Recyclage : trier le plastique est beaucoup moins efficace qu’on le croit mais voilà pourquoi il ne faut pas y renoncer<!-- --> | Atlantico.fr
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Certaines filières du tri des déchets pourraient être encore plus performantes.
Certaines filières du tri des déchets pourraient être encore plus performantes.
©Eric CABANIS / AFP

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Le principe du recyclage n’est pas en cause. Malheureusement, bien souvent le plastique destiné à être recyclé finit dans les océans au large de l’Asie.

Kako Naït Ali

Le Dr Kako Naït Ali est ingénieur et docteur en chimie des matériaux.

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Atlantico : Alors que le recyclage du plastique est une cause noble et cruciale pour la protection de l’environnement, une partie du plastique destiné à être recyclé finit dans les océans au large de l’Asie, selon de nombreuses études et des publications dans la presse britannique. Quels sont les pays qui sont les moins bons élèves dans la gestion du recyclage du plastique ?

Kako Naït Ali : L’Allemagne et l’Angleterre sont parmi les pays qui exportent le plus de déchets. Certaines des exportations sont localisées au niveau géographique. Il peut y avoir des échanges à l’échelle européenne, entre pays voisins. Un pays peut recycler le plastique de son voisin et en contrepartie ce pays voisin va transférer du papier à recycler du premier pays.

L’export concerne principalement les pays asiatiques (à l’exception de la Chine qui a fermé ses frontières) et la Turquie. Il existe effectivement un risque concernant le traitement des matières à recycler dans ces cas de figure.   

En Chine, une grande partie des déchets plastiques est utilisée pour fabriquer de nouveaux matériaux incluant des fibres textiles recyclées. La Chine a elle-même connu une explosion de l’utilisation du plastique et recycle donc son propre plastique, qui lui suffit à produire ce dont elle a besoin en termes de matière recyclée. L’importation de matières à recycler étaient nécessaires il y a une dizaine d’années pour que le pays puisse produire ces matériaux recyclés. Depuis 2018, la Chine a fermé ses frontières et n’accepte plus certaines catégories de déchets, incluant des déchets plastiques, dans le cadre de la mise en place d’une politique environnementale. Cela a été nécessaire pour les raisons de sa capacité de recyclage comme évoqué, mais aussi parce que la qualité des déchets importés était très mauvaise, parfois mélangés avec des déchets dangereux. 

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Il est important de différencier deux types de déchets à recycler : ceux issus des déchets ménagers, que l’on tri dans la poubelle jaune, et ceux issus des entreprises qui ne sont pas traités dans la même filière.

La quantité de déchets des municipalités qui va être recyclée à l’étranger est connue grâce à la responsabilité élargie des producteurs (REP). Par contre pour les déchets issues des entreprises privées et structures publiques, cela est beaucoup plus flou.

L’exportation des déchets est un fléau. Certains experts ou journalistes vont exprimer l’idée selon laquelle il est nécessaire d’arrêter de trier. Il n’y a rien de pire que d’arrêter de trier en réalité. Ce n’est pas la bonne solution parce que les déchets sont des sources de matière première. Lorsque l’on recycle, la matière est réutilisée. Cela évite de recourir à l’extraction de matières premières comme celles issues du pétrole. L’économie se retrouve sur l’énergie utilisée, la ressource qui n’est pas extraite et sur d’autres impacts environnementaux, la circularité de l’économie est ce sur quoi nous devons tendre.

Le recyclage est aussi vertueux car il incite à trier nos déchets. Ces habitudes de traitement des déchets permettent d’éviter que ces déchets se retrouvent n’importe où.

L’industrie s’est focalisée pendant des années sur le plastique. Mais on découvre aussi beaucoup de quantité de déchets papiers qui sont abandonnés. Les consommateurs estiment que cela va se dégrader tout seul et cela entraîne donc de mauvaises pratiques et une pollution considérée comme « admissible » alors qu’elle ne l’est pas.

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L’habitude de tri est donc très importante. Elle permet de se rendre compte de la quantité de déchets que l’on utilise. Cela permet de réduire ou de réutiliser nos déchets. Les études sur la question des déchets plastiques sont généralement mal traduites dans les articles dans la presse, ce qui donne une image de la situation qui ne permet pas au consommateur de se rendre compte de ce qui est effectivement efficace dans le traitement de la pollution plastique. Un changement doit avoir lieu sur ce point, ce qui devrait inciter les citoyens à bien trier.

Qu’est-ce que l’on peut réellement faire si une partie des déchets à recycler qui est envoyée à l’export est mal traitée et alors que l’arrêt du tri n’est pas envisageable ?

Le tri reste la bonne solution. L'important est de trier tous les emballages et tous les déchets. Le papier par exemple est réutilisable cinq à sept fois. Si on ne trie, cela va nécessiter plus de ressources, plus de bois pour fabriquer du papier, même chose pour l’acier et pour les autres matériaux.

Il faut donc absolument trier nos déchets. Il est possible de réduire les quantités d’emballage et de les réutiliser. Des alternatives existent.

L’export est un problème mais ce n’est pas forcément un problème sur les nos emballages triés en France. Le problème de l’export est lié aux déchets non ménagers, dont le suivi s’il existe n’est pas disponible. 

Les déchets que l’on retrouve souvent à l’étranger viennent des Etats-Unis ou de certains pays d’Europe concernant les déchets ménagers. Il y a également tous les déchets qui dépendent d’autres filières moins maîtrisées, comme certains déchets industriels.       

