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Solidification du carbone : l’arme fatale contre le dérèglement climatique ?
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Atlantico Green

Moins de pollution atmosphérique, plus de ciment, la solution mise en place par la recherche est bénéfique sur tous les plans.Reste plus qu'à la financer.

Florent Bourgeois

Florent Bourgeois

Florent Bourgeois, professeur en génie des procédés au Laboratoire de Génie Chimique (LGC) de Toulouse.

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Atlantico: Une des solutions de la recherche française pour diminuer la quantité de CO2 dans l'atmosphère serait d'exploiter le carbone. Vers quel type d'exploitation la recherche penche-t-elle?

Florent Bourgeois: Dans les faits, l’industrie utilise déjà du CO2 (celui-ci est extrait du sous-sol) pour fabriquer, par exemple, de l’acide salicylique qui entre dans la composition de l’aspirine. Mais cette utilisation, au demeurant fort utile, est insignifiante par rapport au CO2 que l'on émet.

Au Laboratoire de Génie Chimique de Toulouse,  nous cherchons à aller plus loin dans ces usages. À partir du CO2 sous forme de gaz, nous produisons des particules de carbonates (le carbone solidifié) qui pourraient être valorisées sous forme de matériaux de construction, notamment de ciments. Le béton étant le deuxième matériau le plus consommé par l’homme après l’eau, le secteur de la construction apparait de prime abord comme un marché naturel de carbonates produits à partir du CO2. L’échelle de cette industrie est elle aussi à la mesure des quantités de CO2 qui doivent être transformées pour contribuer à limiter le réchauffement climatique.

Comment votre laboratoire transforme-t-il le carbone?

Nous accélérons un processus naturel : la transformation naturelle du CO2 en carbonate solide. Un carbonate se présente comme un caillou. La nature réalise ce processus  sur une échelle de temps géologique, donc très lentement. Nous essayons d'accélérer ce processus, sans toutefois consommer trop d’énergie pour y parvenir, en chauffant le mélange et sous une pression partielle de CO2 environ 300 fois supérieure à celle de l’atmosphère. Avec notre procédé, on réussit à produire des “cailloux” de quelques dizaines de microns en quelques heures.

Comment peut-on "attraper" le carbone de l'atmosphère?

Le captage du carbone au-dessus de nos têtes est beaucoup trop dilué pour que l'homme puisse le capter facilement. Bien sûr, il existe des procédés naturels : les végétaux, le plancton, les coraux consomment et transforment le CO2 de l'atmosphère. Nous limitons nos travaux au CO2 émis de manière  non diffuse, ou concentrée, qui est produit par de gros émetteurs industriels.

A la sortie d'un tuyau d'usine, le CO2 peut être aisément capté et concentré par des procédés de captage bien établis, généralement basés sur l’affinité entre un absorbant chimique et la molécule de CO2

Quelles sont les difficultés qui restent encore à résoudre?

Il faut que notre procédé soit le moins énergivore possible. En effet, il ne faudrait pas que le procédé de captage de CO2 émette plus de CO2 qu’il n’en élimine !

Nous souhaitons aujourd’hui quitter l’échelle du laboratoire et pouvoir tester cette technologie à une échelle plus grande et transposable à un niveau industriel. Transformer de grandes quantités de CO2. Mais pour le moment, nous en sommes seulement au stade du développement technologique, dont on ne peut présager la viabilité économique qui dépend de l'évolution de l'économie de l'environnement. Pour aller plus loin, il faut que le marché soit favorable. Et pour que le marché soit favorable, il faut qu’à l'émission d'une tonne de CO2 soit associée une valeur économique suffisamment élevée pour permettre de financer le processus de capture du CO2 et  sa transformation en carbonates. Le bilan net de l'opération doit être positif pour que le procédé puisse être attractif. Tant que la tonne de CO2 restera aussi bas qu’aujourd’hui, les procédés de mitigation du CO2 auront des difficultés  à voir le jour. Le protocole de Kyoto misait sur une valeur de 100 euros la tonne de CO2. Avec une telle valeur,  plusieurs options de captage et stockage du CO2 deviendraient économiquement possibles. Quelques start-ups, au Canada et en Australie par exemple, développent des méthodes de transformation du CO2 similaires à la nôtre, mais ces sociétés doivent leur développement à des fonds privés et publics importants qui leur permettent de développer leurs technologies. Nous sommes actuellement en recherche de financements qui nous permettraient de rester dans la course…

Propos recueilis par Clémence Houdiakova

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