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Taubira, Aubry ou X, vers qui pourraient se tourner les électeurs de la gauche de la gauche en 2017 ?
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La démission de Christiane Taubira et les débats autour d’une primaire à gauche pour 2017 ont remis au goût du jour l’émergence possible d’une candidature pouvant capitaliser à gauche de la gauche. Si la recentralisation du gouvernement socialiste aurait pu donner des arguments aux candidats d’extrême gauche pour séduire une base électorale plus nombreuse, la réalité est beaucoup plus nuancée et terne pour les aficionados du Front de gauche, NPA et LO.

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan est directeur d'études à l'Institut BVA.

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Quel poids pèse aujourd'hui l'extrême gauche ? Quelle est son évolution depuis 1945 ? Que met-on derrière le terme d’extrême gauche ?

Erwan Lestrohan : Aujourd'hui, l'extrême gauche se définie comme étant tous les courants qui se positionnent à la gauche du PS. Par exemple, Lutte Ouvrière ou le Parti de gauche sont étiquetés d'extrême gauche. Cette définition diffère de celle de la fin des Trente Glorieuses. A cette époque, elle représentait un ensemble allant du Parti communiste français aux formations trotskystes.

La victoire de Mitterrand en 1981 a engendré une refondation électorale qui a abouti à une concentration des forces politiques de gauche autour du PS. Depuis cette victoire, le corps électoral du bloc s'est polarisé autour du Parti socialiste – exception faîte de quelques périodes particulières telles que la présence d'EELV lors des élections européennes en 2009 ou la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidence de 2012.

Infographie Le Monde (29/03/2012)

En 1981, Georges Marchais rassemblait à l'élection présidentielle 15% des voix. Le corps électoral de la gauche résidait alors en une posture relativement consensuelle, jusqu'à la gauche plurielle de Lionel Jospin qui a connu des effritements réguliers au sein du bloc. Après le cataclysme du 21 avril 2002 - durant lequel le bloc fait front malgré les oppositions qui pouvaient naitre- la gauche s'est reconstruite. Seulement, depuis qu'elle est au pouvoir, les divisions sont plus visibles, et le bloc apparaît très friable. Finalement, la gauche se désagrège depuis 2012.

Qui vote aujourd'hui extrême gauche ?

Les enquêtes prouvent que l'on a des profils assez voisins par rapport à ce que l'on pouvait observer par le passé en termes de capital économique et social. Il s'agit de personnes davantage susceptibles d'être impactées par la crise économique et sociale. On retrouve plus facilement des profils un peu plus jeunes avec des bas revenus et des niveaux de diplômes plus bas que la moyenne et notamment que les sympathisants du PS. Il y a aussi, en parallèle l'adaptation de la population française qui est devenue moins rurale, plus diplômée, avec une féminisation de la vie politique. Par conséquent on retrouve dans l'électorat d'extrême gauche un peu plus de femmes, moins de ruraux et plus de diplômés qu'auparavant mais cette évolution tient aux mutations de la société française en tant que tel.    

Qu’en est-il des vases communicants entre le vote extrême gauche et le vote FN ? Est-il réel ou fantasmé ?

Non, c'est une idée que l'on retrouve régulièrement mais à laquelle l'on peut tordre le cou dans une certaine mesure. Si l'on retrouve un effet vase communicant entre l'extrême gauche et une autre formation, c'est le Front de gauche. Il y a eu d'une part le retrait d'Arlette Laguiller en 2008, celui d'Olivier Besancenot en 2011, et concomitamment, le Front de gauche a émergé en 2009. Il y a eu un effet de leadership de la part de Jean-Luc Mélenchon alors même que les deux personnalités fortes LO et NPA ont pris un certain recul avec la politique. Lorsque l'on analyse la courbe des électeurs qui se déclarent proches du Front de gauche, elle a évolué dans le sens inverse de celle représentant l'évolution des proches de LO et du NPA. Ces deux courbes évoluent de manière parallèle et symétriquement inverse.

En ce qui concerne les vases communicants entre l'extrême gauche et le FN, c'est une réalité mais à nuancer. Il y a cette fragilité à l'égard de la crise économique qui peut expliquer le vote pour des candidats plus radicaux. Néanmoins la proportion d'électeurs faisant le trajet de l'extrême gauche à l'extrême droite reste inférieure à celle faisant le chemin électoral des Républicains au FN.  

Sur quelles thématiques pourrait-on remobiliser ce corps électoral ? Quels thèmes ou mesures pourraient les faire revenir ?

