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Sous les jupes des hommes…
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Tendances

Reluquer sous la jupe des hommes, contempler leurs mollets galbés ou leurs jambes poilues dans les territoires urbains, ça en fait rêver plus d’une! Rêver, vraiment? Et si la jupe pour hommes était en passe de devenir une réalité?

Emilie Coutant

Emilie Coutant

Emilie Coutant est sociologue, consultante en mode, médias, tendances, risques et addictions.
Docteur de l’Université Paris V, elle a soutenu une thèse intitulée “Le mâle du siècle : mutation et renaissance des masculinités. Archétypes, stéréotypes, et néotypes masculins dans les iconographies médiatiques” (2011). Fondatrice et dirigeante de la société d’études qualitatives et prospectives Tendance Sociale, elle réalise études et enquêtes sociologiques pour le compte d’entreprises ou d’institutions. Enseignante dans diverses universités et écoles de mode, elle est également Présidente du Groupe d’Etude sur la Mode (GEMode), rédactrice éditoriale des Cahiers Européens de l’Imaginaire et secrétaire du Longeville Surf Club.
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La jupe masculine s’affiche de plus en plus. Dans les médias, mais aussi sur certains hommes, dans la rue, et ce pour le plus grand plaisir des femmes. H&M a même sorti un modèle dans ses magasins en 2009, c’est dire ! L’homme en jupe devient à la mode : des livres, des articles de presse, des émissionsdetélé, des soirées (« Tous en jupes » : “Apéros du jeudi” 30 avril 2010), et bientôt uneexposition, en font l’éloge.

Les nombreux adeptes de ce vêtement, souvent des pères de familles hétérosexuels, se réunissent en associations (exemple : HommesenJupe) pour revendiquer ouvertement, et surtout publiquement, le port de la jupe, à l’instar de son célèbre représentant: Jérome Salomé, auteur du site jupeskirt.info. De nombreux groupes et pages sur Facebook attestent également d’une volonté masculine de revenir à cette parure : la jupe masculine devient cet objet symbolisant les métamorphoses actuelles du masculin, en quête d’authenticité, de confort et de liberté.

Alors, quid de cette tendance vestimentaire ? Travestissement refoulé, revendication folklorique, « branchitude » éphémère ou pantalon de demain ? La jupe pour homme n’a pas fini de soulever des interrogations.

La jupe : un vêtement de plus en plus accepté par les hommes

Dans le cadre d’une thèse en sociologie consacrée à ce sujet, de nombreux hommes interviewés sur le renouveau des codes de l’apparat m’ont confié ne pas être totalement rebutés par les figurations d’hommes en jupes, voire pouvoir s’essayer à l’adoption de cette pièce vestimentaire. L’un des hommes interviewés, Jonathan, déclarait ainsi : « lorsque je suis en vacances au bord de la mer, si l’on sort le soir, ma copine va facilement mettre une robe légère dans laquelle elle n’aura pas chaud, en revanche, moi je vais tout de suite mettre un jean ou un pantalon en toile et une chemisette, j’aurais quand même plus chaud. Peut être que si le kilt était quelque chose de courant, je me dirais « tiens, pourquoi je ne mettrais pas un kilt ? C’est court, l’air rentre, je ne vais pas transpirer, je serais à l’aise? (…)  Après tout pourquoi une jupe ou une robe conviendrait mieux à une femme ? On a tous deux jambes, donc pourquoi pas ? »

Alors en effet, l’homme en jupe, pourquoi pas ? Cette affirmation interrogative est bel et bien le leitmotiv de tous les hommes « pro-jupettes » : puisque la femme peut porter des pantalons et des jupes, pourquoi pas l’homme ?

Du pantalon pour femmes à la jupe pour hommes ?

Rappelons-nous que, dans les années 1920, le problème était posé de façon symétrique avec les prémisses du port du pantalon par les femmes : l’entrée de cette parure masculine dans la garde-robe féminine a véritablement participé à l’émancipation des femmes dans les années Folles. Il semble aujourd’hui que nous revivions une évolution du même ordre, coté masculin.

A l’aube de la postmodernité, l’homme contemporain, succédant au « mâle du siècle moderne » prisonnier des carcans de la virilité, renaît de ses cendres et se réapproprie des pratiques, objets, imaginaires, qu’il avait autrefois délaissés. L’homme semble ainsi renouer avec ce qui le caractérisait de façon ancestrale, avec ces archétypes fondateurs constitutifs de l’inconscient collectif : en réintégrant cette part animale, enfantine, ou féminine qui fonde l’entièreté de son être. Traduisant bel et bien cette orientalisation du monde (théorisée par Michel Maffesoli) de par ses origines, la jupe masculine (tout comme le maquillage pour homme) apparaît alors comme une pratique esthétique de libération du corps : cet objet symbolique constitue donc la marque d’une nouvelle prise en compte de cette enveloppe charnelle, de cette chair éprouvée par des décennies de codes moraux rigides.

La jupe pour hommes : symbole de la diversité actuelle de la masculinité

En revendiquant une certaine liberté d’être que l’homme n’a pas, et que la femme aurait apparemment acquise, l’homme en jupe manifeste son désir de confort et de bien-être. Ainsi, la (plus en plus grande) visibilité de la jupe masculine illustre parfaitement cette volonté de l’homme de s’émanciper, de se libérer des injonctions viriles, afin de lutter contre l’uniformisation. L’homme en effet se caractérise de nos jours par une pluralité, une diversité, une multiplicité d’êtres qui rompt totalement l’image moderne du dualisme sexuel oppositionnel.

Bien-sûr, les hommes en jupes ne sont pas encore majoritaires, et, pour ceux qui en possèdent, ce vêtement reste une pièce d’exception réservée aux grandes occasions. Toutefois, on ne peut s’empêcher de relayer l’interrogation du célèbre créateur de mode Marc Jacobs : « 2012, tous en jupes ? », tout en se demandant secrètement ce que ses adeptes pourront bien porter en dessous…

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