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 Décolonisation : un juteux business toujours d'actualité
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Bonnes feuilles

Il existe assez de racismes véritables pour que l’on n’en invente pas d’imaginaires.Depuis trente-cinq ans, le terme d’« islamophobie » anéantit toute parole critique envers l’islam. Il a pour double finalité de bâillonner les Occidentaux et de disqualifier les musulmans réformateurs.Une grande religion comme l’islam n’est pas réductible à un peuple puisqu’elle a une vocation universelle. Lui épargner l’épreuve de l’examen, entrepris depuis des siècles avec le christianisme et le judaïsme, c’est l’enfermer dans ses difficultés actuelles. Et condamner à jamais ses fidèles au rôle de victimes, exonérées de toute responsabilité dans les violences qu’elles commettent (2/2).

Pascal Bruckner

Pascal Bruckner

Pascal Bruckner est un romancier et essayiste. Il est l’auteur, entre autres, de La tentation de l’innocence (prix Médicis de l’essai, 1995), Les voleurs de beauté (prix Renaudot, 1997), Misère de la prospérité (prix du Meilleur livre d’économie, prix Aujourd’hui, 2002), Le fanatisme de l’Apocalypse (prix Risques, 2011) et Un bon fils. Son œuvre est traduite dans une trentaine de pays.

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La décolonisation est un leurre : elle n’a pas eu lieu. À en croire des avis autorisés, nous vivrions dans la France de 2017 une situation analogue à celle des années 20 quand Paris exerçait un magistère, sans restrictions, sur l’ensemble des quatre continents. Ce tabou doit être brisé toutes affaires cessantes : c’est la « fracture coloniale » qui expliquerait la situation de fragilité et de marginalisation des enfants issus de l’immigration, Noirs et Maghrébins à qui l’on applique les schémas en usage dans l’ex-Empire. Selon Pascal Blanchard, les Maghré- bins se replieraient sur la religion parce que le pays ne veut pas d’eux .

« Nos parents et grands-parents ont été mis en esclavage », affirmait d’autre part L’Appel des Indigènes lancé par plusieurs collectifs durant l’hiver 2005 : « Nous fils et filles d’immigrés, nous sommes […] engagés dans la lutte contre l’oppression et la discrimination produites par la République postcoloniale […] Il faut en finir avec des institutions qui ramènent les populations issues de la colonisation à un statut de sous-humanité. » L’un des auteurs de cet appel, Sadri Khiari, qui se définit lui-même comme un indigène, un « non Blanc, un colonisé », soucieux de souligner les liens entre colonialisme et racisme, espère un jour « intégrer les Roms à la dynamique décoloniale qui s’ébauche » dans les cités. La colonisation des Roms par la France est un épisode bien connu de l’histoire mondiale ! Le 21 juin 2010, une pétition lancée dans Libération et signée, entre autres, par Éric Hazan, Antoine Volodine, Siné, Rokhaya Diallo dénonçait dans les forces de l’ordre, qui s’étaient fait tirer dessus par des « gamins » des cités à Villiers-le-Bel, une ville de la banlieue estparisienne, des « forces d’occupation » en guerre contre le peuple forcément caricaturé comme un ensemble de « délinquants polygames à femmes en burqa ».

La France ne veut toujours pas affronter son passé colonial en Algérie, explique de son côté le spécialiste Benjamin Stora, en dépit du fait que plus de trois mille livres aient été publiés, certes tardivement, sur le sujet, une cinquantaine de films de fiction et une trentaine de documentaires tournés sur cette période . Quant à l’immigration, elle est inéluctable et indispensable disait en 2011 un « groupe d’éminentes personnalités », Joschka Fischer, Javier Solana, Timothy Garton Ash, car elle comble le déficit démographique de l’Europe, elle constitue, soutiennent d’autres, la facture à payer pour la colonisation et la traite et provoquera un changement de population, que nous le voulions ou non. Le mouvement tiers-mondiste, inauguré à Bandung dans les années  50, doit se poursuivre jusqu’à la métamorphose des nations qui ont mené à bien l’entreprise impérialiste. Celles-ci ne méritent qu’un sort : la dilution pure et simple par immersion de personnes étrangères. Conclusion : la vieille France, nauséabonde et rance, doit disparaître car elle reste marquée au fer rouge par son passé criminel. La seule vocation de l’Europe est de devenir une terre d’accueil pour tous les hommes et de s’abolir en tant qu’ensemble blanc et judéochrétien.

Les problèmes sociaux seraient d’abord des problèmes ethniques et les quartiers rien d’autre que nos nouveaux « dominions ». Paris ferait main basse sur les cités, exploiterait leurs richesses, mènerait à leur égard une violente politique de spoliation ! Rappelons que d’autres ont voulu faire des banlieues l’équivalent des territoires occupés de Palestine, une bande de Gaza et une Cisjordanie à elles seules aux environs de Lyon, de Toulouse, de Marseille. Voilà donc que les Français deviennent des colons chez eux et qu’il faudrait les exproprier de l’Hexagone. Au lieu d’admettre que le système français décourage l’initiative, qu’un taux de chômage des jeunes de 40 % dans les cités, l’absence de qualifications, l’omniprésence des gangs rendent leur situation catastrophique, on s’invente une généalogie fantastique, on lit les Minguettes ou la Courneuve avec les lunettes des Aurès ou des Hauts Plateaux du Tonkin. On est là dans une sorte de télescopage spatio-temporel : époques et continents se superposent, le 93 et Alep, Clichy et Gaza, Bobigny et la traite. Chacun peut selon ses inclinations habiter le pays virtuel de l’esclavage et du colonialisme, devenus des concepts flous, des habitats temporaires qu’on investit pour dire sa colère, sa frustration. Or la situation dans les banlieues relève du rejet, de la séparation spatiale, non de la subordination à des fins commerciales qui fut le propre des empires. Les colons tenaient un pays, ne l’abandonnaient pas, n’en faisaient pas un « territoire perdu de la République ».

Outre la faible valeur ajoutée des études postcoloniales qui se contentent de répéter sans originalité le discours anti-impérialiste classique, elles doivent, pour se justifier, postuler que l’Occident est encore le maître du monde, ce qu’il n’est plus depuis longtemps. À vrai dire, le procès du colonialisme est rouvert, non par ce qu’il aurait été ignoré à l’école, mais par ce qu’il est pourvoyeur de clarté pour ceux qui ont la nostalgie des anciennes divisions. Toute une génération de tiers-mondistes, inconsolable des anciens combats, reprend les luttes de libération un demi-siècle après les indépendances et ânonne gâteusement son catéchisme des années 50-60. Pour une fraction conséquente de l’intelligentsia, parler de colonialisme, c’est pleurer le romantisme révolutionnaire et l’élan politique de cette période. On comprend que de nombreux historiens exploitent aussi, à travers cette appellation, un fonds de commerce juteux. Il n’en reste pas moins que dans l’expression postcolonial, il y a un mot de trop, c’est post puisqu’il s’agit de dire que rien n’a changé (il est possible que le postcolonial dure plus longtemps, en tant que discipline universitaire, que le colonialisme lui-même). 

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