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"Au secours, la droite revient!" : panique chez les bobos, un virus pire que le Coronavirus les cloue d’angoisse
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Inquiétude à gauche

Edouard Husson revient sur les clivages entre la droite et la gauche et sur les critiques portées contre la droite conservatrice.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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L'épouvantail à bobos. 

"Au secours, la droite revient!"

L'une des affiches électorales les plus ratées de l'histoire politique française date de 1986. Le Parti socialiste au pouvoir avait inventé le slogan "Au secours la droite revient!". Alors que le Premier ministre sortant Laurent Fabius avait été chargé par François Mitterrand de mettre en œuvre une politique d'alignement du franc sur le Deutsche mark - pas précisément une politique économique de gauche - les affiches étaient censées mobiliser l'électorat de gauche. J'ai le souvenir de trois affiches différentes: un avocat, une femme cadre et une gardienne d'immeuble avaient une grimace d'épouvante tandis que le slogan principal était complété par des exemples de mesures politiques libérales que le RPR et l'UDF, ensemble, s'apprêtaient à prendre. Il est probable que des affiches aussi caricaturales, qu'une droite ayant un peu d'humour aurait pu fabriquer, ont convaincu quelques centaines de milliers d'électeurs de s'abstenir.  

Ces affiches me sont revenues à l'esprit en lisant la petite salve d'articles publiés ces derniers jours par le journal "Le Monde" sur le thème de l'omniprésence médiatique dangereuse des ultraconservateurs et de l'extrême droite. Certes nous sommes trente-cinq ans plus tard; la gauche s'est totalement acoquinée avec le néo-libéralisme, dont Macron est l'ultime représentant français, qu'elle peut difficilement nous convaincre que le danger viendrait du capitalisme. En revanche, depuis quelques années, la machine à dénoncer 'la droite de la droite" revient. En l'occurrence, un article sur la domination des polémistes de la droite dure dans les débats télévisés; un autre sur le "national-populisme"; un troisième enfin sur la revue "Eléments" sont censés nous convaincre que le fascisme rôde. 

"No pasaran!"

Le Monde ne semble pas se rendre compte de l'inadéquation de tels articles avec les enjeux du moment. On aurait attendu du quotidien fondé par Hubert Beuve-Méry qu'il martèle sans relâche sur l'amateurisme de l'équipe gouvernementale en termes de réforme des retraites ou sur le 49.3 de complaisance ! Mais non, on préfère passer son temps à pourchasser un épouvantail à bobos. Et je suis un lecteur peu recommandable de ne pas prendre au sérieux la vigilance de notre quotidien du soir! Pensez donc: j'ai pris le temps de lire les articles, en.me disant que j'avais manqué quelque chose; et puis rien. J'aurai même le mauvais goût de le demander si les fameux polémistes de droite (Zemmour en tête) et leurs alliés de la gauche réactionnaire (entendez ceux qui croient encore à la République) sont autre chose que l'alibi d'un système médiatique qui pratique allègrement la chasse aux fake news - entendez une censure moderne.  Et puis je ferai savoir ma lassitude quant à l'éternel recyclage de l'antifascisme. Le fascisme est une plante vénéneuse produite par la gauche d'après la Première Guerre mondiale, traumatisée par la défaite de l'internationalisme en 1914 et pratiquant la récupération du nationalisme humilié en Italie ou en Allemagne. 

La gauche a une conception religieuse de la politique 

Mais je suis irrécupérable précisément parce que je ne suis pas de gauche. D'une part je n'ai pas une vision religieuse de la politique; d'autre part je crois à la démocratie comme lieu de la compétition des idées. 

Il faut lire et relire le très beau livre de Jean-Louis Harouel, "Droite-Gauche. Ce n'est pas fini" paru en 2017. Non seulement l'auteur y expose de façon magistrale les liens, bien connus depuis Eric Voegelin, entre la gauche et de grands courants religieux tels que la gnose ou le millénarisme. Mais il fait parfaitement comprendre le mécanisme qui a consisté depuis les Lumières, non pas à séculariser la vie mais à sacraliser la politique après avoir expulsé le christianisme du champ de la raison. Au fond pourchasser "l'extrême droite" ou les "ultraconservateurs" c'est chercher dans un monde sans Dieu à dresser les bûchers d'une nouvelle sorcellerie, d'une nouvelle hérésie. Et c'est là le plus essentiel: la gauche de 2020, comme ses ancêtres de 1920 ou de 1789, ne conçoit pas la politique comme l'espace raisonnable d'une concurrence entre des idées plus ou moins adaptées au réel  Elle y voit une question de tout ou rien, un sujet religieux. Et quand elle s'est elle-même ralliée par goût du pouvoir au capitalisme, elle soit chercher des ennemis, pour apaiser ses fidèles déçus. 

Si seulement il y avait une telle cohérence intellectuelle à droite! 

Il se trouve que la droite conservatrice intellectuelle française et les compagnons de route de la gauche républicaine ne sont pas climato-sceptiques. Sinon il y aurait eu une autre salve. Il se trouve aussi que la Manif pour Tous a raté son opposition à l'extension du champ de la PMA. Les manifestations n'ont pas la dimension de celles de 2013. Nous n'avons pas eu droit par conséquent à un amalgame élargi. Mais cela ne change rien au fait qu'une certaine gauche intellectuelle est incapable de sortir (depuis Voltaire) du complotisme et de la chasse aux sorcières. Et que la même gauche a une vision absolue de la politique, où il n'y a pas de place pour une opposition. Elle se trouve plus à l'aise avec la religion de l'Europe verte d'un Emmanuel Macron qu'avec le réalisme d'un Boris Johnson. 

C'est d'ailleurs la force de l'actuel président: il continue à plaire à une gauche médiatique qui lui sait gré, secrètement, d'avoir tué le débat. Et qui pour préparer sa réélection cherche à constituer un nouvel ennemi. Si seulement la droite intellectuelle conservatrice avait la force et la capacité d'influence que lui prête Le Monde, est-on tenté de dire. Cela permettrait un de ces débats qui font vivre la démocratie. Mais on est encore loin du compte. 

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