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Rencontre Obama Netanyahu : pourquoi ils se détestent... et pourquoi ça ne change pas grand chose
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Trans-Amérique Express

Barack Obama rencontrera ce mercredi Benjamin Netanyahu à l’occasion de son premier voyage présidentiel en Israël. Si l’Etat hébreu reste le grand allié des Etats-Unis, le courant n’est jamais passé entre le président et le premier ministre. La faute à quelques bévues diplomatiques et de profondes divergences politiques.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Ce 20 mars, le président Obama arrive en Israël. Première étape d’une tournée au Proche-Orient qui le conduira également en Jordanie et en Cisjordanie. C’est sa première visite en Terre Sainte depuis son entrée à la Maison Blanche en 2009. Sa précédente venue remontait à juin 2008. Il n’était alors que candidat.

Les ambitions de cette visite sont modestes. Le processus de paix israélo-palestinien est au point mort. Les désaccords entre Washington et Tel Aviv, sur la façon de le relancer, profonds. La construction de nouvelles colonies israéliennes à Jérusalem-Est et le contrôle de Gaza par le Hamas, organisation considérée comme "terroriste" par Washington, bloquent toute discussion.

Du coup le président américain et le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, se focaliseront sur les autres dossiers chauds de la région : la guerre civile en Syrie, le dossier nucléaire iranien, le détournement du "printemps arabe" par les partis islamistes. Des questions qui intéressent Israël au plus haut point. L’Etat hébreu demeure entouré par des pays arabes hostiles. L’Iran le menace régulièrement. Et il partage une frontière avec la Syrie, au plateau du Golan, occupé par Israël depuis 1967, et partiellement patrouillé par l’Onu.

Mais au-delà des discussions c’est l’attitude des deux hommes que les observateurs vont scruter. Car Barack Obama et Benjamin Netanyahu ne s’apprécient guère. On dit même qu’ils se détestent cordialement. Une détestation née de rendez-vous manqués et de visions politiques opposées. Mais une détestation qui ne remet pas en cause le soutien infaillible des Etats-Unis à Israël.

Entre eux, les choses ont mal commencé. En juin 2009 Obama effectue un grande tournée au Proche-Orient qui culmine par un discours d’ouverture au monde musulman prononcé au Caire. Dans ce discours il affirme que "les Etats-Unis ne reconnaissent pas la légitimité des colonies israéliennes" en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Pour lui, ces constructions rendent impossible la mise en œuvre de la solution dite des "deux Etats". Un langage inattendu dans la bouche d’un président américain. Comme Obama a omis de s’arrêter en Israël pendant son périple, Netanyahu s’est senti victime d’un double affront.

Un brin provocateur, Netanyahu répond l’année suivante. En mars 2010, au milieu d’une visite du vice-président Joe Biden en Israël, son gouvernement annonce la construction de mille six cents nouveaux logements à Jérusalem-Est… La coïncidence est vexante pour Joe Biden qui ne cache pas son dépit lors de la conférence de presse commune. Ce soir-là il arrivera au diner officiel avec 90 minutes de retard.

Quelques jours plus tard c’est Netanyahu qui se trouve à la Maison Blanche pour une visite de travail. Les discussions sont tendues et Obama quitte la réunion pour aller diner en famille dans ses appartements privés. Il reviendra simplement à sa conclusion pour saluer son visiteur.

En mai 2011, à l’occasion de la venue à Washington de M. Netanyahu, Obama insiste dans un discours sur la nécessité, pour tout accord de paix, d’un retour aux frontières de 1967. Celles d’avant la guerre des Six Jours. Le lendemain, dans le bureau ovale, un Netanyahu inflexible fait la leçon au président américain. Devant la presse, doigt professoral pointé en avant, il détaille l’histoire d’Israël. Les frontières de 1967 sont "indéfendables", dit-il. "Une paix bâtie sur des illusions, se fracassera contre la dure réalité du Proche Orient".

Cet épisode glacial marque la rupture entre les deux hommes. Obama a compris qu’il ne ferait pas bouger Netanyahu et ce dernier est convaincu que le président américain "ne comprend pas" la situation d’Israël. Dès lors Obama se désintéresse du dossier et s’en tient aux positions officielles américaines vis-à-vis de son allié.

A l’amorce de la campagne présidentielle américaine, Obama adopte un langage plus conciliant. Pour espérer être réélu, il ne peut s’aliéner le "vote juif", ni le vote des Américains pour qui l’alliance avec Israël est sacrée. Du coup il rejette la reconnaissance du statut "d’Etat" à l’Autorité Palestinienne par l’Assemblée Générale des Nations Unies, et cesse d’appeler à un gel des colonies.

Néanmoins Netanyahu cache à peine sa préférence pour le challenger républicain Mitt Romney. Les deux hommes se connaissent depuis les années 1970, ayant travaillé en même temps pour le Boston Consulting Group. En juillet 2012 quand le candidat républicain se rend en Israël (son quatrième voyage sur place) Netanyahu le reçoit et les deux hommes affichent un "accord parfait" sur tous les sujets. Au contraire d’Obama, Romney épouse parfaitement la "ligne Netanyahu".

En septembre 2012 tandis que Netanyahu et Obama participent à l’Assemblée Générale de l’Onu, les deux hommes s’évitent, prétextant des agendas inconciliables…

Au-delà des conflits de personnalités, leur différend tient à deux visions opposées du Proche-Orient et de ce qu’il faudrait pour y établir la paix.

Obama a adopté les thèses de la gauche américaine pro-palestinienne. Elles placent la responsabilité des blocages sur l’intransigeance israélienne et l’extension systématique de ses colonies, considérées comme "illégales", et qui ont morcelé la Cisjordanie au point de rendre rendent la solution des "deux Etats", impossible à mettre en œuvre.

Netanyahu, leader du Likud, le parti conservateur, défend les thèses de la droite israélienne. Pour lui Israël est face à un environnement hostile. Les Palestiniens et de nombreux pays arabes refusent son droit fondamental à exister. Ils continueront, quoiqu’il arrive, à œuvrer pour sa destruction. Israël est en droit de se défendre et de gérer son développement démographique et économique, sans attendre que ses ennemis renoncent à leurs projets. D’autant que le seul langage que les mentalités arabes comprennent est celui de la force.

Ces désaccords et la détestation mutuelle ne sont toutefois pas suffisants pour remettre en cause l’infaillible soutien américain à son allié. Les Etats-Unis versent trois milliards de dollars par an à Israël pour sa défense. Ils ont contribué à mettre en place son "dôme de fer", un système de défense anti-missile conçu pour protéger les villages du sud contre les rockets du Hamas, puis étendu à l’ensemble du territoire. Pour un coût supplémentaire de 900 millions de dollars sur quatre ans. Israël est aussi le seul pays à pouvoir acheter des avions de chasses américains (notamment des F-35) dotés des dernières technologies.

Sur la scène internationale, l’administration Obama a toujours défendu Israël. Notamment à l’Onu. Y compris tout récemment lors de l’opération Piliers de Défense contre le Hamas à Gaza. Un soutien reconnu avec gratitude par Netanyahu. En mars 2012, il disait : "Israël et les Etats-Unis partagent des valeurs communes, nous défendons des intérêts communs, face à des ennemis communs…Nous sommes vous, et vous êtes nous. Nous sommes ensemble."

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