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 “Aucun cadeau pour Macron” : et si les déclarations du patron de la Bundesbank révélaient la vraie stratégie de l’Allemagne vis-à-vis de la France ?
©Reuters

Ligne de fiel Macron-Merkel

Le patron de la Bundesbank Jens Weidmann a déclaré dans une interview au journal Die Welt que Emmanuel Macron "ne mérite aucun cadeau". De quoi freiner Macron dans ses ambitions pour l'Europe.

Maxime Sbaihi

Maxime Sbaihi

Maxime Sbaihi est économiste, directeur général du think-tank GenerationLibre.

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Atlantico : "Le Président français est un ami important et un partenaire, mais il ne mérite aucun cadeau". Ce sont par ces mots que Jens Weidmann, patron de la toute puissante Bundesbank a répondu aux propositions européennes d'Emmanuel Macron dans une interview donnée au journal Die Welt. Après un Conseil européen difficile sur le plan économique pour le Président français, la dureté des mots du maître de la Bundesbank, pressenti comme successeur potentiel à Mario Draghi, n'est-il pas un sérieux avertissement pour les ambitions européennes d'Emmanuel Macron ?

Maxime Sbaihi : La réaction de Weidmann n'est pas vraiment surprenante. Elle s'inscrit dans la tradition monétaire de la Bundesbank de s'opposer à toute mutualisation des dettes au niveau européen. Il faut d'abord souligner ici que Weidmann se prononce contre l'idée des eurobonds alors que Macron ne l'a jamais proposé. Là où le président de la Bundesbank contredit vraiment le nouveau président français c'est sur ses propositions de mettre en place un ministre et budget commun, même limité aux investissements d'infrastructures. C'est une mise en garde pour Macron mais il faut rappeler que la Bundesbank est uniquement la gardienne de la politique monétaire, via la BCE. Weidmann n'a pas été élu. En d'autres mots, il exprime un avis certes répandu en Allemagne, mais il ne sera pas à la table des négociations quand Paris et Berlin tenteront de se mettre d'accord sur une réforme de la gouvernance de la zone euro après les élections allemandes. Sa position n'est pas celle officielle du gouvernement allemand, et la Chancelière a d'ailleurs eu des mots plus conciliants dernièrement.

Pourtant, la volonté d'Emmanuel Macron de se rapprocher d'Angela Merkel ne fait que peu de doutes au regard des premières semaines du quinquennat, et des déclarations de campagne. Comment expliquer une telle réaction alors même que les positions d'Emmanuel Macron ont plutôt été dans le sens des souhaits de l'Allemagne ?

Berlin considère encore, à tort ou à raison, que ses voisins sont trop laxistes sur la gestion des deniers publics. Nombre de décideurs allemands sont encore allergiques à toute idée de mise en commun de la dépense publique, jugeant qu'il ne faut pas emprunter ce chemin tant que les règles budgétaires ne sont pas respectées, voire renforcées, dans la zone euro. Weidmann s'en fait le porte-parole. De l'autre côté du Rhin, la France est un pays qui ne parvient pas à réduire ses dépenses publiques et pour qui la Commission a déjà ajourné a plusieurs reprises la date de retour du déficit dans les clous des 3%. Forcément, ces antécédents ne jouent pas en sa faveur quand elle parle de rajouter, et surtout de partager, la dépense publique. Emmanuel Macron ou pas, cette méfiance reste de mise en Allemagne et le défi de Paris sera de savoir la désamorcer en offrant des garanties en échange.

Dans l'optique d'une élection qui s'annonce favorable à Angela Merkel, mais avec une probable nouvelle majorité, reposant, non plus sur le soutien du SPD, mais sur celui du FPD, parti des libéraux allemands, faut-il s'attendre à un durcissement des positions européennes de l'Allemagne, notamment sur la Grèce ? Quelle réaction peut-on attendre de l’exécutif français sur ces points, un durcissement français peut-il être envisagé ? 

Oui, les libéraux du FDP représentent un vrai danger pour les plans d'Emmanuel Macron concernant la zone euro. Dans une récente interview, leur président Christian Lindner s'est clairement prononcé contre ses propositions de mettre en place un budget commun et un parlement de la zone euro. Il semble ouvert à l'idée d'un ministre des finances commun mais prévient qu'il s'oppose à toute mutualisation des dettes, qui mènerait selon lui à un "système comparable à l'union soviétique". Il veut aussi voir la Grèce sortir de la zone euro. On a ici un discours ordo-libéral très ferme et surtout allant clairement à l'encontre des idées du nouveau président français. Après une traversée du désert, le FDP est un train de vivre une renaissance dans les sondages et pourrait bien redevenir le partenaire de coalition naturel de la CDU d'Angela Merkel si cette dernière ratait la marche de la majorité absolue au Bundestag. Si le FDP revenait au gouvernement, la CSU et l'aile droite de la CDU s'en trouveraient renforcée. Emmanuel Macron, ainsi que tous ceux espérant un renforcement institutionnel de la zone euro, auraient des soucis à se faire. Le risque serait de revenir alors dans la fameuse configuration du status quo où, faute d'accord entre ses deux principaux acteurs, la zone euro resterait dans sa force actuelle, c'est-à-dire incomplète et donc fragile.

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