Il y a des thématiques qui restent assez consensuelles à gauche, notamment ce qui a trait à l'emploi et à l'éducation. Maintenant, il y a des thématiques qui sont devenues assez clivantes. C'est le cas sur le plan économique avec le virage libéral de François Hollande au début de son quinquennat. Le virage sécuritaire depuis les attentats du 13 novembre clive encore un peu plus les électorats de gauche. L'opposition est très forte sur ce point entre les partisans du PS et ceux des partis situés à sa gauche. On retrouve des positions très différentes sur ces positions fondamentales de la gauche liées aux valeurs qui sont tout autant de leviers à activer pour susciter la participation des sympathisants de l'extrême gauche. Tout le débat sur la déchéance de nationalité, l'état d'urgence, le discours en direction des entreprises ont particulièrement heurté une partie des électeurs de gauche. Cela constitue des points d'ancrage de l'engagement en politique.

L’extrême gauche ne peut-elle pas bénéficier d’un espace politique plus large du fait de la recentralisation du gouvernement socialiste ?

Le problème c'est que jusqu'au cours des dernières années, la baisse du PS ne provoque pas de hausse de l'extrême gauche. Il n'y a pas de vase communicant à ce niveau. Deux hypothèses sont dès lors possibles : soit l'espace politique occupé par la gauche s'est réduit, soit il y a eu une désaffection des thèmes de l'extrême gauche. On voit néanmoins qu'il y a un potentiel tout de même important pour l'extrême gauche compte tenu du score de Jean-Luc Mélenchon lors de la dernière présidentielle. Si ce résultat est additionné à ceux de Philippe Poutou et de Nathalie Arthaud, on ne peut que constater une force électorale conséquente. Et celle-ci va être visée par le PS en 2017 pour assurer la présence d'un candidat de la gauche au second tour de l'élection présidentielle. Pour l'instant, s'il y a une figure qui se démarque pour représenter cette espace politique c'est Jean-Luc Mélenchon même si d'autres personnalités restent relativement crédibles à la gauche du PS, c'est le cas de Martine Aubry ou encore de Christiane Taubira.

Quelle personnalité d'extrême gauche pourrait relancer la machine pour 2017 et espérer faire plus de 10% ? Sous quelles conditions ?

En l'état, les sympathisants des partis à la gauche du PS répondent Mélenchon à près de 80% à la question "Quel personnalités politiques de gauche souhaitez-vous voir jouer un rôle majeur dans les prochaines années ?" C'est 12 à 13 points de plus qu'Olivier Besancenot et que Martine Aubry. Donc Jean-Luc Mélenchon a une nette avance en termes de popularité. Ceci dit, ça supposerait qu'il réussisse à fédérer autour de son éventuelle candidature. Or ne peut pas présumer des stratégies à la fois du PCF et du NPA quant à la future élection présidentielle.

Que pensent les électeurs d’extrême gauche de la primaire pour désigner un candidat unique de la gauche pour 2017 ?

On peut faire l'hypothèse que les électeurs d'extrême gauche y seront majoritairement défavorables car elle les desservira. Dans le cadre d'une primaire à gauche, il y aura un corps électoral composé à 70% de sympathisants du Parti socialiste. Donc, il y a ce problème originel pour une participation de l'extrême gauche à la primaire. Maintenant, il y a aussi la question du vote utile qui va se poser avec en toile de fond la possibilité qu'aucun candidat de gauche ne se qualifie pour le second tour de l'élection présidentielle. Ce vote utile peut faire le jeu d'une candidature socialiste mais pour le moment, nous n'avons pas d'éléments fiables sur le sujet.

On avait tout de même posé la question au moment du référendum que voulait organiser Jean-Christophe Cambadélis pour des listes d'Union de la gauche au premier tour de l'élection régionale. Le résultat a montré que les sympathisants du PS et d'Europe Ecologie les Verts y étaient très favorables. Mais seulement 45% des électeurs d'extrême gauche étaient d'accord. Donc, il est clair que cette posture de vote utile pour optimiser le résultat électoral fait consensus auprès des partisans du PS mais le morcellement de la gauche est tel que les électeurs de la gauche du PS sont beaucoup plus circonspects. Ce qui n'est pas illogique compte tenu des dissensions idéologiques qui font que l'idée d'une candidature unique est inenvisageable pour eux. En ce qui concerne EELV, les sympathisants sont plus enclins que leurs dirigeants à valider la ligne politique du PS actuel. Et ici, c'est davantage les élus qui vont bloquer un tel processus unificateur. 

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