenses publiques superflues" et "retrouver le chemin de la croissance" afin de "sortir par le haut de cette crise".

Il est également l'auteur de Quand la zone euro explosera, paru en mars 2012 aux Editions du Moment. Son dernier livre est Le dictionnaire terrifiant de la dette (Editions du moment, mars 2013).
 

 

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Dépenses publiques

Oui, un pays développé comme la France a besoin d’un État fort et de dépenses publiques importantes. Ces dernières doivent effectivement permettre d’assurer la sécurité du pays, de ses citoyens, de mettre en place une justice efficace, un système éducatif performant, le tout en garantissant une croissance économique durablement forte, un chômage faible, une réduction de la pauvreté et des inégalités. Si la dépense publique parvient à tout cela, alors elle est non seulement justifiée, mais également indispensable. Relevons-nous ce défi aujourd’hui dans l’Hexagone ? Sans vouloir jouer les Cassandre, nous en sommes loin. Certes, nos infrastructures routières, ferroviaires, portuaires et aériennes sont exceptionnelles. Certes, l’école est gratuite, du moins jusqu’au Bac. Certes, le système de santé est plutôt performant.

Toutefois, depuis dix ans et à fortiori depuis cinq ans, nos « performances » économiques et sociales ont été déplorables. La croissance française n’a jamais été aussi faible. Le taux de chômage ne cesse de croître. La sécurité intérieure laisse de plus en plus à désirer. L’ascenseur social est bloqué au rez-de-chaussée depuis des années. L’égalité des chances à l’école et devant la maladie est loin d’être assurée. Le nombre de Bac +5 sans emploi devient affolant… Autant de piètres résultats malgré une débauche de moyens publics impressionnants. Ainsi, le poids de nos dépenses publiques dans le PIB atteint 56,3 %, contre 52,6 % en 2007. À l’exception du Danemark (avec un niveau de 58 %), aucun pays européen n’arrive à un tel sommet.

Loin de ces niveaux, la part des dépenses publiques dans le PIB atteint 49,3 % pour l’ensemble de la zone euro, 44,9 % en Allemagne, 42,7 % en Espagne. Même la Grèce a réduit la voilure, avec un niveau de 50 % en 2012, contre 54 % en 2009. Au niveau mondial, sur les 188 pays recensés par le FMI, seuls quatre font « mieux » que le Danemark et la France : l’Irak, les îles Kiribati, le Lesotho et la Monarchie des Tuvalu…

Bref, la France est bien le seul grand pays de la planète à s’engager dans une augmentation maladive de ses dépenses publiques, et ce, sans parvenir à améliorer sa croissance. De la sorte, elle enregistre un déficit permanent, qui accroît continuellement la dette publique. Il est grand temps d’arrêter les dégâts.

Dette publique

Lorsque l’on observe l’évolution récente de la dette publique des pays européens et en particulier celle de la France, une question revient souvent : comment en est-on arrivé là ? Autrement dit, comment la dette publique française a-t-elle pu passer de 20 % du PIB en 1980 à 59 % au milieu des années 1990 et à plus de 90 % en 2012 ? L’évolution de ce ratio est encore plus inquiétante depuis quelques années : 64,2 % en 2007, 79 % en 2009, 86 % en 2011 et certainement 100 % en 2013. Et encore, par convention comptable, la dette publique française (comme ses homologues européennes d’ailleurs) n’intègre pas le « hors-bilan », c’est-à-dire le paiement des retraites des fonctionnaires. Si tel était le cas, nous serions plutôt autour des 130 % du PIB.

En monnaies sonnantes et trébuchantes, le choc est encore plus effroyable. De 92 milliards d’euros en 1980, la dette publique a atteint 515 milliards en 1993, 1 000 milliards en 2003 et sera d’au moins 2 000 milliards en 2013 ! Bien sûr, entre-temps, les prix ont également progressé de 172 %. Toujours est-il que de 1980 à 2013, la dette publique française a explosé de 2 073 % en valeur et de 1 901 % en volume (c’est-à-dire sans inflation). De quoi donner le vertige…

Comment, en si peu de temps, la France a-t-elle pu passer d’une dette relativement normale à une dette aussi explosive ?

La réponse est malheureusement simple. La dette publique n’est que le cumul des déficits publics annuels. Plus ces derniers augmentent, plus la dette flambe. à partir du moment où la croissance économique ne suffit pas à rembourser les intérêts de la dette, alors cette dernière devient cumulative et auto-entretenue. Et encore, il faut noter que, dans son malheur, la France a bénéficié d’un atout incroyable, en l’occurrence des taux d’intérêt bas pour les obligations du Trésor. Lorsque ces derniers remonteront, ce qui se produira inévitablement en 2013, l’écart entre la croissance et la charge d’intérêts de la dette s’agrandira et la bulle de la dette deviendra encore plus explosive. Eh oui ! avec la dette publique, c’est un peu comme avec un célèbre liquide vaisselle jaune : « Quand il n’y en a plus, il y en a encore… »

Le seul moyen de stopper l’hémorragie puis d’inverser la tendance serait déjà de restaurer une croissance durablement forte et ensuite d’obtenir un excédent des comptes publics. Seulement voilà, la dernière fois que la croissance française a été forte pendant plus de deux ans remonte aux années 1998-2000. Ce « phénomène » relativement court n’a pas permis de retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire. C’est bien là que réside le mal principal de la puissance publique française : elle ne sait produire que des déficits sans réussir à relancer la croissance et à faire baisser le chômage. Le dernier excédent des comptes publics remonte à 1974.

Aujourd’hui encore, en dépit d’autant d’années de déficits sans croissance et de gaspillage des deniers publics, le gouvernement français n’a aucunement l’intention de renverser la vapeur. Plus grave, de nombreux Français jugent ce comportement normal.

Il est donc urgent de réagir. Non, une dette publique de 100 % du PIB n’est pas acceptable ! Non, une croissance économique structurellement inférieure à la charge d’intérêts de la dette publique n’est pas supportable ! Non, il n’est pas sérieux et responsable de laisser encore filer la dépense publique et de se contenter d’augmenter les impôts !

Tant que nos dirigeants n’auront pas compris ces éléments de bon sens, la crise de la dette publique enflera. À ce rythme, cette dernière atteindra aisément les 2 500 milliards d’euros en 2017. Dans ces conditions, l’économie française ne connaîtra pas de rebond et les crises sociales et sociétales deviendront notre quotidien.

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Extrait de "Le dictionnaire terrifiant de la dette", Editions du Moment (mars 2013)

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