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« Il y a beaucoup de liens et depuis longtemps entre l’Europe et le Kazakhstan »
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Entretien

Le parti au pouvoir au Kazakhstan est largement arrivé en tête aux élections législatives de dimanche. Dans le cadre de ces élections, Aymeric Bourdin a interviewé Askar Abdrakhmanov, porte-parole au Ministère des Affaires étrangères, et Timur Sultangozhin, directeur du département Europe au Ministère des Affaires étrangères.

Askar Abdrakhmanov

Askar Abdrakhmanov

Askar Abdrakhmanov est porte-parole au Ministère des Affaires étrangères du Kazakhstan.

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Aymeric Bourdin

Aymeric Bourdin

Aymeric Bourdin est Délégué chargé de l’information sur les pays européens.

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Timur Sultangozhin

Timur Sultangozhin

Timur Sultangozhin est directeur du département Europe au Ministère des Affaires étrangères du Kazakhstan.

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Aymeric Bourdin : Hier ont eu lieu les élections législatives. Quels en sont les résultats ?

Askar Abdrakhmanov : Avec un taux de participation de 63, 3% des électeurs, les résultats des élections, qui ont été annoncés hier soir à minuit et confirmés aujourd’hui à 15h par la commission électorale centrale sont les suivants : 

Nur Otan : 71, 09%

Ak Zhol : 10, 95%

Parti populaire : 9,1%

Auyl : 5, 29%

Adal : 3, 57%

La participation est moindre que les élections législatives précédentes où la participation atteignait environ 70%.  Nous pensons qu’il y a eu un effet météo- il faisait -30 degrés – et bien sûr un effet COVID.

A l’occasion des élections législatives, le Kazakhstan fait l’objet d’une observation internationale plus attentive que d’habitude. Quels sont selon vous les enjeux démocratiques spécifiques de l’élection de 2021 par rapport aux élections précédentes ?

AA : La première particularité, c’est que ces élections sont les premières depuis la nouvelle mandature présidentielle dans notre pays. Cette étape est importante pour notre Etat qui est un régime présidentiel, quelque peu similaire à celui de la Constitution française, même s’il y a bien sûr des distinctions. Une autre particularité, c’est que ces élections ont eu lieu après le bloc de réformes initiées par le Président Tokayev, d’après le concept d’«Etat à l’écoute ». Ce concept consiste en ce que l’Etat soit plus responsable et plus transparent vis-à-vis de la population. D’après cette conception, plusieurs mesures ont été mises en place.

Tout d’abord, en ce qui concerne les élections, les exigences concernant l’enregistrement des partis politiques ont été abaissées à 20 000 participants, ce qui équivaut à une division par deux par rapport au passé.  Contrairement à la France, où de nombreux partis ont été créés dès le XIX° siècle, le Kazakhstan a vu récemment apparaitre cette diversité de représentation partisane.

Autre nouveauté : l’officialisation de la notion d’opposition parlementaire. Bien sûr il y avait des partis opposants dans la législation, mais aujourd’hui la loi garantit leur accès à des postes de responsabilité dans une des commissions parlementaires et les organes gouvernementaux, ce qui n’était pas le cas avant.

Un autre élément innovant, c’est le quota d’au moins 30% de femmes et de jeunes de moins de 29 ans sur les listes des partis.

Au parlement, il y a aujourd’hui 20 à 25% de femmes, ce qui, me semble-t-il, est comparable aux parlements de France, d’Italie, des Etats-Unis.

La dernière nouveauté, c’est l’élection des organes exécutifs locaux, organisés maintenant selon des listes partisanes et non plus personnelles comme autrefois. Cette initiative permet aux partis de se développer.

La législation concernant les manifestations a été modifiée également. Jadis les organisateurs devaient déposer une demande d’autorisation au moins quinze jours en amont. Aujourd’hui, il suffit de la notifier à la mairie, cinq jours avant. Dans certains cas, les manifestations peuvent être interdites, pour des raisons de sécurité, comme c’est le cas, sauf erreur, en France, dans des cas extrêmes comme les protestations des gilets jaunes.

Timur Sultangozhin : Dès le début de l’obtention de l’indépendance, le Kazakhstan a participé activement aux processus de dialogues internationaux. Basé sur notre participation à des organismes comme l’OSCE et autres, nous avons l’obligation d’inviter des observateurs internationaux. C’est pourquoi nous avons invité onze organisations internationales, 407 observateurs, ce qui n’est pas énorme, par rapport aux élections précédentes, mais pas si mal compte tenu du COVID.

Et il est important d’écouter ce dont témoigne chaque organisation. Bien sûr il n’y a nulle part d’élection parfaite et le Kazakhstan est une jeune démocratie qui a encore des progrès à faire vers cet idéal.

A présent a été lancé un second paquet de réformes qui incluent bien sûr tout type de changement vers une législation plus démocratique. Nous faisons un grand pas en avant.