Nous assistons à un fort lobbying des associations favorables au zéro déchet mais cela reste actuellement une utopie. Cet objectif potentiel à atteindre doit permettre de réduire un maximum nos déchets. Généralement ce type d’associations s’attaque au recyclage alors que c’est un outil parmi d’autres pour réduire la pollution plastique entre autres.

En réalité, nous nous tirons une balle dans le pied en ciblant uniquement le plastique. Ce matériau est très utile pour certains types d’aliments. On ne sait pas emballer certains  produits avec d’autres matériaux que le plastique sans réduire sa durée de consommation ou augmenter l’impact environnemental de l’emballage.

Il est donc important de réduire de manière générale tous les déchets, tous les types d’emballages et d’éviter de se focaliser sur un type de produit ou un matériau précis. Le message risque de ne pas passer et d’être contreproductif. Cette situation n’est pas assez contextualisée dans les médias. 

Tous les pays n’exportent-ils donc pas leurs déchets selon la même quantité ? Les Etats-Unis et le Royaume-Uni le font-ils beaucoup plus qu’une partie du reste de l’Europe.

Cela dépend vraiment des pays effectivement. Les Etats-Unis sont les champions en la matière de l’exportation des déchets. Ils ont de gros problèmes dans la gestion des déchets. Tout va dépendre de la manière selon laquelle les pays ont organisé leur filière de recyclage et de tri sur les déchets ménagers et industriels.

Il est très difficile de reprendre les éléments d’un pays et de le comparer à ce que fait la France par exemple. Des articles de journaux en France reprennent des éléments issus des Etats-Unis. Etant donné qu’il s’agit du pire des cas, cela ne va pas être le bon exemple. Cela donne un sentiment faussé sur la France qui serait assez proche de la réalité américaine. Cela n’a pourtant rien à voir en termes de gestion des déchets.

Beaucoup de temps a été nécessaire pour que les citoyens intègrent le fait qu’il était important de trier ses déchets. Il faudrait éviter de reculer sur ce sujet-là.

Notre gestion des déchets en France est-elle efficace et écoresponsable ?

Pour les déchets ménagers, il y a encore du travail, notamment sur les objectifs de recyclage même si nous avons énormément évolué sur ce point ces dernières années. Pour la poubelle jaune, le principe initial était de n’y déposer que certains plastiques, que les flacons et les bouteilles. Pour le reste, les filières n’étaient pas encore très développées.

Petit à petit, les autres types de plastique ont été intégrés comme les films plastiques. Ils ont été incorporés dans des filières particulières.

Il y a encore certains plastiques pour lesquels il n’y a pas de filière en boucle fermée et qui seront traités par valorisation énergétique. Il est crucial de ne pas les envoyer à l’autre bout du monde. Ils vont être brûlés pour produire de l’énergie et remplacer les énergies fossiles. L’objectif final est le recyclage et pas la valorisation énergétique. Tout est fait pour changer le matériau afin qu’il puisse se recycler dans une filière déjà existante, soit créer une filière spécifique pour ce matériau-là.

D’importantes avancées ont été réalisées ces dernières années pour résoudre cette crise du plastique.

L’écoconception est également demandée pour tous les emballages alimentaires. Avec l’écoconception, un emballage doit pouvoir être recyclé sur le territoire national.

Des efforts peuvent encore être réalisés sur le type de plastique ou de papier utilisé ou sur l’écoconception ainsi que sur les filières de recyclage existantes.

Malgré tout, le problème de l’exportation reste un problème. A quel point le fait d’envoyer ces déchets en Asie aboutit au fait qu’ils finissent dans l’océan au final ? 

Ces déchets vont être acceptés dans des filières à l’étranger. En fonction de la qualité des déchets, ils pourraient se retrouver dans des décharges à ciel ouvert et non gérées. Avec ce genre de décharges, les déchets vont se dégrader au fur et à mesure et vont se déchiqueter. Ils vont aussi s’envoler. Les déchets vont donc finir par aller dans le sol ou dans des rivières et atterrir dans l’océan. Cela concerne les emballages ou des particules de microplastique qui vont se retrouver dans l’océan.

Les études sur le sujet montrent que les pays qui polluent le plus sont ceux qui ont un système de gestion des déchets très pauvre, les pays d’Asie et d’Afrique notamment.

Des pays européens sont responsables en partie de la situation pour ceux qui envoient beaucoup de déchets à l’étranger. Il est donc important d’apprendre à gérer nos propres déchets en interne en Europe et de limiter au maximum les envois à l’étranger.

Comment est-il possible d’agir vis-à-vis de ces nations ? Est-il possible que ces pays recyclent mieux ou est-ce un problème insoluble ?

Ce problème n’est pas insoluble. Des associations s’engagent et aident certains pays à récupérer les déchets avant qu’ils n’atterrissent dans l’océan. Des moyens et des méthodes existent pour lutter contre la migration des déchets vers les océans. Cela consiste à limiter l’envoi de la quantité de déchets, à vérifier qu’il y ait un vrai système de tri des déchets. Il faudrait être en capacité de gérer nos déchets au moins en Europe. Si les pays qui envoient ces déchets-là se soucient vraiment de ce qu’il se passe dans les destinations concernées à l’étranger, l’envoi ne devrait pas être réalisé sans une vérification et un contrôle sur le fait que les déchets soient bien recyclés sur place et qu’il y ait une véritable filière de gestion des déchets sur place.

Certains pays concernés n’ont déjà pas de filières de tri et de recyclage pour leurs propres déchets. Il est donc difficile de concevoir comment ils vont être en mesure de recycler les déchets des autres.

Cela soulève donc des questions éthiques. 

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