Tunisie : le prix Nobel de la paix qui ne change rien et change tout <!-- --> | Atlantico.fr
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Leïlã ‏@LaylaNajarr 9 oct.#Tunisie félicitation ma Tunisie #تونس_تفوز_بنوبل_للسلام #تونس
Leïlã ‏@LaylaNajarr  9 oct.#Tunisie félicitation ma Tunisie #تونس_تفوز_بنوبل_للسلام #تونس
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Revue de blogs

Le prix Nobel de la paix attribué au Dialogue National Tunisien a surpris, y compris la Tunisie, qui ne se rend pas bien compte dans les cahots d'une transition douloureuse qu'elle est une enclave unique d'Etat de droit et de réformes actives aux portes d'un enfer géopolitique.

Claire Ulrich

Claire Ulrich

Claire Ulrich est journaliste et fan du Web depuis très longtemps, toujours émerveillée par ce jardin aux découvertes, et reste convaincue que le Web peut permettre quelque chose de pas si mal : que les humains communiquent directement entre eux et partagent la chose humaine pour s'apercevoir qu'ils ne sont pas si différents et qu'il y a donc un moyen de s'entendre.

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Sur Twitter, le hashtag تونس_تفوز_بنوبل_للسلام (Prix Nobel Tunisie) est un déferlement de fierté et de félicitations, y compris des citoyens et des jeunes des pays du Golfe et d'Egypte, très admiratifs devant les prouesses de cette incroyable petite Tunisie. Sur place, entre youyous de joie et ricanements cyniques, le Nobel de la Paix attribué au quartet qui a contribué à garantir des élections et une nouvelle constitution en Tunisie, est toujours pour les internautes tunisiens un concept étrange qui exige de se dédoubler. Vu de Tunisie et vu d'ailleurs.

Les terribles attentats du Bardo et de Sousse sont toujours une douleur proche. Mais à la veille de l'annonce du Nobel, l'affaire qui agitait les conversations et les partis politiques en Tunisie était le statut des homosexuels depuis la condamnation d'un jeune de Sousse à un an de prison pour son orientation sexuelle. Preuve, malgré tout, que la Tunisie est en effet vraiment loin, très loin devant ses voisins du Maghreb et du Moyen-Orient sur les débats de société pour pouvoir en parler.

DébaTunisie, le site phare de la caricature tunisienne, n'en peut plus des rabat-joie sur place, dédaigneux de cet honneur :

"A part nos intellos bajboujeux patriotards fiers d'être les héritiers d'une Tunisie trois fois millénaire, tous les autres penseurs facebookiens du bled n'ont cessé de nous casser les couilles ce week-end avec leurs critiques et leur mauvaise humeur. Même si parmi leurs analyses savantes, certaines n'ont pas manqué de pertinence, ils oublient trop souvent la dimension purement symbolique de la chose (...) Dans le marasme d'une pré-guerre mondiale, ça donne un peu de joie. Tout le reste n'est que littérature".

Caricature, Debatunisie.

Myriam Amri a une phrase qui explique pour elle "pourquoi les Tunisiens comme moi sont cyniques" : "Voilà la contradiction tunisienne : nous sommes le pays qui a produit le plus important contingent de djihadistes étrangers en Syrie, tout en étant celui de la transition démocratique la plus achevée au Moyen- Orient (...) Peut-être les Tunisiens sont-ils trop pris dans la routine des déclarations politiques, des problèmes économiques et des constantes alertes de sécurité, pour se rendre compte du chemin parcouru."

Illustration largement partagée sur le web tunisien en 2011.

Vue d'ailleurs, la Tunisie est actuellement un hotspot géopolitique brulant, aux portes de l'enfer libyen et syrien, et les analyses politiques se sont multipliées sur les blogs d'opinion et diplomatiques du monde entier. Pour le monde, la Tunisie, seule loupiotte démocratique, malmenée mais toujours debout, et qui n'a jamais cédé à la guerre civile, est un enjeu capital à la jointure de l'Europe méditerranéenne et du Moyen-Orient.

Youssef Cherif, analyste tunisien pour l'Institute of reporting on war and peace, juge dans son post titré "Non pas la mère de Daesch, mais le pays du Nobel", que :

"Les effets les plus immédiats de ce Nobel seront ressentis par le gouvernement tunisien et les partis vainqueurs de l'élection de 2014. Maintenant que la communauté internationale à les yeux tournés vers la Tunisie à nouveau, des dérives de la democratie peuvent être évitées. La société civile, par ailleurs, accusée souvent de faire le jeu des puissances étrangères ou de militer pour le terrorisme peut également acquérir une légitimité par ce prix. (...) Le gouvernement devrait saisir cette opportunité pour demander plus d'aide de la communauté internationale. Le monde a besoin aussi de voir la Tunisie comme une puissance de paix et non comme un risque pour la sécurité. (...) D'ici à janvier  2016, la Tunisie entrera dans sa sixième année de transition démocratique, avec des effusions de sang limitées et des institutions malmenées, mais qui fonctionnent. Le navire poursuit sa route, contre toute attente." 

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