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 Vêtements (presque) jetables : comment la Fast Fashion pollue lourdement
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La Fast Fashion est une industrie qui vous propose des vêtements tous les jours, mais les stocks souvent invendus constituent un danger pour l'environnement. Au delà de leur conception, c'est la gestion de leur recyclage et de leur seconde vie qui fait encore défaut.

Hélène Sarfati-Leduc

Hélène Sarfati-Leduc

Conseil en Développement Durable et Stratégie RSE de Marque

Consultante indépendante en développement durable aurprès d'entreprises de la mode, de l'habillement et du luxe depuis huit ans. Diplomée du Master Innovation Design et Luxe de Marne La Vallée, elle y intervient aujourd'hui sur le thème du Luxe et du Développement Durable et assure les relations avec la formation des professionnels du luxe . 

Elle a fondé Le French Bureau, les experts de la mode responsable

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Atlantico : La Fast Fashion est une industrie qui propose une grande variété de vêtements à toute époque de l'année. Les distributeurs comme Zara, Primark, H&M constituent des stocks impressionnants de vêtements (H&M produit notamment de 550 à 600 millions de pièces par an). Seuls à ce jour 1,3 millions étaient traités et recyclés. Quelles sont les conséquences de cette industrie sur l'environnement, particulièrement quand on sait que toutes les pièces sont loin d'être réemployés par ces chaines ?

Hélène Sarfati-Leduc : La chaîne de valeur de la mode est complexe et mondialisée. Un exemple emblématique est le jean, qui peut parcourir jusqu'à 65000 km du champ de coton à votre armoire. Filature, tissage, ennoblissement, confection, distribution, utilisation et fin de vie, chaque étape de ce cycle de vie impacte l'environnement.

Les pesticides sont, d'une part, nécéssaires pour la culture des matières premières végétales. Les produits auxiliaires textiles tels que les produits toxiques pour les phases de filature et tissage et d'ennoblissement. Les teintures impliquent nécessairement d'immenses consommations d'eau sans parler des rejets dans l'environnement en cas d'absence de stations d'épuration. En outre les déchets de confection textile, les poussières inhalées par les ouvriers, ou les techniques de sablage des jeans sont autant d'éléments polluants... l'utilisation de lessives et d'eau pour l'entretien des vêtements et les tonnes de textiles envoyés dans les fripes, incinérés, ou jetés... Tout cela a des répercussions sur l'environnement car ça génère des tonnes de CO2 pendant les phases de transformation de la fibre, de la confection des vêtements, du transport, cela consomme de grandes quantités d'énergie plus ou moins impactantes pour l'environnement en fonction du mix énergétique de chaque pays. 

Les produits chimiques utilisés se déversent dans les cours d'eau et polluent les rivières et les nappes phréatiques.. Rappelons que l'industrie textile arrive juste derrière celle du pétrole en matière de pollution de l'environnement.

Que peuvent faire ces chaines mondialisées pour améliorer et repenser la seconde vie des vêtements ? Ont-elles vraiment un intérêt à le faire à l'avenir ? N'y a-t-il pas le risque que cela se traduise par davantage de coûts et moins de marges pour elles ?

Toutes les chaînes mondialisées de mode prennent le sujet du développement durable  très au sérieux, avec plus ou moins d'actions concrètes et/ou pertinentes à la clé. Disons que le sujet est considéré comme important. Certains événements comme celui du Rana Plaza notamment en 2013 les ont mises plus que jamais sous les feux des projecteurs, comme les Cop 21 et Cop 22 qui ont rappelé l'enjeu capital du réchauffement climatique.

Elles ont intégré, pour certaines, les questions d'économie circulaire en faisant appel aux fibres recyclées, notamment en récupérant auprès de leurs clients des tonnes de textiles pour en exploiter la matière première. Le recyclage est à la fois un enjeu économique - tension sur les matières premières dont les coûts augmentent du fait de l'augmentation des coûts d'accès aux énergies fossiles - sociétal, - le pouvoir est au citoyen qui use des réseaux sociaux pour réclamer de la  transparence et est de plus en plus prompt à réagir  et à incriminer les marques - et bien sûr environnemental - les distributeurs ont une responsabilité sur la fin de vie de leurs produits, cf la taxe Emmaus ou la contribution Eco TLC pour tout metteur sur le marché d'articles textiles...

L'intérêt à engager réflexion et action sur la fin de vie des vêtements est donc triple et sa légitimité ne fait plus vraiment débat pour les entreprises. Reste à le mettre en oeuvre, notamment avec des systèmes de collecte.  Utiliser ses magasins est une bonne solution.

La solution qui serait la plus pertinente est la refonte du business model de la Fast Fashion, mais ce n'est pas pour tout de suite, bien que ce modèle semble s’essouffler dans certaines zones du monde, comme certains pays européens  et les pays nordiques. La question du coût relève le plus souvent du réseau de distribution et du marketing, donc repenser la seconde vie des vêtements n'est pas le poste de dépense le plus élevé. Enfin, un vêtement plus responsable ne sera pas forcement plus cher si l'on économise sur la distribution et le marketing.. 

Cette frénésie pour des vêtements peu chers, faciles à produire peut-elle s'arrêter, ou au moins ralentir ? 

Il est clair que notamment en France où nous observons et accompagnons les acteurs de la mode depuis de nombreuses années, on sent vraiment, et nous en sommes les témoins au French Bureau, un besoin, une envie et un mouvement soutenu vers plus de simplicité dans sa consommation de vêtements, moins d'accumulation, plus de sens. 

Beaucoup de nouvelles créations de marques avec pour toutes un engagement fort  pour le développement durable sous toutes ses formes (matières recyclées, made in France, matières biologiques....), une envie d'un vestiaire simple, épuré, réduit à l'essentiel. Même la jeune génération cherche à se démarquer d'une offre trop ressemblante et se lasse de retrouver sur tous les mêmes vêtements. Parallèlement à ces créations de marques différentes, on assiste à la multiplication des vide dressing géants, des trocs, reventes, location et échanges de vêtements, brocantes en tous genres.

Les grands distributeurs sentent bien ces signaux et rachètent des sites de vente d'occasion, proposent du vintage dans leurs espaces de vente, développent des capsules responsables, recourent aux matières recyclées ou innovantes plus respectueuses de l'environnement, et  la mode repense la saisonnalité de ses collections..

Nous croyons au French Bureau en l'émergence d'une mode différente et en l'évolution vers un nouveau paradigme économique. La société bouge vers plus de simplicité moins d'encombrement et moins de sollicitations.. Nous sommes là pour accompagner les acteurs de la mode pour capitaliser sur ce changement. C'est une très belle opportunité et une évolution nécessaire et irréversible .

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