Si vous avez été dans les centres de vote, vous avez dû voir quel soin a été apporté à ce que le processus se déroule selon les meilleurs standards. 

AA : Le président a voté hier et a dit qu’il allait annoncer dans les jours qui viennent une nouvelle étape dans les réformes à venir. Le nouveau parlement aura à discuter ces propositions.

Dans quel cadre se déroule le dialogue entre le Kazakhstan et l’UE ou encore le Conseil de l’Europe ? Sur quels sujets porte-t-il ?

TS : Brièvement, les gens sont souvent surpris d’apprendre que l’Europe est le premier partenaire commercial du Kazakhstan. Depuis l’indépendance, l’UE est un partenaire politique. Notamment via l’Accord de partenariat et de coopération renforcée, un second pas unique dans le partenariat avec l’Asie centrale. Les domaines de coopération dans ce cadre couvrent de très nombreux champs, allant de l’espace aux droits de l’Homme, en passant par l’industrie. L’année dernière son processus de ratification a abouti.

Nous avons de notre côté produit une feuille de route pour nos agences gouvernementales afin de travailler avec l’Union européenne dans ce cadre, dans 29 domaines. Maintenant nous sommes sur le point de négocier la manière dont la commission européenne peut rejoindre ce projet, en termes d’assistance technique et pratique. C’est un grand pas.

J’ai mentionné que l’UE était notre premier partenaire commercial et investisseur. Cela signifie que nous voyons l’UE comme pourvoyeuse de technologies et de larges investissements. Cela inclut l’Italie, les Pays-Bas, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, toutes ces locomotives de l’économie européenne.

Pour être franc, cela est surprenant et les gens ne l’imaginent pas, mais il y a beaucoup de liens et depuis longtemps entre l’Europe et le Kazakhstan. Les gens croient qu’il s’agit d’une Terra Incognita, quelque part loin en Asie centrale. Mais nous avons des liens historiques qui remontent à loin, que ce soient des échanges de scientifiques ou de voyageurs et commerçants le long de la route de la soie. Aujourd’hui nous ravivons cette histoire à travers l’initiative de Nouvelle Route de la Soie. A cet égard, nous développons notre propre segment de cette nouvelle Route de la Soie, que nous avons appelé « la Bonne Voie », dans laquelle nous investissons beaucoup en termes d’infrastructures ferroviaires et routières. Cette « route » permet de relier les ports de l’Est de la Chine à l’Europe de l’Ouest en 14 jours par voie terrestre.

Par ailleurs, nous ne sommes pas membres du Conseil de l’Europe, mais cela ne nous empêche pas de coopérer avec ses organes. Nous sommes membres de la Commission de Venise et du GRECO, qui est un groupe d’Etats qui travaillent contre la corruption. Nous faisons aussi partie de plusieurs conventions dans le domaine de la culture, de l’éducation, de la prévention contre l’activité criminelle, dans le secteur financier et fiscal.

Nos députés visitent régulièrement le Parlement Européen de Strasbourg et prennent parfois part aux sessions plénières.

Quels sont aujourd’hui les principaux domaines d’échanges économiques entre le Kazakhstan et la France ? Quelles perspectives pour demain ?

Laissez-moi commencer par dire que la France est un pays ami très cher. Nous avons développé avec la France un partenariat stratégique. Cela signifie un niveau de coopération très élevé. Cela fait 28 ans que nous avons des relations bilatérales avec la France. Et maintenant, la France est notre cinquième investisseur. En termes d’investissement, on parle de 16,5 milliards de dollars entre 2005 et 2020.  Nous avons 170 entreprises françaises présentes au Kazakhstan, dont Total, Danone, Alstom, Orano etc. qui sont des partenaires clés. Nous avons à ce propos une plateforme pour la coopération économique qui est un instrument phare pour le développement de projets. Dans ce sens, nous avons aussi un conseil franco-kazakhe pour les affaires et aussi une chambre de commerce industrielle.

Pour l’avenir, nous avons invité le Président Macron à venir au Kazakhstan et travaillons avec nos homologues de Paris à cette visite dès que la situation sanitaire le permettra. Bien sûr cette visite serait un accélérateur de coopération.

Le projet sur lequel nous travaillons en ce moment, c’est la feuille de route franco-kazakhe pour la coopération économique et l’investissement, d’ici 2030.

C’est un document de long terme proposé par nos collègues français que nous espérons pouvoir signer bientôt.

Nous avons aussi des liens culturels. La culture française est très connue de la population kazakhe, les chansons, les films et les livres classiques sont très populaires ici. L’apprentissage de la langue française est répandu parmi les jeunes. Il y a un jour de l’automne kazakhe en France et du printemps français au Kazakhstan. C’est une saison culturelle où nous présentons nos cultures respectives.

Enfin, je finirai en disant que le travail des Ambassadeurs kazakhstanais Jean Galiev et français Didier Canesse accélère la coopération entre nos deux pays.

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